Frigide Barjot, une opportuniste catholique ?

 

Elle est à la tête du mouvement de contestation au projet de loi du mariage pour tous,  elle scande un discours où la société s’en retrouverait ébranlée si deux hommes ou deux femmes pouvaient se dire "oui" devant le maire et, dans le pire des cas selon elle, avaient la possibilité d’élever un enfant. Penser que cet être en devenir puisse dire "papa et papa", "maman et maman" au lieu de "papa et maman" et ce serait l’apocalypse selon saint François, la France dériverait et deviendrait un pays de débauche et de décadence, la nouvelle Sodome, destinée à brûler dans les flammes du jugement divin. Depuis décembre dernier, elle foule les pavés et s’assoit derrière les pupitres des plateaux télé et des stations de radio pour déverser sa hantise à l’idée que des personnes du même sexe puissent vivre unies par des liens nuptiaux. Afin d’en savoir un peu plus sur cette porte-parole, dressons alors son portrait. 

 

Née le 25 septembre 1962 à Boulogne Billancourt, de son vrai nom Virginie Merle, Frigide Barjot étant un sobriquet de Brigitte Bardot, elle baigne dans un milieu cossu. Sa famille est issue de la bourgeoisie lyonnaise, papa possède une clinique et maman est professeur de musique au conservatoire. Son parcours scolaire se passe sans entrave et elle continue des études en optant pour le Droit, à Lyon III et à Science Po. Diplômée, elle œuvre à la communication du RPR, ex parti de Jacques Chirac. Ensuite, accompagné de Basile de Koch, autre sobriquet cachant en réalité Bruno Tellenne, frère de Karl Zéro et son mari, ils collaborent sur certains discours de Charles Pasqua, le parrain de la politique, l’homme au bras long, moult fois accusé mais jamais condamné lourdement.

 

Les deux amants sont chroniqueurs, à la base des humoristes, même si aujourd’hui Frigide ne fait plus rire personne. Le couple participe au groupe des Jalons, une réunion de farceurs spécialistes de happenings en tout genre sur des questions de société anodines. Satiriquement, ils rédigent des postiches parodiant des journaux célèbres aussi bien de gauche, de droite et non affiliés. Frigide et Basile se taillent une renommée en prenant une place importante dans les soirées bobo mondaines du tout Paris, là où se croisent les personnes importantes de la politique, des médias et des affaires. Dilettante à ses heures perdues, elle pousse la chansonnette au sein du groupe les Dead Pompidou’s. De leur union naîtra deux enfants : Bastien et Constance. Elle se fait notamment connaitre par des livres et des apparitions dans des émissions télé comme chez Ardisson, Nagui et Ruquier. 

 

En 2008, elle fait un premier pas marqué dans la politique, après y avoir travaillé dans l’ombre, elle s’engage dans la course aux municipales dans le 15ème arrondissement de Paris sous l’étiquette Divers Droite. En 2012, peu de temps après la victoire de François Hollande, elle crée le "collectif humanité durable", un groupe de pression dont le but est d’empêcher au maximum la validation des projets présidentiels allant à l’encontre de ses idées figées et réactionnaires. Ainsi, elle fédère autour d’elle les antis mariage pour tous, les opposants à la facilité d’accès à l’IVG, à l’euthanasie, à la PMA, à la gestation pour autrui et à l’extension du principe juridique de la laïcité. Des combats viscéralement ancrés par la préservation d’une image catholique de la société. 

 

Sa foi connait une crise après un périple à Lourdes, elle s’amplifie et frise l’exagération. Généralement on y revient touché par un miracle, béni par une forme de reconnaissance, là on se rapproche plus d’un obscurantisme religieux. Frigide devient réellement Barjot en se considérant comme "l’attachée de presse de Jésus". En 2009, elle affiche sa proximité avec le pape Benoît XVI lorsqu’elle lui apporte son soutien alors qu’il est la cible de tollés, embarqué dans des propos scandaleux sur le port du préservatif et sur le SIDA. Mais joue-t-elle vraiment franc jeu ? Karl Zéro, son beauf’ en doute, il l’accuse d’opportunisme, de profiter de l’occasion pour se faire un nom. Il argumente en disant que le sacro-saint mariage catholique, qu’elle défend avec tant d’ardeur, un marié en smoking et une mariée en robe d’un blanc étincelant, n’est pas mis en cause, la loi concerne le mariage civil uniquement. 

 

A-t-elle viré sa cuti ? Sinon comment expliquer qu’en 2007, elle a elle-même marier son ami, le député Jean Luc Roméro, et son compagnon au club de l’Etoile ? Un acte symbolique mais à la signification forte. Aujourd’hui, elle ne dément pas son geste mais colle cela sur le compte d’une soirée arrosée et d’un délire de boîte de nuit comme quelqu’un tentant de se racheter une réputation morale en reniant son passé fêtard, cool et déglingué. En 2007, elle écrivait le Manuel de survie d’une femme moderne, un bouquin qu’elle devrait relire tellement l’image qu’elle dégage actuellement est loin d’une femme d’un temps où les mœurs évoluent.