Que d’hésitations avant d’écrire ce billet sur ce fait divers absolument cauchemardesque. Elle se prénomme Amina, est libanaise. Kifah, son mari est un diamantaire qui travaille entre l’Angola et la Belgique. En cette fin de mois de juillet, ils devaient être de passage à Beyrouth dans leur appartement en cours de travaux. 

Muni de sa caméra, le mari se pavanait chez lui, filmant les lieux, peut-être pour les poster sur sa page facebook, quand à sa grande stupéfaction, il surprend Amina dans une posture renversante : assise au bord du balcon sans balustrade, situé au huitième étage, Amina a les jambes dans le vide ! Pris de court devant ce spectacle ahurissant, le mari tétanisé est resté cramponné à son appareil, filmant la scène surréelle de sa femme noyée dans un désespoir irrévocable. 

D’une voix tremblotante, il l’implore de manière décousue : Amouna, ma petite Amina, mon cœur, ma vie, je t’en supplie, ne fais pas ça ! Je te promets mon amour que je n’ai rien, que je vais bien ; tu sais mes responsabilités; mon cœur, j’irai avec toi  où tu voudras. Dis moi ce qui te tourmente ? Et si c’est moi le problème, laisse moi tomber ; pense à ta mère, elle ne mérite quand même pas que tu lui fasses ce coup ; pense juste à elle, pour l’amour de Dieu, Amouna ! 

De sa voix imperceptible, la femme déterminée murmure  son obstination à passer à l‘acte ; ni les supplications, ni les promesses de Kifah, ni le soleil, ni même la mer qui se prélasse à l’horizon n’ont suffi à lui insuffler l’envie d’avoir envie de vivre. Le cœur n’y était apparemment plus du tout. Un trop plein de désillusions, d’écoeurement, de peines… Les mots, le blabla à côté de la plaque lui ont sans doute servi d’ultime tremplin pour donner corps à son désespoir : s’élancer dans le vide vertigineux, sans plus jamais regarder derrière elle. 

Sans doute avait-elle besoin de s’allonger sur le fauteuil d’Henri Chapier, pour mettre des mots sur ses maux, histoire de faire du temps son meilleur allié pour apprendre à apprivoiser ses souffrances avant de pouvoir émerger. Les ravages de la culture de la passivité qui veut que tout s’acquiert en un léger claquement de doigts y sont peut-être pour quelque chose, aussi. 

Dommage de s’éclipser à l’heure où l’on a tout pour soi, où l’efficacité d’une prise en charge en psychothérapie n’est plus à prouver ! Mais malheureusement sous les cieux libanais, en plus de ne pas être très en vogue, cette branche de la médecine a une connotation plutôt péjorative. 

Le bouleversement consécutif au développement des réseaux sociaux à fait apparaître de ces étranges us et coutumes ; les réflexes ne sont plus les mêmes, ils ont subi de profondes mutations où tout se filme même une fin des plus tragiques.  Amina a voulu mourir avec l’envie de prendre à témoin le monde comme pour faire passer un message. La vidéo circule. Elle fait la une des médias locaux… 

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