Tabarkagate : MAM, de Tozeur à Itxaka

J’étais loin de m’imaginer à quel point Michèle Alliot-Marie allait s’embourber dans des déclarations aussi confuses que contradictoires. Qu’elle ne connaisse pas le prix du ticket de métro entre Tabarka-Borj el Jedid et Tozeur-Ouled-el-Hadef (correspondance à Mairie-de-Kasserine), passe encore. Mais on en vient à se demander si elle sait bien où se situe… la Dordogne. Un aller simple Paris-Itxaka (banlieue de Saint-Jean-de-Luz), en empruntant divers TER, paraît désormais ce qu’on peut concéder de mieux à MAM. Ce serait quand même mieux que de l’embarquer en cojetage pour la larguer munie d’un parachute… zingué.

 

Franchement farce. « Je vais être très attentive… je ne quitterai pas la Dordogne ! » a déclaré sans rire sur France Info la suppléante de Levitte pour la politique étrangère française. Adéquat. Elle veut aller s’esquiver sur les terres de son Roméo, Ollier. Troisième département forestier de France, la Dordogne ne manque pas de couvert pour y passer de discrêtes villégiatures. Mais il n’est pas sûr que les Périgourdins tiennent tant que cela à son voisinage. Ce serait donc « parce qu’il n’y a pas de liaison directe entre Tabarka et Tozeur » que MAM, ses parents et son petit prince, auraient été amenés à emprunter un second avion, celui de Belhassen Trabelsi. Allons voyons. Comme l’a relevé le Nouvel Obs’, c’est pour ne pas transiter en convoi officiel par des villes comme Sidi Bouzid ou Kasserine, en proie à des troubles, voire de franches émeutes, que MAM a embarqué avec sa suite à l’aéroport de Tabarka pour se rendre à Tozeur.
Un élément de langage qui ne serait pas resté sans prêter le flanc à caution et retour de flammes aurait été de dire que le clan Ben Ali avait tout fait pour lui masquer l’ampleur des émeutes et que, alors même qu’elle souhaitait itinérer incognito, les Ben Ali auraient lourdement insisté pour la véhiculer. Déclarer « nous nous sommes retrouvés quasiment otages des Ben Ali, » prêtait certes à contreverse, mais là, elle est vraiment passé pour une gourde qui s’enlise en se débattant comme elle le peut. On prêtait à Michèle Alliot-Marie un certain cran qui n’était que de la morgue. On se souvient du célèbre non-entretien avec Gerald Dahan. MAM reste interloquée, muette. Cela valait sans doute mieux. Le blogueur Poliparodie avait titré « comment liquéfier un ministre en direct ». Gerald Dahan avait été viré par Philippe Val.

Ce qui la fout mal, comme le révèle Transparency International et Le Télégramme, L’Alsace et d’autres titres,c’est que les bévues de MAM-la-Gaffe s’inscrivent dans un contexte : selon le dernier baromètre TI-Gallup, deux-tiers (seulement ?) des Françaises et des Français estiment que les élus sont corrumpus ou vulnérables à la corruption. En fait, 66 % des Français·e·s (contre 53 % des Russes, qui, évidemment, partent de fort haut) ont estimé que la corruption a augmenté en France au cours des trois dernières années. Et la France, mondialement, s’en tire assez bien du fait de l’inclusion, pour ce baromètre 2010, de la Chine, du Bangladesh et de la Palestine. De ce fait, la France, qui a perdu encore une place entre 2009 et 2010, peut se classer au 25e rang. C’est moins pire que l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Grèce, mais elle se trouve en queue de peloton européen (Géorgie et autres pays). Et quand la tête est pourrie… 7 % des répondants de France ont déclaré « avoir dû payer un pot-de-vin au cours des 12 derniers mois à l’occasion d’une relation avec un service public. ». Pour 2011, l’effet MAM devrait se faire sentir. Le problème, c’est qu’il éclabousse tous les élus, tous partis confondus. On comprend mieux que le PS, par exemple, veuille se distinguer des pratiques de l’UMP, dont celles de MAM sont devenues un symbole.

Il ne suffit pas de clamer, comme avant elle Woerth ou Besson, quelque chose comme « j’ai totalement et toujours payé mes vacances.». Besson avait produit des pièces à Bakchich. Pour le moment, MAM s’en est dispensée.

En fait, MAM, première adjointe du maire de Saint-Jean-de-Luz, gagnerait peut-être à démissionner de tous ses mandats (pour, peut-être, siéger au comité de quartier d’Itxaka, de cette même bonne ville). L’UMP avait certes déjà fait un exemple avec Alain Joyandet, démissionné de son secrétariat d’État en juillet 2010 et qui s’occupe désormais des animations commerciales et du carnaval de Vesoul, mais cela n’a guère suffi.

Cet aspect franco-français ne doit pas masquer l’essentiel. Julien Dray, l’élu PS bling-bling, a considéré à juste titre que MAM serait restée aveugle à tout ce qui se passait en Tunisie par incompétence crasse. Comme l’avait dit Boulay (mot attribué à Talleyrand), c’est pire qu’un crime (de présumée corruption), c’est une faute (à propos de l’exécution du duc d’Enghien). MAM nous joue Ridicule, de Leconte, mais serait déplacée à présent dans Que la fête commence, de Tavernier. Ce n’est plus à la même fête que se trouve Alliot-Marie.

Sur Marianne, SuperNo la voue à « l’emplacement nº 17 du camping Les Flots bleus du côté d’Arcachon. ». Et de relever cette perle : « quand je suis en vacances, je suis comme tous les Français. ». Hormis, peut-être, les chargées de rubrique beauté et bien-être du magazine Elle, qui peuvent abandonner leurs préoccupations journalistiques en vacances, non, Madame, beaucoup de Françaises et Français, en vacances, ne sont pas comme vous. Voilà que MAM souhaiterait doter son ministère « d’une vraie capacité d’analyse et d’expertise stratégique. ». Allons bon. Pour quoi donc créer une cellule de prospective qui existe déjà à l’Élysée ? Seulement pour faire doublon ou pour caser de nouveaux des proches, des personnalités qualifiées ? Elle veut une nouvelle direction de la prospective au Quai d’Orsay (déclaration à la presse internationale, à Munich) et créer d’autres réseaux « qui permettent de faire des recoupements ». C’est dire que ceux de Jean-David Levitte, du Conseil de défense et de sécurité nationale élargi (un projet de Sarkozy qui a aussi réussi que l’Union pour la Méditerrannée), actuel CNS, et conseiller diplomatique de la Présidence, sont aussi inopérants. On est effectivement dans l’indécence. Cohn-Bendit, à propos de la seule MAM, s’est déclaré ennuyé « de taper sur la bêtise. ». Mais cela va bien au-delà du cas MAM.

L’iranien Tehran Times s’est fait un plaisir de reproduire les commentaires du Los Angeles Times au sujet de MAM. On a vu la police égyptienne à l’oeuvre au Caire. Elle était entraînée par la police française, celle du ministère de l’Intérieur que dirigeait MAM. Le LA Times, qui va un peu vite en besogne, qualifie l’ancien « mon z’ami » des Alliot-Marie et Ollier en Tunisie, Aziz Miled, d’ancien marchand de tapis. Ce n’est pas tout à fait faux. J’avais relevé que, en sujet de baccalauréat, Miled avait traité de l’attitude d’un vendeur arnaqueur abusant d’un touriste. Miled possédait certes une certaine expérience, et on en vient à penser que, pour espérer vendre des matériels de maintien de l’ordre et des Mirage F1 modernisés et des Rafale à l’Armée de l’air tunisienne, MAM s’est faite rouler dans la farine par plus duplice qu’elle-même.

À Munich, le secrétaire-général des Nations Unies aurait condescendu, selon un communiqué officiel, à barvarder un peu avec MAM du sommet de l’Union Africaine, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et du Liban. MAM a pu poser avec le président Afghan, Karzai, se placer en face d’Hillary Clinton le temps d’un cliché, et les apparences semblent sauves. Mais Politis titre : « De Tarnac à Tabarka, un ministre hors-sol… ». Claude-Marie Vadrot rappelle le parcours de MAM, l’ancienne Cruella de la sémillante Alice Saunier-Séité (ministre de l’Éducation aussi olé-olé de Roselyne Bachelot). Rue89 pose la question que les chancelleries et la presse internationale se posent. Que reste-t-il de la crédibilité de la France avec une MAM qui ne doit sans doute de conserver son portefeuille que grâce aux dossiers qu’elle a réuni sur les uns et les autres lors de son étonnant parcours ministériel ? Déclarer à Munich « le parapluie américain ne saurait être universel ni éternel. Nous devons agir pour que l’Europe soit en mesure de se doter de ses propres capacités, afin d’apporter sa contribution à la paix et à la sécurité mondiale, » c’est aussi crédible que de plaider pour la moralisation des tractations financières et une taxe mondiale au G20, comme l’a fait Sarkozy. Il fallait bien qu’elle dise quelque chose.

Une rumeur prête à MAM des intérêts dans le GIE CO-Jet (du covoiturage en jet privé), de Roanne, rebaptisé par la blogosphère Cojetage. Qu’on ne s’inquiète pas pour MAM. On lui trouvera sans doute un parachute doré… sans doute pas pour un largage au-desus d’Itxaka.

 

 

 

 

 

 

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

7 réflexions sur « Tabarkagate : MAM, de Tozeur à Itxaka »

  1. lamentable et ridicule ministre qui deshonore la france et qui n’a meme pas la décense de laisser la place à des gens honnetes et integres
    degagez……… ;D

  2. Commentaire d’Éric Woerth :
    « Je serai le dernier à soutenir Michèle Alliot-Marie parce que mon soutien, probablement, la desservirait et je ne veux pas la desservir. Je suis lucide sur ma situation aujourd’hui », déclare-t-il dans « Parlons-en » de LCP- Le Journal du Dimanche.

  3. HIRAM HIRAM HIRAM RAM RAM RAM !!!
    SOCIETE IMMOBILIERE IKRAM
    29, Avenue Moheddine EL KLIBI
    2092, MANAR II TUNIS

  4. Vidéosurveillance : MAM lance la commission nationale
    Cette commission nationale est présidée par le criminologue [b]Alain Bauer[/b].
    Michèle Alliot-Marie compte tripler d’ici 2009 le nombre de caméras dans
    les rues.
    et les aerodromes alors !!!!
    y a des sous à gagner, Alain !

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