Le précédent Besson n’a pas trop réussi à l’ex-ministre des expulsions. Il avait produit à Bakchich des factures et des relevés de carte de crédit pour tenter d’établir qu’il avait bien réglé de ses deniers son escapade matrimoniale à Capri. Avec ce qui est désormais son Tabarkagate, MAM n’est pas allée aussi loin. Dans un premier temps, elle ne sait plus qui a réglé la note de ses séjours tunisiens, ni sous quel nom, dans un second, qui tarde à se concrétiser, elle jure faire toute la lumière sur ses relations tunisiennes. N’empêche, depuis, le soir, dans les villas de Sidi Bou et Gammarth, on parodie La Carmagnole en évoquant une certaine MAM-la-gaffe.

Les Tunisiennes et Tunisiens prononcent le français, au moins pour la majorité de celles et ceux appartenant à la classe moyenne ou un peu supérieurement éduquée, beaucoup, beaucoup mieux que, ce n’est qu’un exemple, Nicolas Sarkozy. N’empêche, en lisant à haute voix le surnom attribué par Le Canard enchaîné à Michèle Alliot-Marie, MAM-la-Gaffe, ils n’ont plus s’empêcher de s’entendre dire « Madame Lagaffe ». Et c’était parti…
Non, ce n’est pas à Mademoiselle Jeanne, devenue épouse de Gaston Lagaffe, auxquels les résidents des banlieues chics de Tunis pensaient. Mais à une certaine Madame Veto. Et cela donne : « Madame Lagaffe avait promis de faire égorger tout Tunis… Mais le coup a manqué, grâce à nos forces armées… ». Je vous passe la suite, car MAM étant ministre d’État, ou quelque chose du genre, je ne voudrais pas encourir des poursuites pour outrage.

Une autre hypothèse franco-tunisienne, qui justifierait la dénomination Tabarkagate, calquée sur Woerthgate ou  Karachigate, serait que MAM aurait profité de son séjour pour ramener, tel un Sarkozy de Tripoli ou de Brasilia, des montages pour fourguer soit des Mirage, soit des Rafale, à l’armée de l’air tunisienne. Soit qu’elle se serait elle-même missionnée pour trouver les bons intermédiaires. Ne ramener qu’une commande de matériels militarisés de maintien de l’ordre est, par comparaison, un fiasco, mais c’était déjà cela de pris. En fait, rien ne le prouve, rien ne l’établit. Mais la rue tunisienne, privée si longtemps d’informations fiables, bruisse désormais des rumeurs les plus fantaisistes. D’ailleurs, pas que la rue tunisienne, celles des quartiers et banlieues françaises où se disperse la communauté tunisienne de France, ne sont pas en reste.

En fait, tout comme Carla B., à laquelle Frédéric Pagès, du Canard, attribue (à la hussarde), cette phrase qui collera aux basques de Carla Bruni-Sarkozy, « Frédéric Mitterrand m’avait convaincue que le bénalisme était un humanisme », MAM passe surtout pour une sotte, internationalement. Rien n’est plus faux pour Carlita, ainsi décrite par le porte-manteaux de haute couture Tasha de Vasconcelos, d’Aide mondiale orphelins réconfort, dans son autobiographie Beauty as a weapon : « une machine infatigable, terriblement efficace, à la précision d’une armée de robots. ». Et elle en rajoute : « Avec elle, pas d’états d’âme, pas de sentimentalité superflue, les affaires, rien que les affaires… » (adaptation de mon cru que je préfère à d’autres). C’est vraiment stupide d’avoir nommé une gourde telle Alliot-Marie et non pas une flêche, telle Carla Bruni, aux Affaires étrangères.
Par comparaison, MAM a bien l’air de ce qu’elle est : une pète-sec imbue d’elle-même, menteuse embourbée dans des déclarations hasardeuses.
Ainsi de sa version du suicide ayant provoqué le soulèvement : « même le suicide, qui était à l’origine des événements s’est produit à la fin de mon séjour… ». Je vous passerais charitablement le verbatim et la formule imbriquée de MAM (à l’origine « alors là pour le coup » des événements) s’il n’était hautement significatif : à force d’imiter servilement Nicolas Sarkozy, on finit par en faire beaucoup trop.
C’est ne même pas savoir relire ses notes. Mohamed Bouazizi s’immole par le feu le 17 décembre dernier, MAM et son petit prince ainsi que ses parents sont allés chez Ben Ali pour lui serrer la pince (pas les pinces, et comme il n’était plus déjà vraiment là, Ollier aurait dit, puisque c’est comme cela, nous reviendrons demain), une bonne semaine après. Jamais une Carla Bruni n’aurait fait un tel impair. La péteuse a lâché un retentissant vesse de travers.

 

On oublie un peu trop facilement qu’Ollier, et quelques autres, avec Éric Raoult, président du Groupe parlementaire d’amitié France-Tunisie (mais aussi de l’Association des élus amis d’Israël, et ce rapprochement n’est nullement fortuit), ne sont pas seulement des amis de Ben Ali. Ollier préside, lui, le Groupe d’amitié France-Libye et Kadhafi était plus qu’ami-ami avec Ben Ali, ils étaient aussi en affaires (dans l’import-export, notamment). Évoquer un Tabarkagate, du nom de la seconde ville de résidence tunisienne du couple Ollier-MAM, n’est pas tout à fait inexact, ce n’est sans doute qu’un exagérée extrapolation. En tout cas, Patrick Ollier qui, en France, veut absolument faire sauter le quota d’un cinquième de logements sociaux dans les communes, était au mieux avec les promoteurs immobiliers tunisiens.

Fillon a assuré MAM de sa confiance, tout comme il l’avait fait pour Éric Woerth. Cela augure mal de la suite. Il serait bon, en effet, de faire un exemple symbolique. Car sinon, le déballage pourrait continuer. Le JDD de Lagardère rapporte les propos de Ridha Kefi, redchef de Kapitalis : la proximité entre les pouvoirs sarkozyens et benaliens « est politique, elle est dans les affaires, dans tous les secteurs. C’est la licence Orange accordée à un proche de Ben Ali. C’est Carrefour, c’est Géant… ». On peut comprendre que MAM ait eu aussi envie d’être gourmande. Ridha Kefi estime aussi que MAM aurait dû démissionner car « à ce niveau là, on ne peut pas se laisser prendre la main dans le sac… ».

C’est en fait à ce niveau qu’il faut situer le véritable Tabarkagate. Comment les chancelleries pourraient-elles encore prendre au sérieux une telle truffe. Sa démission n’est pas qu’une question de morale, mais d’efficacité. Baroin a estimé que le Tabarkagate était clos avant même d’avoir été ouvert. En France, peut-être. À l’étranger, malheureusement, il croît et enlaidit. Même de (relativement) petits titres comme le Schweizer Fernsehen vont finir par se payer la trombine de MAM. Certes, quand Salman Al Khalifa, souverain du Bahreïn est reçu à l’Élysée, MAM est conviée encore à faire la plante verte dans le décor. Mais la voit-on encore mener des  discussions sur des sanctions contre l’Iran, pour ne citer que cet exemple ?
Quand la presse internationale se réfère à la Guerre du Péloponnèse (de Thucydide) pour évoquer les soulèvements en Afrique du Nord (du Maroc à l’Égypte), c’est pour remarquer que ce grand classique supporterait mal le présumé « réalisme » d’une Alliot-Marie (sur Chron.com, le site du Houston Chronicle, un titre texan du groupe Hearst).
Même une Nadine Morano s’inquiète d’une « maladresse » de MAM. Et Morano d’évoquer, sur I-Télé, le précédent Chevènement (ministre démissionnaire). Et les gamelles de MAM la suivent : Mustapha Marrouchi, sur Counter Currents (.org), évoque Michèle « Tarnac » Alliot-Marie, celle qui a piloté si grotesquement l’affaire Julien Coupat. Marrouchi se gausse de MAM et de son Roméo (Ollier), de leurs goûts pour la bonne chère (en faisant allusion aux « state of the art culinary practices » du Roméo et de sa MAM-erre). Le Tunisien et Berbère Marrouchi, résident à Pau, évoque un Ben Ali et son cercle de maquereaux, clients et courtisanes, qui lui fait songer à Pablo Emilio Escobar (de Medellin en Colombie), dont le djinn, selon des rumeurs craintives, aurait vampirisé la nuit le sang de jeunes filles. L’anecdote est significative. C’est pourtant à ce père fouettard que Silvio Berlusconi délivra un diplôme universitaire honoris causa. La « sauterelle frigide » qu’est à ses yeux MAM, incarne, à présent, dans l’opinion arabophone, la corruption.
Comment croire qu’un Mohamed Bouazizi, un Taoufik Ben Brik, ou leurs émules qui sont sans doute les dirigeants émergents ou les influenceurs d’opinion tunisien du présent ou de demain, ne voient pas en MAM une autre Leila Ben Ali ? En fait, MAM, grâce à son entourage, des dircabs comme Alexandre Jevakhoff, apparaît mondialement pour ce qu’elle est : une femme certes contournable, mais qui, détenant des dossiers sur un peu tout le monde, l’est difficilement pour les partis de droite. Ollier, lui, avec ses relations privilégiées avec Muammar Gaddafi (Kadhafi) qui « continue de menacer les Tunisiens comme si la Tunisie lui appartenait encore », mine les quelques espoirs de rétablir une politique arabe de la France.
Ollier et MAM passent en Tunisie, mais aussi bien au-delà, pour les clients des Kallals, Ghannouchis, Rouissis, Chiboubs, Seriaties, et autres proches du clan Ben Ali. Ces noms ne disent rien à l’opinion française, mais celui de Mustapha Marrouchi, auteur de, par exemple, Algeriad: Colonialism, Islamism, Terrorism, traduit en Catalan, Urdu, et autres langues, dont bien sûr l’arabe, qui travaille sur un essai intitulé Unspeakable Things Spoken at Last (L’Indicible qui ressurgit, suggérerais-je, par allusion à La Révolution qui vient), et sa voix, portent jusqu’au Caire et bien au-delà. 

Ce n’est pas en raison d’une éventuelle forfaiture (mensonge d’un fonctionnaire ou ministre), qui, si tant était qu’elle aurait existé risquerait de n’être jamais établie, que Michèle Alliot-Marie doit démissionner. C’est parce qu’elle n’est plus crédible, nulle part, même pas sans doute dans les cercles dirigeants de l’UMP.

Mais revenons au précédent Besson… Que Michèle Alliot-Marie produise donc son bon de réservation sur Tunisair pour elle, son Roméo et les siens. Qu’on sache si c’est Amex, une autre agence, elle-même ou l’une de ses secrétaires qui l’auraient passé. Cela ne changerait rien au fond de l’affaire mais au moins, démissionnaire, pourrait-elle partir plus crédible se faire réélire à Biarritz, et débarrasser la scène internationale de sa personne .