FRANCE DE L’EUROPE ET DES BUREAUCRATES : FERME LES YEUX ET MARCHE

 

Voilà Docteur, ça commence comme ça.
Un fait sans précédent. Plus de dirigeant politique.

Mais des comptables, plein de comptables. des gestionnaires. Des bureaucrates. Des experts.

Des gens  pris de passion pour les chiffres.

Et ils comptent, comptent encore, trient vérifient, comparent, recalculent… ils ont le nez si près de leurs registres qu’ils n’ont plus de vision. Visions d’avenir comme en avaient les politiciens d’autrefois, vision idéologiques, démocratiques, philosophiques, sociales, déontologiques, nationales. Politiques.

Dans les chiffres point de détresse, de misère ni d’humanité souffreteuse. Point de remord, de conscience, de responsabilité.

Les chiffres sont précis et limpides, ils parlent avec la justesse formelle des sciences exactes, celles qui ne sont pas sujettes à faiblesse ou approximation.

La maîtresse a bien répété : compétitivité et redressement sont les deux mamelles de l’Europe, monsieur Hollande écoute toujours la maîtresse. Il avait parlé un peu haut pendant sa campagne, elle avait laissé faire, c’était le temps admis et souhaitable du marketing, mais trêve d’enfantillages, elle a fait baisser d’un ton le petit français normal qui courbe désormais le front sur ses comptes.

M. Hollande a trouvé sa place. Les registres, les commissions, la bureaucratie, il est dans son élément. Il le revendique avec humilité: il sera le président le plus normal de l’histoire, le plus insipide, le plus soumis, le plus transparent, celui du changement maintenant, celui qui fera passer un pays libre lumineux mais faillible à un état résigné et sous tutelle, une France qui doit cesser d’être mauvaise élève et prendre modèle sur ses petits camarades du nord.

Le changement c’est maintenant et à genoux, mais pour notre vieille France qui n’a jamais appris à courber l’échine, qui a de vieux principes et un authentique orgueil, l’idée de plier lui donne déjà des courbatures. Qu’à cela ne tienne : le chef de l’état donne l’exemple et amorce la génuflexion: il n’y a que le premier genou qui coûte, comme chacun sait, le reste suit tout seul.

La suite n’a pas tardé. Pour faire oublier l’arrogance passée du vieux pays il a demandé pardon. Le ton humble, la voix humide, les yeux baissés. Il demande pardon à tout le monde : aux déportés, aux algériens, aux anciens colonisés, aux musulmans, pardon pardon, pardon. Maintenant, on sait qu’il n’y a pas de quoi être fier d’être français.

Il parait qu’au Sud, ils sont bien plus mauvais élèves que nous. Ils ne savent pas se tenir. Ils manifestent, protestent, crient, pleurent et se suicident bruyamment.
Au Sud ce sont les cancres alors on les met au fond de la classe. Les classements, il n’y a qu’à l’Éducation nationale que ça n’existe plus. Pour ne pas traumatiser les enfants avec le réel.

Des experts ont été désignés pour s’occuper de tout et nous orienter.
Comment se serrer la ceinture, comment chercher à travailler plus pour gagner moins, comment mettre sa famille devant les tribunaux pour la forcer à nous aider si néanmoins on ne trouvait pas de travail, comment ne pas instruire nos enfants, comment se divertir pour ne plus penser, comment supporter tout ça en se droguant sous contrôle médical dans des locaux prévus à cet effet. Ils ont les réponses à tout les experts.

Pour nous encadrer, il y a les ministres, ceux de la femme, de l’enfant, du racisme, du dialogue social, des réformes, du redressement, des personnes âgées, etc.
Le bureau des pleurs c’est à l’entrée des artistes, dont les œuvres ont été avantageusement remplacées par de très accessibles et réconfortants discours humanitaristes.

Vous voulez penser, réfléchir, ça vous manque vraiment ? alors il va vous falloir vous débrouiller tout seul pour dénicher les rares intellectuels qui protestent encore, car ils ont peu d’audience et restent en cercles fermés, mais est-ce vraiment la peine ? Alors que nous avons d’éminents substituts à vous proposer qui foisonnent sur nos plateaux télé et dans nos journaux, écoutez les débattre ardemment de points de détail et savourez le réjouissant spectacle de leur accord fondamental, symbiotique, reconnaissez leur à minima le mérite d’être accessibles, même vos enfants peuvent les comprendre.

«Qu’il est dur le petit rire Attalien pour l’homme qui est au désespoir»*
Cette arrogance… l’arrogance de ces gens  très à l’abri, aux comptes bancaires pleins dans des pays sûrs, partout chez eux dans le monde où les attend qui une demeure, qui un palace, qui une résidence surveillée.

Entendre :
« Les français doivent consentir au sacrifice dont a besoin l’économie. »
« L’immigration, le multiculturalisme sont une chance pour notre pays et pour l’Europe, la roue tourne, de nouveaux pays émergents, il faut s’en réjouir avec eux. Ne soyons pas défaitistes »

Traduire :
« Prenez mes terres manants exotiques et tâchez d’être cléments avec mes gens, je suis bon prince, voyez comme je me retire et vous fais place. »
« Quant à toi, o mon peuple inculte et vulgaire, ferme les yeux et marche, toi qui n’as pas su t’élever ainsi que moi, ton destin est scellé tu l’apprendras de nos animateurs-journalistes, ils te diront que faire et qui croire, ils guideront tes lectures si tu sais encore lire et pour tes enfants qui ne savent déjà plus, on leur réserve des amusements d’arènes, tu en as eu des aperçus sur ton écran, allez ne nie pas, on connaît tes penchants, on les a même étudiés, ça t’aidera à oublier la flexibilité du travail sans lendemain et l’asiatique compétitivité de tes journées de labeur, tu verras, plus d’avenir, plus de passé, vivre l’instant. Plus de nation, plus de culture, le monde est à toi. Just do it.

Toi qui as grandi sous protection tutélaire, le tuteur te trouve un peu lourd ces temps ci, alors il se tire ailleurs rejoindre ses enfants déjà en place dans les écoles privées, je veux dire de vraies écoles, faites pour apprendre, de Suisse, d’ Amérique mais pas de Navarre ah ah ah ! c’est une blague, écoles de Navarre c’est drôle non, allons rigole, on te laisse l’école garderie pour ton enfant roi qui ne va pas tarder à dégringoler de son trône et à réaliser sur le tas et le tard qu’en dehors de l’école point d’endroit dont il soit le centre.
Tu as un cadre, sois un peu reconnaissant. Une Europe forte, à forte circulation d’argent. Il circule, il est là partout, il suffit de l’attraper si tu n’y arrives pas c’est que tu es à désespérer, mais reconnais quand-même: en perdant ta nation tu gagnes un continent de quoi te plains-tu.
Nous t’avons préparé une Europe gay : plus on est de fous plus on ri, ainsi tu pourras te marier au choix avec ton voisin, ta voisine, la tante Gertrude ou le chien du cousin Jean.
On a dépoussiéré pour toi la plus belle des capitales musée ou tu as le droit de venir te promener. Tu pourras admirer tout à ton aise la nouvelle place de la République, c’est propre,  l’air s’y assainit de jour en jour. Merci qui ?
Si nous t’avons enlevé toute autonomie c’était pour mieux te choyer :  tu ne dois plus chasser pour te nourrir, ni te construire une maison, la chasse est un art dangereux, fait pour être pratiqué avec la délicatesse qui sied aux initiés. Quand aux habitations…où irions nous si chacun y allait de son taudis individuel. Tu payeras donc pour ta viande et régleras ton loyer. Tu achèteras tes fruits et légumes.  Réjouis toi de l’eau courante et règle ta note sans tarder pour ne pas chercher la coupure . Plus de cheminée, de cuisinière à bois : il est vrai que fée électricité a su se rendre indispensable et se cache dans mille besoins quotidiens, mais dis moi comment ferais-tu pour te divertir sans ton écran? Paie donc tes abonnements et arrête de gémir. Nous te faisons un cadeau : l’oxygène est encore gratuit. Alors profite de l’aubaine et respire. »

Voilà mon rêve Docteur, ce rêve récurrent que je fais ces temps-ci.
C’est que j’entends si souvent ces mots : Compétitivité….valeur-travail…. mondialisation… démographie galopante… économie… qu’ils me font froid dans le dos et me donnent la fièvre.
Voici que j’ai encore un vertige… smic de la chine…185 €… Turquie…333€ …Roumanie…114 €…
Un doute m’assaille, non, une vision, un grand livre d’histoire, énorme. Je l’ouvre avec peine, il y a une colonne « pertes et profits » , avec plein de chiffres qui semblent recouvrir quelque chose…je m’approche un peu plus pour tenter de découvrir de quoi il s’agit… Des maux Docteur. Les chiffres cachaient nos gros maux.
Mais je m’égare aussi je sens bien que mon cas est grave. Peut-être devrais-je commencer à me droguer ? Pourriez-vous recommander mon admission au centre «shoot sans frontière»?
Merci Docteur.