Orhan Pamuk contre la tyrannie

Orhan Pamuk est l’un de ces écrivains qui ont la malchance de vivre dans un pays qui marche contre les principes de la démocratie. Ce fait est un grand générateur de douleur et de chagrin, surtout pour une nature aussi sensible comme sont les natures artistiques. Quoique jousqu’ici se gardant avec précaution ou hésitation de se prononcer vis-à-vis des actes autocratiques du président turq Erdogan, ce dimanche (11.09.2016) l’auteur notoire du roman Le musée de l’innocence, le premier représentant de sa nation recevant le Nobel en 2006, a véhément critiqué  l’arrestation récente des frères Ahmet et Mehmet Altan, des opposés au régime.Le premier ayant écrit un article dans lequel il mentionne l’apport indéniable des architectes arméniens à la construction de l’ensemble des bâtiments les plus importants de l’Istanbul avant le 1915, le deuxième en faisant connaître aux gens les atrocités commises par les autorités turques envers les arméniens résidant sur leur territoire pendant l’histoire, ils ont éveillé la susceptibilité du gouvernement et se sont fait mettre en prison, après avoir participé, la veille du jour de 16 juillet, à une émission télévisée durant laquelle, conformement aux interprêtations officielles, ils ont parlé d’une manière qui pourrait inciter le peuple à commettre des actes subversifs.
« Je suis très en colère, j’exprime ma critique la plus virulente contre l’arrestation de l’écrivain Ahmet Altan, une des signatures les plus importantes du journalisme turc, et de son frère Mehmet Altan, universitaire et économiste de renom. », a clamé Orhan Pamuk lors de son communiqué à la presse turque. Il a manifesté aussi son mécontentement visant le trajet de plus en plus perverti que prend l’évolution du régime politique en Turquie pendant la mandat d’Erdogan, notamment après le putsch du 16 juillet, qui a généré une vague d’oppression effroyable contre la population soupçonnée et, en particulier, contre les intellectuels.
Voici une situation vraiment déplorable. Cet aspect douloureux est ressenti pleinement par Orhan Pamuk, ainsi que par les autres patriotes de Turquie. Que pourrait-il faire? Probablement, il ne lui reste qu’à tenter d’alarmer ses compatriotes sur la dangereuse politique interne qui émerge comme la peste dans son pays, où il faut bien craindre que, comme il le clame indigné:
« Désormais, la liberté de la pensée n’existe plus. Nous sommes en train de nous éloigner à toute vitesse d’un Etat de droit vers un régime de terreur. »

Quand Erdogan fait le ménage

S’il suffisait d’un claquement de doigts pour rendre normal un couple, fond-forme, qui a tout de l’union de la carpe et du lapin : adopter au forceps le calendrier grégorien, remplacer les caractères arabes par l’alphabet romain, annuler les confréries religieuses, troquer le fez contre le béret, tomber le voile ; ou encore uniformiser à coups de génocides ! Les coups d’états qui ont secoué la Turquie ont participé au détricotage du projet kémaliste et Recep Erdogan a donné le coup de grâce. A la faveur d’un travail de fourmi dont les débuts remontent sans doute à l’époque de son élection à la tête de la mairie d’Istanbul.

Contre un scandale de corruption ou contre une tentative de coup d’état vraie ou supposée, rien de mieux que les bonnes vieilles méthodes ottomanes ! Tous les prétextes sont bons à prendre pour expurger le « virus » qui met en péril l’état, une recette miracle qui a fait ses preuves. On ne compte plus depuis le 15 juillet ceux qui sont démis de leurs fonctions, ceux qui sont suspendus ou encore ceux qui sont dans le collimateur de la justice. Toutes les institutions sont passées au crible sous le regard bienveillant des sympathisants de l’AKP ; sollicités, ces derniers ont battu le pavé contre les putschistes à tout va ces derniers jours réclamant avec force slogans le rétablissement de la peine de mort ! La manifestation de dimanche, aux allures d’unité nationale, aurait à elle seule réuni plus d’un million de personnes selon les organisateurs et la préfecture…Sur certaines pancartes lisait-on, d’après le Figaro, « Erdogan tu es un don de Dieu ! »ou encore, »ordonne nous de mourir et nous le ferons ! »

Le putsch et surtout la brutalité des méthodes de purges a fait réagir certaines chancelleries ce qui s’est soldé, sous l’ire du sultan, par un échange d’amabilités entre protagonistes. Si le président semble faire des heureux intra-muros, il en va tout autrement extra-muros. C’est que la mesure et la démesure avec laquelle l’UE a condamné respectivement le coup d’état et la purge dérangent Erdogan.

Fort de son marchandage sur l’accord autour des migrants, le président turc s’est lancé dans la surenchère devant les yeux doux d’Angela. Et à force de se renvoyer la balle, le deal « réadmission » contre « exemption de visas » risquerait de rester lettres mortes. La crise semble malheureusement avoir de beaux jours devant elle et les défis ne sont pas près d’être relevés par des protagonistes qui ne se regardent qu’en chiens de faïence.

Quant au parangon turc de démocratie qui a fait des pieds et des mains pour enfoncer son ancien allié Bachar el Assad au profit des rebelles dits modérés comme des non modérés, il a des chances d’être puni par où il a péché…

Turquie : la purge s’aggrave de jour en jour

Le premier ministre turc, Binali Yildirim, dont le rôle se résume à celui de premier porte-parole du président Erdogan, a détaillé le bilan du coup d’État. Les purges se sont poursuivies dans toute la fonction publique, la police et la gendarmerie, et le nombre des arrestations et des limogeages s’accroît sans cesse… 

Ce lundi 18 juillet, trois jours après la fin du coup d’État militaire avorté à Istanbul et Ankara, le Premier ministre turc a révélé le nombre des détentions et révocations. En tout début d’après-midi, croyait pouvoir décompter Hürriyet (voir le détail sur BlastingNews), près de 15 000 militaires, magistrats, hauts fonctionnaires, gendarmes et policiers étaient soit en détention, et pour certains déjà jugés hâtivement, soit suspendus, révoqués ou assignés à résidence.

Ce chiffre semble inférieur à la réalité puisque le Premier ministre turc fait état de chiffres supérieurs. Le coup d’État, côté forces loyalistes ou civils, aurait fait 208 morts (dont 60 policiers et trois soldats) et près de 1 500 blessés. Contrairement à ce qu’il avait été d’abord estimé, ce ne sont plus quelque 6 000 personnes qui ont été très rapidement arrêtées, mais plus de 7 500 (dont une centaine de policiers, plus de 6 000 militaires, 755 magistrats, et 650 autres fonctionnaires). Mais la purge touche aussi beaucoup plus largement la magistrature, la police, la gendarmerie, et la haute fonction publique (avec l’équivalent de préfets ou sous-préfets). Très officiellement, ce 18 juillet, 2 745 fonctionnaires de la justice sont démis de leurs fonctions, 8 777 policiers ou fonctionnaires de l’Intérieur, et 1 500 du Trésor public ou du ministère des Finances.

Comme l’a exprimé Bruxelles, la liste des opposants présumés disposés à collaborer avec les putschistes avait été sans aucun doute préparée de longue date. La thèse officielle serait que Fethullah Gülen, un prédicateur réfugié aux États-Unis, aurait, avec ses partisans, fomenté le coup d’État. La Turquie insiste chaque jour pour obtenir son extradition, a tenté de s’appuyer sur les Nations Unies pour faire adopter une motion (l’Égypte s’y est formellement opposée). En fait, l’une des hypothèses est qu’il aurait été soufflé à l’oreille d’officiers supérieurs donnés mis d’office à la retraite en fin de mois que la prison ou l’assignation à résidence les attendaient. Ce qui aurait précité la tentative de prise de pouvoir…

Sur Le Plus (site filiale du Nouvel Obs’), un étudiant turc indique que les muezzins ont très rapidement demandé à la population de descendre dans la rue et aux partisans de l’AKP le pouvant de s’armer. Le coup d’État a été en grande partie improvisé, avec des unités composées en très grande partie de conscrits auxquels il aurait été annoncé des exercices militaires. Ce qui n’a pas empêché les militants de l’AKP de les lyncher et de les abattre dès que les conscrits aient compris et se soient spontanément rendus. En fait, en payant, il est tout à fait aisé désormais en Turquie d’échapper à l’appel sous les drapeaux et hormis les jeunes bourgeois désirant faire carrière militaire, seuls les plus pauvres endossent l’uniforme.

Le président appelle à la poursuite de la mobilisation populaire armée. Et l’étudiant turc conclut « nous sommes les prochains. La prochaine fois que vous entendrez parler de la Turquie, ce sera pour des décapitation de gauchistes, de Kurdes, d’alévis, d’homosexuels, de femmes ou étudiants… Chacun d’entre nous est menacé. ».

Les alévis sont des musulmans d’obédience chiite mais pour la plupart de pratique beaucoup plus modérée que leurs coreligionnaires d’Iran ou des pays sunnites intégristes. C’est bien un sunnisme radical que le président, en passe de devenir un despote absolu, veut prôner…  C’est l’alliance du sabre féal ou de force inféodé et du goupillon le mieux stipendié.

À présent, la police perquisitionne dans les hôtels pour retrouver des suspects qui auraient pu échapper à la gigantesque rafle.

La présidence invite les parlementaires de l’AKP et de l’opposition à rétablir la peine de mort… qui pourrait s’appliquer à qui s’abstiendrait ou voterait contre. La presse est pratiquement muselée en Turquie. Certes un éditorialiste d’Hürriyet a commenté l’hypothèse que le coup ait été fomenté par le président, mais l’a évidemment réfutée. Mais un autre, se disant pourtant réticent à l’égard du style de gouvernement d’Erdogan, marqué par une absolue arrogance et une forte agressivité, a salué l’attitude des médias qui ont relayé l’appel des mosquées. Il conclut cependant « espérons qu’Erdogan réalise l’importance d’une presse libre ».

Il est à noter que parmi les officiers supérieurs qui devaient être mis à la retraite d’office fin juillet figurent des généraux et colonels chargés des opérations en zone tampon face à la Syrie. On sait que, pendant un certain temps, l’AKP et son président islamiste ont favorisé toutes sortes de trafics avec l’État islamiste. Les attentats non-revendiqués par Daesch en Turquie valent peut-être avertissement pour que les choses reprennent comme avant et ces militaires auraient pu considérer qu’un tel infléchissement mettait leur pays en danger. Mais il serait hasardeux d’y voir un déclencheur : avant d’agir, ils se seraient sans doute mieux préparés, et auraient tenté de nouer des contacts internationaux.

Pour mieux mener la purge, le Premier ministre a suspendu tout congé, hors hebdomadaire, dans la fonction publique (3 millions de fonctionnaires) jusqu’à nouvel ordre…

La Turquie est victime d’un fort ralentissement économique et le secteur du tourisme souffre. C’est pourquoi, tout comme le roi du Maroc, Erdogan tente de se concilier les bonnes grâces de la Russie après l’avoir fortement critiquée. Il rencontrera Poutine en août, évoquera sans doute l’organisation de charters touristiques, des fournitures de denrées et biens soumis aux sanctions de l’Union européenne. Mais la Turquie islamiste mène aussi une politique active auprès de pays musulmans comme la Bosnie et d’autres pays à populations turcophones de l’ex-Urss (voire encore actuellement, de Crimée…). La Russie pourrait assouplir ses relations mais avec prudence, de ce fait.

Ce nouveau positionnement influera aussi sur les relations avec l’Union européenne. Actuellement, tant la Russie que l’UE imposent des visas aux touristes et visiteurs turcs. Il était question, à la demande de la Turquie, de mettre fin à cette obligation. Cette perspective s’éloigne.

La présidence a incité les militants de l’AKP a réclamer, par des manifestations, le rétablissement de la peine de mort. Dans la province de Malatya, des groupes scandant des slogans pro-AKP s’en prennent aux alévis dans les villes où ils sont les plus nombreux… La police est toutefois intervenue en tirant en l’air. Mais des pogroms spontanés ou suscités pourraient s’ensuivre. Car dans cette même province, deux généraux et six officiers ou gradés ont été arrêtés. Leurs remplaçants seront-ils incités à ne pas intervenir si des émeutes anti-alévis éclataient ? Pour le moment, les chrétiens, très minoritaires, ne sont pas ciblés nommément.

Crise migratoire : Recep Tayyip Erdogan le Messie

« Si tu veux pendre tu pends, si tu veux couper tu coupes », drôle d’injonction que lançait hilare Erdogan à une fillette siégeant à sa place, lors de la fête des enfants, à l’époque de son troisième mandat de Premier ministre. Une boutade qui à elle seule semble bien définir ce nostalgique de la Sublime Porte. Dureté qu’il cherche à compenser, exhibant parfois devant la galerie une facette plus soft de sa personnalité, en arrêtant son cortège officiel pour acheter à un marchand ambulant sa « madeleine » : « un simit ».

Avec la fulgurance de son ascension, Soliman le Magnifique ne lésine plus sur rien pour se donner les moyens de ses ambitions. On voit de ce fait fleurir tous azimuts des restrictions sur les libertés. Une véritable chasse aux sorcières s’est installée dans ce pays où l’on ne jure plus que par limogeages, emprisonnements pour propagande en faveur d’organisation terroriste, emprisonnement pour outrage à agent public ; ou encore pour un oui tout comme pour un non ! Quiconque ose tenir tête en est pour ses frais : pour avoir osé valider le secret de Polichinelle à propos du régime Erdogan fournisseur d’armes aux jihadistes, le journaliste Can Dündar s’est retrouvé au cachot, comme tant d’autres.

Comme par hasard, exit Ahmet Davutoglu, celui qui a négocié avec succès le dossier épineux des migrants volant au passage la vedette à son suzerain. Alors qu’allait être bouclé le cahier des charges relatif à cet étrange accord avec l’UE, voilà que surgit de nulle part une polémique autour d’un critère non respecté: la révision de la législation antiterroriste ! Il n’en fallait pas plus pour faire monter sur ses grands chevaux le sultan allergique à toute forme d’ingérence dans ses affaires personnelles surtout venant de ceux qui encensent le PKK, sa bête noire à lui. Du coup l’exemption de visas dans l’espace Shengen pour ressortissants turcs, volet âprement négocié par Davutoglu, risque de voler en éclats. Les passeurs et les migrants y trouveront leur compte.

A moins qu’il ne s’agisse là que d’un scénario destiné à calmer les frayeurs de tous ceux qui n’ont vu qu’exécution des quatre volontés du Pacha dans cette opération de marchandage. La clause,rendant possible la suspension de l’exemption des visas en cas de problème, initiée par la France et l’Allemagne, vendue comme prouesse, n’ayant pas réussi à elle seule l’effet placebo escompté, sur les sceptiques en question. L’UE semble reculer pour mieux sauter pour le plus grand bonheur de l’unique détenteur de la potion magique capable de résorber le flux migratoire. Celui qui lorgne toujours vers cette Europe récalcitrante en priant: Sésame, Sésame ouvre toi… On ne voit si mal qu’avec la politique l’essentiel est invisible pour les yeux de l’intérêt.

Merkel autorise Erdogan à lancer des poursuites pénales contre l’humoriste Jan Böhmermman

 

Nombreux se sont fait  des gorges chaudes avec « Erdowie Erdowo Erdogan », le clip du germanique Jan Böhmermman livrant en pâture le père fouettard turc : son goût démesuré pour le bling bling, son autoritarisme, sa mainmise sur tous les rouages de l’Etat, son accointance avec Daech, etc. Un crime de lèse-majesté que le sultan a dû encaisser de force car toutes ses remontrances réunies se sont avérées caduques face aux droits inaliénables découlant de cette liberté d’expression élevée parfois au rang  de sacralité ultime.

Après avoir pris goût à ce punching ball à succès, l’humoriste s’est lancé dans la surenchère à ses risques et périls, histoire de tester la limite entre satires et diffamations. Il faut reconnaître qu’avec modernité qui rime désormais avec insolence, nombreuses valeurs sont en perte de vitesse comme par exemple le respect envers des personnalités ou autres, synonymes de symboles, peu ou prou, sacrés . Audience, rentabilité à tout prix sont devenus les maîtres mots pour une bonne communication et la boite de Pandore qui s’ouvre !

Loin d’être l’apanage des humoristes,  cette recette fait le bonheur de carriéristes de tous bords dont une journaliste « sexy et virevoltante »  prompte à se mordre la main à chaque « contrariété », à substituer  le familier au soutenu face au président de la République himself, le faisant presque passer pour un plaisantin !

Sauf que poussés à l’extrême, les défis de l’émulation par ce pseudo-sport intellectuel finissent par priver même du rire jaune jusqu’à rebuter. A l’inverse de son clip hilarant, Jan Böhmermman par excès de zèle a fini par basculer dans un registre peu glorieux traitant Erdogan « de pouilleux, pédophile, zoophile, pervers », et d’autres noms d’oiseaux !

Issue de la famille Charlie, la chancelière a quand même eu le courage de qualifier « d’insultant » ce sketch se mettant à dos toute cette frange de la population toujours prête à faire bien pire que ce qu’elle reproche à son ennemi. Angela Merkel est allée encore plus loin donnant  son autorisation pour que puissent être engagées les poursuites pénales contre l’humoriste qu’ Ankara a exigées.

Entre la crise de migrants devenue variable d’ajustement pour gouvernements décriés, l’attachement à des principes qui font honneur à une démocratie , « la dame de fer » a su composer d’autant qu’ en ce moment entre Ankara et Berlin « c’est passe moi la salade, je t’envoie la rhubarbe »…Une posture de la chancelière qui loin de faire l’unanimité la place sous un feu nourri de critiques.

Selon la loi allemande, l’humoriste encourt jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour insulte contre chef d’Etat étranger. Le Parquet allemand prend en charge la suite de cette histoire, dernière sans doute du genre car l’article à l’origine de cette procédure sera bientôt supprimé pour le plus grand bonheur des opportunistes de ce siècle…

Turquie : la fin du Premier ministre Erdogan ?

 

Depuis que le Premier ministre Tayyep Erdogan a décidé de couper l’herbe sous le pied de son ancien "Pygmalion", le prédicateur Gülen, en le privant de ressources conséquentes du fait de son projet de suppression des établissements privés de soutien scolaire, tout va de mal en pis pour lui : c’est comme une avalanche de représailles qu’il subirait…

Après la gigantesque opération de démantèlement d’un réseau de corruption au sein de la classe politique, menée en décembre dernier sous l’égide d’un procureur proche du prédicateur, laquelle s’est avérée préjudiciable pour Erdogan et son parti l’AKP, revoilà ce dernier dans l’oeil du cyclone.

Pourtant le chef n’a pas lésiné sur les moyens pour se prémunir contre toute nouvelle attaque susceptible d’écorner un tant soit peu son image : offensive tous azimuts allant d’une purge de la police à celle de la justice en passant par un verrouillage forcené des libertés. Ainsi requinqué, le sultan se croyait à l’abri et prêt pour la reconquête des municipales du 30 mars ; c’était sans compter sur l’indéniable acharnement de ses détracteurs !

Les Turcs de la Place Taksim et d’autres se sont en effet délectés ces derniers jours en écoutant certains enregistrements qui leur ont été livrés en pâtures sur les réseaux sociaux : faisant tomber les masques, la mise sur écoutes de ces grands donne souvent lieu à des conversations croustillantes qui vont jusqu’à friser le surréel: le Premier ministre Erdogan demande de vive voix à son fils, Bilal, de surenchérir quant au montant jugé insuffisant des commissions à engranger pour leur propre compte ; ou bien encore il lui demande de faire preuve de célérité en mettant hors orbite judiciaire le milliard de dollars sonnant et trébuchant disséminé dans les coins et recoins de leurs quelques appartements.

Contestant l’authenticité de ces enregistrements, Erdogan crie haro sur la confrérie du prédicateur expatrié aux Etats-Unis :" montage immoral, attaque abjecte", se défend l’accusé tout outragé ! Le responsable politique a beau s’offusquer, les mécontents n’en sont pas pour autant convaincus ; depuis ces révélations tonitruantes, ils sont de plus en plus nombreux en Turquie à réclamer sa démission.

Au lieu de faire amende honorable ou même profil bas, le sultan poursuit sans ciller sa politique : il a promis d’ailleurs en cas de succès aux élections municipales d’aller encore plus loin : interdire et facebook et youtube ! En cas d’échec, il compte toutefois faire comme Lionel Jospin en quittant la politique. Des kyrielles de scandales éventés grâce à ces mises sur écoutes illégales d’élus.

Sans ces pratiques clandestines, que d’élus trempés jusqu’à l’os dans la corruption, continueraient en toute impunité de gouverner. Grâce à ces" zélés" qui encourent le pire en enfreignant ainsi la loi, on en saura un peu plus peut-être sur celui qui aspire à reprendre les mannettes de la France. 

Turquie : la police retourne à Taksim après de nouveaux affrontements

Des centaines de policiers anti-émeute sont retournés aujourd’hui sur la place Taksim à Istanbul, tirant des gaz lacrymogènes, des spray au poivre, et des canons à eau contre les manifestants anti-gouvernementaux qui occupaient la place depuis près de deux semaines.

Alors que la police est entrée dans la place, quelques-uns des dizaines de manifestants se sont rassemblés et ont attaqué les véhicules blindés avec des pierres et des pétards. Une barricade a été incendiée, et une bombe a frappé le sommet d’un véhicule blindé qui tire des coups de canons à eau. Des centaines de manifestants ont témoigné de la violence des forces de l’ordre .

Les affrontements se poursuivaient deux heures après que la police ait pris la place d’assaut. Les manifestants avaient essayé de bloquer les barricades de la police avec des bancs du parc, des poubelles, et des matériaux de construction dont des briques et du métal.

Muni d’un microphone, un policier en civil a exhorté les manifestants à cesser de lancer des pierres et des bouteilles sur les policiers, en leur disant : « Ne vous inquiétez pas, la police va se retirer ».

Citant le bureau du gouverneur d’Istanbul, les médias locaux ont rapporté que la police est entrée dans la zone pour interdire des bannières illicites, mais pas pour réprimer les manifestants.

Le gouverneur a publié aujourd’hui sur son compte Twitter que certains manifestants ont été à l’origine de la création d’une sorte de fumée ou brouillard « pour donner l’impression d’une utilisation excessive de gaz par la police ».

La police a interdit toutes les bannières de la place à l’exception d’un immense drapeau turc et un poster de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, qui a été accroché sur la façade d’un centre culturel.

Au moins trois personnes sont mortes dans des affrontements qui ont éclaté le 31 mai entre la police et des manifestants qui accusent le premier ministre Recep Tayyip Erdogan d’essayer d’imposer un agenda islamiste de manière de plus en plus autoritaire, après trois victoires électorales successives. L’association médicale turque a estimé hier que plus de 4.000 personnes ont été traitées dans les hôpitaux depuis le début des affrontements.

Les réactions policières ont attiré la critique internationale. En effet, la politicienne britannique Catherine Ashton a appelé hier à une enquête sur les allégations de brutalités.

Erdogan, quant à lui, a appelé hier les manifestants de « terroristes » et « anarchistes » et a félicité les officiers pour leur gestion de la situation. Il a également accusé les spéculateurs financiers d’avoir planifié les événements.

Turquie : l’actualité entre télévision muette et navigation libre

Les turcs se sont tournés vers les médias sociaux pour montrer leur soutien aux manifestants mais aussi pour combler les vides laissés par les stations de télévision au cours des derniers jours marqués par les manifestations anti-gouvernementales.

Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a pris piètre opinion de ce développement. « Il y a maintenant une menace qui est appelée Twitter », a-t-il avoué. « Les meilleurs exemples de mensonges peuvent être trouvées là bas. Pour moi, les médias sociaux constituent la pire menace pour la société ».

Les grands réseaux de télévision, qui couvrent normalement tous les grands événements presque instantanément, ont été plutôt silencieux sur les manifestations, incitant l’audience à chercher des alternatives.

Des messages de soutien et des images saisissantes de manifestants, comme c’est le cas d’une jeune femme avec des slogans écrits sur son torse nu, ont été largement diffusés sur Facebook.

Ce n’est pas seulement les manifestants qui ont utilisé les médias sociaux.

Apparemment, les citoyens ordinaires ont également utilisé ces plates-formes pour exprimer leurs opinions sur les manifestations.

La Turquie possède l’une des populations les plus dynamiques du monde dans les médias sociaux, avec une augmentation de 300% des utilisateurs au cours des dernières années.

Un éditorialiste et figure de la télévision de premier plan a dit aux médias locaux que beaucoup de gens « répandent la haine et les mensonges dans les médias sociaux, mais il y a aussi beaucoup de citoyens ordinaires qui expriment leurs sentiments et points de vue à travers ce moyens. Les médias sociaux sont la voix du pluralisme. Si nous acceptons la modernité et la démocratie, nous devons accepter les médias sociaux ».

« Nous devons considérer les médias sociaux comme une voie que nous devons aborder d’une réflexion de sociologue pour savoir quelle est la cause de l’inconfort et du malaise dans la société », a ajouté l’éditorialiste.

Ce témoignage des événements pourrait en effet être en raison de la vitesse avec laquelle les protestations ont éclaté ainsi que leur ampleur inattendue. De larges sections de la population et les médias rapportent qu’il y a des manifestations et des affrontements à petite échelle entre les forces de sécurité et les manifestants, sans donner plus de détails.

Cependant, d’autres raison plus probables pour ce manque de couverture télévisée seraient la propriété des médias, leurs allégeances politiques et leurs relations avec le gouvernement.

Protestations à Istanbul : les affrontements font rage à Besiktas

Les manifestants turcs ont affronté la police à Istanbul pendant la nuit d’hier, faisant les pires violences depuis que les troubles ont éclaté il y a trois jours.

Les manifestants dans le quartier de Besiktas ont  dépavé les rues pour construire des barricades et la police a répondu avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau.

La violence a été déclenchée par des manifestants qui se sont opposés à la construction d’un parc de la ville, mais ont élargi le mouvement à une agitation anti-gouvernementale.

En effet, les manifestants affirment que le gouvernement turc est de plus en plus autoritaire.

Ceux-ci craignent que le parti du premier ministre Recep Tayyip Erdogan tente d’imposer les valeurs islamiques conservatrices sur le pays officiellement laïc et porter ainsi atteinte à leurs libertés individuelles.

Les fonctionnaires estiment que plus de 1.700 personnes ont été arrêtées lors des manifestations qui ont eu lieu dans 67 villes, même si beaucoup ont été relâchés depuis.

Dimanche soir, la Maison Blanche a publié dans un communiqué que toutes les parties devraient « calmer la situation », et a réaffirmé que les manifestations pacifiques faisaient « partie de l’expression démocratique ».

Auparavant, les États-Unis avaient critiqué les forces de sécurité pour leur première réponse à la protestation.

Les mosquées, boutiques, et une université de Besiktas ont été transformées en refuge temporaire pour les personnes blessées dans la manifestation de dimanche soir.

Les médias à Istanbul disent que plusieurs milliers de personnes ont participé à la manifestation devant le stade de football de Besiktas récemment déplacé.

Ils ont ajouté que certains des manifestants ont violemment toussé et vomi après que la police ait tiré des bonbonnes de gaz dans la foule.

À proximité, la police a également lutté pour protéger le bureau du premier ministre, qui est devenu un autre point focal pour les manifestants.

Ils auraient bouclé les routes entourant le bureau de M. Erdogan dans le but de repousser les manifestants.

Les troubles ont également été signalés dans la capitale Ankara où la police a perquisitionné un complexe commercial dans le centre croyant que les manifestants s’y cachaient.