TUNISIE : « L’espace de l’Internet régresse » dénonce Reporters sans frontières

Reporters sans frontières dénonce le renforcement de la censure sur le réseau Internet tunisien. Depuis le 24 août 2008, le site du réseau social Facebook est bloqué sans explication.

« La censure touche aujourd’hui des sites très populaires qui n’ont a priori aucune portée politique. Le blocage de Facebook s’ajoute à celui de YouTube et de Dailymotion. Les sites de partage en ligne sont des espaces que les autorités veulent contrôler pour ne pas laisser la dissidence s’exprimer. Il est déplorable de voir l’espace Internet régresser« , a déclaré l’organisation.

Avant d’être totalement bloqué, le site Facebook (http://www.facebook.com) a connu des difficultés d’accès selon les fournisseurs d’accès utilisés par les internautes. Par exemple, les clients de PlaNet ne peuvent plus accéder à cette adresse depuis le 18 août. Le site reste cependant accessible en se connectant à d’autres adresses (http://www.new.facebook.comhttp://www.www.facebook.com).

Selon une étude réalisée par l’entreprise tunisienne de marketing Buzz2com, Facebook regroupait 28 313 internautes tunisiens le 14 août 2008. Certains dissidents, comme Mohammed Abbou, y ont récemment créé leur page personnelle, lançant des débats de société sur le site.

« C’est un phénomène important. Depuis deux ou trois semaines, Facebook est le lieu où s’exprime la dissidence. De nombreux blogs ont été fermés et leurs auteurs ont pu débattre sur Facebook en créant leur page personnelle« , a confié une internaute à Reporters sans frontières. On recense six groupes sur le site concernant la fermeture de Facebook en Tunisie, qui mobilisent un peu plus de 5 000 internautes.

Par ailleurs, Dailymotion et YouTube ont été rendus inaccessibles respectivement le 3 septembre 2007 et le 2 novembre 2007. YouTube reste cependant consultable à d’autres adresses telles que http://www.fr.youtube.comhttp://www.it.youtube.com et par l’adresse IP http://208.65.153.253. Dailymotion aurait été ajouté à la liste de sites filtrés en tant que site pornographique.

Les messageries Internet sont également filtrés. D’après des tests effectués en Tunisie, certains e-mails sont reçus vides et disparaissent de la boîte après ouverture. Sur Yahoo !, il est également impossible d’attacher des fichiers aux e-mails car la fonction est désactivée. Sur Gmail, la lecture est plus facile, mais il est souvent impossible de répondre à son interlocuteur.

Cette forme de filtrage (DPI – deep packet inspection) est communément utilisée en Chine pour filtrer les sites Internet pornographiques ainsi que ceux qui traitent des questions « sensibles » telles que le Tibet, le mouvement spirituel Falung Gong ou encore le massacre du 4 juin 1989.

Par ailleurs, le logiciel TOR, qui permet de rester anonyme sur Internet et de contourner la censure en ligne, n’est pas téléchargeable en Tunisie.

« Ce filtrage contribue à créer une atmosphère de surveillance généralisée car il concerne tous les abonnés et pas seulement les dissidents. Les autorités tentent de travestir la censure en problème technique« , a ajouté l’organisation.

La Tunisie figure dans la liste des Ennemis d’Internet établie par Reporters sans frontières. Elle est le pays du Maghreb le plus répressif en matière d’expression sur le Net.

Reporters sans frontières- Communiqué – 27.08.2008

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Liberté d’expression en démocratie: entre réalité et idéologie

Après la suspension du sous-préfet Bruno Guigue, pour avoir publié un article polémique intitulé « Quand le lobby pro-israélien se déchaîne contre l’ONU » le mettant -selon sa hiérarchie- en porte-à-faux avec son devoir de réserve, j’ai pu lire et entendre dans de nombreux médias que la liberté d’expression et le débat démocratique étaient dans notre pays en voie de disparition, si ce n’était déjà réalisé depuis belle lurette.

Journaux et partis, « perroquets sionistes de la planète médiatique »?

Y a-t-il donc cette ombre liberticide en France, comme l’écrivait Bernard Langlois le 27 mars dernier, déplorant qu' »une fois encore, la censure d’Etat s’exerce contre un homme seul, sur la pression d’un lobby pro-israélien solidement incrusté au c?ur du système politico-médiatique français »?

    * Peut-être que Bernard Langlois nous instruira prochainement d’une savante étude détaillée sur les individus (qu’il nomme « agents d’influence israéliens »).

    * Les interactions, la structure et le fonctionnement de ce solide « lobby pro-israélien » qui jouerait, dans notre propre pays, de son incrustation influente dans les partis politiques (lesquels?) et les médias (hors Politis), ces « perroquets sionistes de la planète médiatique ».

    * Au point où, nous précise le journaliste militant dans cette même tribune, il serait impossible en France de critiquer Israël. Vraiment « impossible »? On ne comprend pas bien alors la présence d’ouvrages critiques dans les librairies, les innombrables articles et dossiers publiés dans la presse française, dont assez régulièrement dans Politis, sans parler des multiples sites Web, des conférences, des manifestations… où cette critique, plus ou moins radicale et partisane, est régulièrement présente dans notre espace politico-social depuis au moins soixante ans. On gagnerait à dépassionner le débat, à « désidéologiser » les faits sociaux, à n’exclure et n’oublier aucun acteur, à combattre les simplifications monocausales et manichéennes.

Poser les bases minimales du débat démocratique et de l’usage de la liberté d’expression

Alors? En cette période de forte activité sociale, de conflits et de polémiques politiques, où le relativisme radical et l’absence de repères se posent comme règles jouissives, les bases minimales d’un débat démocratique et du bon usage de la liberté d’expression ne vont toujours pas de soi. Serait-il superflu de rappeler simplement quelques éléments minimaux mais fondamentaux qui devraient fonder leurs pratiques?

Le préalable à toute discussion et expression est l’échange d’arguments établis selon des règles acceptées réciproquement. Ces règles peuvent être déclinées en trois points symboliques:

    * premièrement, par la liberté de pensée, de conscience, d’opinion, d’expression… « pourvu que leur manifestation ne trouble par l’ordre public établi par la loi » (Déclaration universelle des droits de l’homme, art 10, 1789) ou « sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (art 11). Le « laisser-faire » a ses limites, tant chez les libéraux que chez les antilibéraux, s’accordant au moins sur ce point;

    * deuxièmement, par l’égalité: si toutes les opinions ne se valent pas, les arguments doivent valoir par eux-mêmes et non par rapport à celui qui les dit, sinon on rentrerait dans un schéma d’argumentation d’autorité, acceptant que pour une parole donnée, similaire dans le fond à une autre, l’attention hypersélective se reporterait sur un orateur pré-établi de sa convenance. Celui qui parlerait, correctement sélectionné, aurait de ce fait plus d’importance que ce qui est dit;

    * troisièmement, la fraternité: ce qui suppose une ouverture d’esprit allant de pair avec le respect d’autrui, impliquant de ne pas considérer comme expressions acceptables l’insulte, la diffamation, l’incitation à la haine, à la violence, à la falsification, toute atteinte à la dignité d’une personne, d’un groupe social ou d’un peuple. D’où la nécessité de pratiquer une tolérance active au sein d’un débat démocratique, par le refus d’accepter, d’adorer ou d’adhérer les yeux fermés, mais également de condamner radicalement sans argumenter ou sous de faux prétextes. Rien n’interdit alors à partir de là une rencontre -physique ou par médias interposés- avec un « adversaire » idéologique, politique, dans le respect réciproque des éléments énoncées ci-dessus.

C’est cet ensemble d’accords préalables, implicites ou explicites, de non exclusion et de respect commun dans les débats et l’expression, qui fait qu’il existe des études, des échanges et des rencontres sur des terrains fort variés, des milieux marginaux, culturels, religieux, politiques, minoritaires… entre locuteurs, d’orientations politiques, de catégories sociales, de classes, d’intérêts plus ou moins différentes, qui acceptent -même momentanément, diplomatiquement- de s’accorder sur ces principes en vue d’une réciprocité cordiale d’échange.

Au final, l’expression et le débat se dérouleront dans un respect mutuel entre humains, avec nos accords et nos différences. Un petit pas sur le long chemin de la tolérance mutuelle. Il faudra bien commencer un jour. En attendant, je crains que la démarche de Bernard Langlois n’entretienne la confusion idéologique, la partialité des faits et le mélange des genres politiques.

Par Valéry Rasplus  Essayiste, sociologue – Rue89 – 13/06/2008

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Tunisie : les livres sous la coupe de la censure

Syfia

28 avril 08 – Moins visible et reconnue que face à la presse, la censure touche aussi la littérature en Tunisie. Alors que la foire du livre de Tunis s’ouvre ce 24 avril, une cinquantaine de livres d’écrivains tunisiens sont bloqués chez les imprimeurs sur ordre du pouvoir. Seuls des exemplaires photocopiés circulent sous le manteau.

Fethi Djebali/Syfia Tunisie – Pour Jalloul Azzouna, rien ne justifie la censure de son livre. « La littérature est subversive par essence », s’époumone ce trublion de la littérature tunisienne, qui a fait sienne la défense de tous les livres interdits en Tunisie. Il compte parmi la trentaine d’écrivains du pays dont les ouvrages sont censurés. Il y a quelques années, il a créé la Ligue tunisienne des écrivains libres, qui n’est toujours pas reconnue par le pouvoir du président Ben Ali, car elle se pose en alternative à l’Union des écrivains tunisiens, instance aux ordres du régime.

Jalloul ne désespère pas de voir un jour son livre Littérature et liberté, même identité dans les rayons des librairies. Militant malgré lui, Le pain amer, Quand est-ce que j’étais vivant pour mourir ?, Dit en marge de l’interrogatoire, Un témoin a dit ou encore Les enfants d’Allah sont parmi la cinquantaine de livres interdits des librairies tunisiennes. Le dernier en date, Un capitaliste qui a réussi, d’Habib Hamdouni écrit en arabe, remonte à 2006. Des proches du pouvoir s’y seraient reconnus.

Fadhila Chebbi, qui édite à compte d’auteur depuis 15 ans, n’a cessé, depuis la censure de son dernier livre, de le relire comme si elle ne l’avait pas écrit, à la recherche du passage qui expliquerait cette décision. C’est souvent une phrase, une allusion ou un fait sans aucune corrélation directe avec des faits réels qui est à l’origine de la censure. Selon Azzouna, il est probable que l’histoire du livre de Fadhila, celle d’un général qui, par erreur, signe l’ordre de castrer toute l’armée, est à l’origine de l’interdiction de son livre, bien que l’auteure n’indique pas de pays.

D’autres livres sont ouvertement engagés pour une cause ou prennent le contre-pied de la politique menée par le pouvoir, comme Notre femme à travers les fatwa. Certains, interdits du temps de l’ancien régime de Bourguiba, le sont toujours sous Ben Ali, malgré le caractère obsolète de leurs critiques. « Certains livres sont interdits non pas à cause de leur contenu, mais à cause de l’engagement politique de leurs auteurs dans la vie publique et parfois même d’un de leurs proches », explique Jalloul Azzouna.

La machine de la censure

Pendant des années, Jalloul a essayé de remonter la chaîne de la censure. Qui en décide ? Pour quelles raisons ? À qui s’en remettre : à la justice, au ministère de la Culture, au ministère de l’Intérieur ? La plupart de ses questions sont restées sans réponse. L’écrivain est constamment renvoyé aux « services compétents », une expression qu’il abhorre aujourd’hui, censée désigner une instance invisible qui décide du sort des livres.

Le mécanisme concret est efficace. L’imprimeur est tenu de déposer un nombre donné d’exemplaires auprès des ministères de la Culture et de l’Intérieur, ainsi que de la Bibliothèque nationale. En retour, il doit recevoir, selon la loi qui ne précise pas de délai, un récépissé de la part de l’administration, sans lequel il ne peut délivrer la totalité des exemplaires imprimés à l’éditeur. Mais il est rare que celui-ci lui parvienne.

En cinquante ans d’indépendance, certaines imprimeries tunisiennes sont devenues de vraies prisons à livres. Des maisons d’édition audacieuses ont fini par mettre la clé sous le paillasson après avoir pris le risque financier d’éditer plusieurs livres qui ont fini par être censurés. « Les éditeurs sont devenus frileux », témoigne Fadhila.

Aujourd’hui disparue, la maison Aloés, de Sihem Ben Sedrine, n’a vu aucun de ses livres passer entre les mailles du filet. Taoufik Ben Brik, l’écrivain qu’elle fut la première à éditer, a fini par se tourner vers les maisons d’édition françaises. A l’instar de Mohammed Talbi, Ben Brik compte parmi les quelques écrivains considérés aujourd’hui comme « totalement exportateurs » dont les oeuvres demeurent largement méconnues dans leur pays.

« Maquis de l’édition »

En attendant la levée officielle de l’embargo sur ces livres, Jalloul Azzouna les distribue sous forme de photocopies. « Nous le faisons dans un but de sensibilisation, par lot de cinquante exemplaires », explique-t-il. Une formule de distribution qu’il qualifie de « maquis de l’édition » et qui lui permet, pour le moment, de faire fi un tant soit peu de l’avis des autorités. Dans un Tunis avide de livres polémiques, ces exemplaires trouvent vite preneurs et leurs heureux possesseurs s’empressent de les photocopier à leur tour. D’autres initiatives ont permis d’exposer ces photocopies sur des stands, en marge des foires du livre de Paris ou de Berlin. Les appels à la libération du secteur de l’édition, comme celui lancé par l’organisation internationale des éditeurs, n’ont pas manqué ces dernières années, sans réelles avancées.

En 2007, le président Ben Ali avait promis de libérer tous les livres interdits. Aujourd’hui, une année après, les mots du Président sont restés lettres mortes. Jalloul, lui, continue son combat.

 

Source : Tribune des Droits Humains 

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Selon  »Jeune Afrique » La censure s’est dégradée en Tunisie

À en croire notre consoeur  »Jeune Afrique », il y aurait en Tunisie une «légère dégradation» de la censure en Tunisie. C’est, en tout cas, ce qu’écrit le magazine hebdomadaire parisien dans son N° 2460 du 2 au 8 mars 2008. De quoi s’agit-il au juste ?

 «La censure préalable n’a pas été totalement supprimée comme promis par le président Zine el-Abidine Ben Ali dans son discours du 7 novembre 2007», écrit Samir Gharbi. Qui s’empresse cependant d’ajouter: «Elle l’a été pour les journaux locaux qui ne peuvent plus être censurés que par une décision de justice. Cette mesure a renforcé la libéralisation de la presse nationale qui n’était déjà plus soumise à l’autorisation préalable de diffusion délivrée par la Direction générale de l’information au moment du dépôt légal. Mais la presse publiée hors Tunisie n’a pas bénéficié de ce progrès. Elle demeure soumise, une fois arrivée à l’aéroport de Tunis, au dépôt légal et à l’attente de l’autorisation de mise en vente. Cette attente n’est pas réglementée. Elle est soumise au bon vouloir des agents de contrôle».

On notera, au passage, que, dans sa volonté de défendre les intérêts de «la presse publiée hors Tunisie», le confrère parisien ne s’encombre même pas de la moindre satisfaction de la (relative) «libéralisation de la presse nationale». C’est à peine s’il ne s’en offusque pas. Et on le comprend, car plus la presse tunisienne se porte mal, plus le lecteur tunisien va chercher à combler sa soif d’information ailleurs, simple loi du marché en somme. Mais là n’est pas la question…

Qu’est-ce qui fait donc dire à  »Jeune Afrique’‘ que la censure s’est dégradée en Tunisie ? Est-ce que l’un des derniers numéros du magazine a été interdit ? Est-ce que l’un des ses journalistes a été inquiété pour ses écrits ? Non, bien sûr, sinon on l’aurait su.

Ce qui vaut à la Tunisie la colère de notre consoeur, c’est «le délai d’attente» [de l’autorisation de mise en vente sur le marché] qui  «est passé à 2,5 jours en 2006 et à 2,1 jours en 2007. Avant de remonter à 2,2 jours en février 2008».

Cela est très grave en effet. On doit s’en inquiéter. Car passer ainsi d’un délai d’attente de 2,1 jour à 2,2 jour n’augure rien de bon. Cela veut dire que l’autorisation de mise en vente est délivrée à 9 heures au lieu de 8 heures. Mais comme on est au registre des calculs d’épicier, notre confrère aurait pu ajouter, pour être plus complet, que l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE) se fait livrer, chaque semaine, plus de 2000 abonnements de  »Jeune Afrique » et que le chiffre d’affaires de publicité des entreprises publiques tunisiennes, réalisé grâce à la générosité de la même agence, dépasse annuellement 1 million de dinars (1). Mieux : ce traitement privilégié dont bénéficie  »Jeune Afrique’‘ dure depuis plus de 45 ans. On laissera aux lecteurs le soin de faire le calcul. Le plus «intéressant» dans cette affaire c’est que cela fait plus de 45 ans aussi que  »Jeune Afrique » se plaint de «la dégradation de la censure en Tunisie».

Cherchez l’erreur ou, plutôt, les dindons de la farce !

Imed Bahri – L’Expression (Hebdomadaire – Tunis), n° 22  le 14 mars 2008

1 – Ce chiffre est facile à calculer. Il suffit de dénombrer les pages de publicité des entreprises publiques tunisiennes publiées par le magazine pendant toute une année, surtout, dans les fameux suppléments consacrés à notre pays, et de les multiplier par 10 000 dinars, le prix de la page hors taxe, pour obtenir ce montant. Cette «aide» (ou plutôt cette manne), beaucoup de journaux locaux souhaiteraient en avoir ne fut-ce qu’une partie.

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La censure sur Internet comme barrière au commerce

Le Conseil de l’Europe se penche sur une proposition qui considère la censure sur Internet comme barrière au commerce. Le Maroc est concerné, avec la Tunisie et l’Arabie Saoudite.

Sale temps pour les censeurs sur Internet parmi les pays partenaires de l’Europe. Le Parlement européen vient de donner le feu vert à la pro­position d’un parti néerlandais pour considérer la censure des contenus en ligne en tant que «barrière au commerce» et agir en conséquence. Il y a quelques jours, la proposition du «Parti du peuple pour la liberté et la démocratie» a fait un carton en recueillant 571 voix pour, et seule­ment 38 contre. Pour Julien Maa­ten, député de ce parti à l’origine de ladite proposition, il s’agit là d’une mesure «inhabituelle», mais qui aura le mérite de fournir des «moyens efficaces» pour promouvoir la liberté en ligne.

Cette proposition stigmatise l’installation de firewalls, ou tout autre moyen, pour filtrer ou bloquer l’accès, via Internet, à des contenus jugés non compatibles avec les options politiques, voire religieuses, des «régimes totalitaires». La Chine, l’un des grands ennemis d’Internet selon le classement établi par Reporters sans frontières (RSF), pourrait être le premier pays à supporter les conséquences d’une telle proposition si toutefois cette dernière est adoptée par le Conseil de l’Europe Car, concrètement, il sera d’abord fait mention de la censure sur Internet lors de toutes les négociations commerciales et les pays de l’Europe seraient appelés à prendre des mesures strictes dans le sens d’une «pénalisation» du pays concerné. Et la Chine n’est pas le seul Etat à éventuellement faire les frais des répercussions de cette proposition.

L’Arabie Saoudite est tout aussi concernée, mais aussi le Pakistan, la Turquie, la Tunisie et le Maroc. Et plus encore, en vertu de cette proposition, les opérateurs européens travaillant avec les pays partenaires de l’Europe devraient y réfléchir à deux fois avant d’aider ces Etats à filtrer ou censurer du contenu sur Internet.

Les députés néerlandais du «Parti du peuple pour la liberté et la démocratie» assurent qu’il faut tout faire pour éviter que les opérateurs européens, Wanadoo, France Telecom ou Italia Telecom entre autres, soient partie prenante dans des pratiques de censure comme cela avait été reproché, précédemment et à maintes reprises, à des géants américains de l’envergure de Google ou Yahoo. Ce dernier a été sévèrement pris à partie par les Européens pour avoir, estiment-ils, facilité aux autorités chinoises le re­pérage des «dissidents subversifs» sur Internet avant de les mettre au frais pendant de longues années.

Autre argument de base des députés néerlandais, la censure sur Internet, si elle fait l’affaire des pays liberticides, entrave dans les faits et directement le commerce en ligne, secteur promis à un meilleur avenir. Soumise au Conseil de l’Europe, cette proposition pourrait être adoptée par cette instance ou être amendée et renvoyée, de nouveau, devant les parlementaires européens. Le Maroc connaît déjà quelques «beaux» antécédents en la matière. Après «Google Earth», inaccessible pendant longtemps en 2006, c’est l’affaire Mourtada qui est venue faire déborder le vase. Le jeune ingénieur a écopé de trois ans. Il vient rejoindre la liste des victimes des régimes arabes : Zouhaïr Ya-hyaoui en Tunisie, Karim Ameer efl Egypte et Fouad Al Farhane en Arabie Saoudite.

Mohammed Boudarham – Le Soir Echos – Maroc

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Cachez-moi ces chaînes…

Certaines chaînes de télévision arabes ne font pas toujours bon usage de la marge de liberté que leur assure la diffusion par satellite qui, on le sait, échappe (encore) au contrôle direct des Etats et de leurs dispositifs, juridiques et technologiques, dédiés à la censure.

Abusant souvent de cette liberté, ces chaînes font à peu près n’importe quoi. C’est le cas notamment des chaînes religieuses du Golfe qui diffusent, à longueur de journée, des prêches imprécatoires et haineux, propageant un Islam obscurantiste et intolérant, attisant la mésentente entre les peuples, si elles n’appellent pas ouvertement au jihad et à la guerre des religions.

C’est le cas aussi de certaines chaînes d’information dites libres et indépendantes, qui multiplient les talk shows où les débatteurs, poussés dans leurs derniers retranchements, se laissent souvent aller à des glissements sémantiques dangereux ou des déchaînements verbaux dont l’influence sur les téléspectateurs n’est pas toujours heureuse.

Sans aller jusqu’à accuser ces chaînes d’être des porte-voix des groupuscules extrémistes ou de faire l’apologie du terrorisme, nous devons dénoncer leurs dérapages et les appeler à un traitement plus responsable et plus pondéré de l’information et à éviter d’ajouter de l’huile sur le feu, surtout dans une région comme la nôtre qui compte assez de foyers de tension menaçant de se transformer, à la moindre étincelle, en brasiers ardents. Mais de là à chercher à museler ces chaînes, dont certaines font un travail remarquable pour la promotion d’une information libre, indépendante et responsable dans un monde arabe qui en a besoin, il y a un pas que nous nous garderons de faire. Un pas que, malheureusement, les ministres arabes de l’Information des Etats membres de la Ligue arabe, réunis au Caire, le 12 février, en session extraordinaire convoquée à l’initiative de l’Egypte, ont franchi allègrement en approuvant (presque à l’unanimité, puisque seul le Qatar, siège de la chaîne Al-Jazira, a voté contre) une charte qui risque de museler davantage l’information sous nos latitude. Et pour cause : la charte en question interdit tout contenu qui mettrait en danger «la paix sociale, l’unité nationale, l’ordre public, la propriété privée et les valeurs traditionnelles». Elle interdit aussi de critiquer les religions ou de diffamer (ou offenser) les dirigeants politiques et religieux. Pis : elle donne aux pays signataires le droit de «retirer, de geler ou de ne pas renouveler les autorisations de travail des médias qui enfreindraient les règles mentionnées».

Par-delà les principes qu’elle énonce et auxquels on pourrait souscrire avec quelques réserves, cette charte pose un certain nombre de problèmes.

D’abord, elle a été élaborée et adoptée (presque au pas de charge) à un moment où les organisations arabes et internationales de défense des droits de l’homme multiplient les mises en garde contre le musellement de la liberté d’expression et d’information dans les pays arabes.

Ensuite, elle est venue à un moment où les médias arabes, dont quelques chaînes satellitaires de qualité, ont réussi à élargir le champ de la liberté d’expression et à redonner confiance dans les capacités des journalistes de la région à produire une information de qualité, distante de la propagande officielle et des vociférations militantes des mouvements d’opposition.

Tertio : les principes énoncés par cette «charte» sont discutables, d’autant que leur mise en application au quotidien posera sans doute problème. Car où s’arrête la critique des choix politiques du gouvernement en matière (par exemple) d’économie, d’éducation ou de santé et où commence «l’atteinte à la paix sociale, l’unité nationale et l’ordre public» ? Où s’arrête la réflexion sur tel ou tel sujet d’ordre religieux et où commence l’atteinte à la religion et aux valeurs traditionnelles? Où s’arrête «l’expression d’une opinion» sur l’action d’un dirigeant politique ou d’un notable religieux et ou commence la «diffamation» de ce dirigeant ou ce notable ? Les services de l’Etat sont-ils les seuls habilités à légiférer sur les cas litigieux qui ne manqueraient pas de se poser à l’avenir et s’imposer ainsi, à l’insu de toute logique, comme juges et arbitres ? Ne devrait-on pas plutôt créer des instances autonomes formées d’experts juridiques, représentants de la profession et personnalités indépendantes connues pour leur probité intellectuelle et morale pour juger des éventuelles infractions et sanctions, à l’instar de ce qui existe dans la plupart des pays développés, comme le Conseil supérieur de l’audio-visuel en France ?

Les ministres arabes de l’Information, qui ont voté la nouvelle charte, ne se sont pas beaucoup attardés sur ces questions qui nous semblent pourtant primordiales. Car à quoi serviraient les ambiguïtés contenues dans le texte adopté, et qui laissent la porte ouverte à toutes les interprétations, sinon à museler davantage des médias arabes déjà largement soumis et aseptisés ?

Ridha KEFI – Editorial de L’Expression n° 19, du 22 février 2008

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En défense de Fouad Mourtada

Au Maghreb, comme dans tout le monde arabe en général, il y a une différence de degrés et non de genre sur tout ce qui se rattache au chapitre de LIBERTE. La prohibition, l’interdiction et la censure sont la règle dont la répression est l’unique résultat. Parfois on se réjouit de quelques aspects de permission « dites ouverture » mais ce n’est qu’un leurre la liberté est antinomique avec les systèmes de gouvernance en vigueur. L’actualité n’arrête pas de nous le rappeler matin et soir par les méthodes d’intervention des appareils de répression. La prison reste le dernier lieu ou sont condamnés à échoués les accusés de mal penser.

Avec l’affaire Mortada le Maroc aura enfin son prisonnier d’internet. Fouad Mortadha c’est Zouhair Yahyaoui en Tunisie, c’est Kareem Amer en Egypte, c’est FOUAD AL-FARHAN en Arabie Saoudite pour ne citer que des victimes devenus célèbres par le sort qui leur avait été réservés à cause de la facilité d’expression qu’Internet leurs leur avait donné. Toutes les affaires que symbolisent les cas de ces jeunes individus conduisent à se poser les mêmes questions : Pourquoi ce qui est toléré ailleurs se trouve paradoxalement interdit chez nous ? Pourquoi on a tant peur de ce qui peut être exprimé ? Pourquoi tant de brutalité dans les réaction de nos autorités ? En Réalité on n’a pas besoin de se poser plus de question pour savoir qui est à l’origine de la situation que vie toute notre région marquée par l’intolérance et le terrorisme  dans ce lien de cause à effet.

Fouad Mortadha est accusé d’usurper l’identité du prince Moulay Rachid frère du roi sur « Facebook », Un espace fictif ou tout un chacun peut rêver en adoptant le portrait qui lui plait.

Est-il criminel d’usurper l’identité d’un Prince royal? Se demndait « Ibn Kafka » sur son blog avant d’entrer dans une discussion détaillée d’interprétation des textes sur la question :

Le délit d’usurpation d’identité est certes réprimé par l’article 385 du Code pénal, mais dans des termes qui excluent son application dans le cas présent:  » quiconque, dans un acte public ou authentique ou dans un document administratif destiné à l’autorité publique, s’attribue indûment un nom patronymique autre que le sien, est puni d’une amende de 200 à 1.000 dirhams « . Pour les non-juristes, un acte public est un acte émanant de l’autorité publique. Aucun des éléments de cette infraction ne sont donc réunis dans ce cas précis…

Pour « L’ARBI » qui se positionne d’emblée « En défense de Fouad Mourtada » En prenant soin de préciser « ceci n’est pas, bien évidemment, un mémoire juridique mais un simple rappel de faits et du contexte » il fait étayer sa position en 18 points ou on pouvait lire qu’

« Un profil Facebook est une page identifiant une personne, réelle ou fictive, et lui permettant d’entrer en contact avec d’autres internautes. » qu’ « On dénombre plusieurs faux profils de chefs d’Etats et de gouvernement, de personnalités du monde de l’art de la culture et du sport sur Facebook. » et que « Facebook permet sur simple demande d’annuler ces faux profils. Ainsi en Novembre 2007 Facebook a annulé le profil de l’ancien premier ministre français Alain Juppé sur demande de son entourage. Mais à ce jour aucun chef d’Etat ou de gouvernement et aucun membre d’une famille royale n’a demandé l’annulation de son faux-profil, bien que ces derniers prolifèrent, préférant les ignorer et faire la part des choses. » et en fin que « Les faux profils de personnalités célèbres sont souvent crées par des fans ou des inconnus, parfois par insouciance et par malice. Ils nuisent rarement à l’image et la réputation des personnalités concernées et ne sont jamais suivis par des effets au delà des frontières internet. Encore moins de procédures judiciaires. »

Ses efforts didactiques d’expliquer un monde régit par la liberté à des adeptes d’une conception totalement opposée de l’autorité sont digne d’intérêt.

 « Motic » quant à lui il commence son plaidoyé « En défense de Fouad Mourtada » par un lucide rappel de la réalités :

Le Maroc se distingue de tous les autres pays du monde par le blocage de l’accès au service Google Earth (depuis août 2006) et aux images de Google Maps (depuis l’été 2007). Le Maroc bloque l’accès à la plate-forme Live Journal (depuis deux ans). Le Maroc a bloqué l’accès à Youtube en 2007. Le Maroc bloque en permanence l’accès à plusieurs autres sites dont des sites proposant une navigation anonyme sur Internet comme Multiproxy et Anonymiser.

Comme si tout cela ne suffisait pas, le Maroc semble être sur la voie de créer un autre précédent mondial pour se distinguer encore davantage et persister dans cette maladresse de la gestion des nouvelles technologies et d’Internet. Le Maroc est sur la voie de briser la carrière d’un Ingénieur d’État, diplômé de l’École Mohammedia d’Ingénieurs, apparemment uniquement pour avoir créé un profil sur le site Facebook au nom d’un membre de la famille royale.

Pour conclure que « L’utilisation de pseudos sur divers sites ou forums est très courante. La plupart du temps elle ne vise que l’utilisation du site plus librement sous couvert d’anonymat. C’est d’ailleurs l’une des particularités d’Internet. Souvent, ceux qui choisissent des pseudos optent pour ceux de personnages favoris de films ou de romans. Il n’est pas du tout rare que des internautes utilisent les pseudos de personnalités connues et de célébrités. Généralement, il s’agit de personnalités auxquelles l’internaute s’identifie le plus ou de personnalités qu’il admire. »

Si Mortada n’a fait que rêver par le portrait qu’il a choisi d’endosser, le cauchemar auquel son rêve l’a amener ne doit pas nous dissuader de continuer à rêver de voir un jour nos pays débarrassés à jamais de cette police qui ne se contente plus de censurer l’avenir et la vie de toute une génération mais veut censurer ses rêves aussi. On le défendons c’est notre propre rêve qu’on défend : chacun de nous veut se sentir prince dans son pays.

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