Qui est donc ce Jimmie Aakesson (ou  Åkesson), chef de file des Démocrates suédois qui viennent de remporter 20 sièges au Riksdag, le parlement suédois ? À défaut de le savoir vraiment, nous ne tarderons pas à être amplement informés sur le personnage et sa formation eurocentriste aux arguments nationaux-« socialistes ».

Il fallait 4 % des voix aux DS (Démocrates suédois) pour faire leur entrée au parlement. Avec près de 6 %, ils emportent vingt sièges et privent le Premier ministre sortant d’une majorité (à trois sièges près). L’électorat de gauche s’est sans doute, pour partie, décidé sur les thèmes sécuritaires et de limitation de l’immigration que prône Jimmie Aakesson.

 

La gauche a peut-être limité la casse grâce à une jeune blogueuse, Emilie, dont le clip, narrant comment sa mère et elle-même se retrouveront sans doute locataires pour tenter d’obtenir des allocations de chômage, a été repris par les médias nationaux. La jeune fille, férue de sociologie, d’études féministes et de genre, d’histoire, &c., et dont le livre favori est Le Maître et Marguerite, a su émouvoir. Sa mère avait perdu son emploi pour des raisons médicales, et le dispositif des Sociaux Démocrates avait été révisé par les conservateurs de Fredrik Reinfeldt.

 

Qui est donc ce Sarkozy junior de 31 ans, Jimmie Aakesson ? Tout comme le jeune Nicolas, il s’est employé très jeune à coller des enveloppes et des affiches, dès l’âge de 15 ans. Et comme Jeanne-Marine Le Pen, il a su marginaliser les groupes les plus voyants et les plus extrémistes, tout en développant une thématique sécuritaire et anti-immigration ferme, mais sans trémolos dans la voix, sans injures ou propos trop ouvertement racistes ou xénophobes. Les immigrés en situation régulière ont sans doute voté majoritairement Sociaux Démocrates, mais il n’est pas impossible qu’il ait, tout comme les conservateurs, obtenu des voix (car, oui, ils peuvent voter) d’une fraction de la population d’origines étrangères. Il n’empêche que le spot de campagne télévisuelle des DS a été censuré car estimé à connotations racistes, et que la formation est ostracisée par les Verts, les conservateurs et les Démocrates Sociaux. Le clip mettait en « compétition » une vieille dame utilisant un déambulateur et de jeunes femmes en burqa poussant des landaus et, très bizarrement, liait le financement de l’aide à l’assimilation de l’immigration et celui des régimes de retraite comme s’il s’agissait de dépouiller les retraités pour favoriser l’intégration de travailleurs étrangers (qui, généralement, cotisent en Suède assez rapidement, pour financer, aussi les retraites).

 

Jimmie Aakesson a une tête de bon élève, des cheveux bruns qu’il se préserve de couper trop ras, et absolument pas la frénésie d’un Sarkozy lorsqu’il anime des réunions publiques. C’est un tribun fort présentable, son entourage l’est un peu moins, mais se modère. Il est même fort possible que les financiers de son parti, voyant que, au Royaume-Uni, General Electric se plaint de ne pouvoir embaucher des immigrants (des ingénieurs), plaideront pour des quotas plus souples que ce son programme oublie de chiffrer précisément. Son second, Bjorn Soder, s’est contenté de réclamer « des avancées » en matière de sécurité et de limitation de l’immigration.

 

En Suède, le septième de la population est désormais d’origines étrangères, ce qui inclut, comme en France, d’autres Européens (de l’U.E. et de sa périphérie), et Jimmie Aakesson se préserve bien de les cibler, développant de préférence des thèmes mahométanophobes. Il s’accroche aussi à son implantation locale, restant vivre, entouré de deux chats (Matz et Franz), à Sölvesborg, dont il est un édile local, alors que son amie, Louise, réside dans la capitale où elle travaille. Son discours fustige les « élites » et comme il avait interrompu ses études de Sciences Politiques à l’université de Lund, il est à peu près crédible. Bien évidemment, il soutient les expulsions des Rroms (une cinquantaine ont été expulsés de Suède cette année), et ferme aussi les yeux sur les employés des cuisines des restaurants huppés qu’il peut être amené à fréquenter.

 

On risque de voir bientôt le sémillant Jimmie aux côtés de Jeanne-Marine Le Pen. Selon la Svenska Dagbladet, le FN aurait apporté des fonds à sa formation en 1998. Un retour de bons offices est donc à prévoir. Il répétera sans doute que son parti n’est pas raciste, et prône l’égalité des droits pour toutes et tous en matière de droits de l’Homme. Il serait étonnant qu’il insiste alors sur ses déclarations pré-électorales visant à faire croire que son parti réinstaurerait le très généreux système de protection sociale du temps des Sociaux Démocrates, assez fortement écorné par les conservateurs. Sverigedemokraterna (le DS), qui a su présenter aussi des candidates décoratives (Nina Kain, par exemple), et très bien formées aux entretiens télévisés, d’une forte sobriété d’expression (pas le moindre dérapage à la Nadine Morano), peut fort bien aussi, en élargissant sa base, devenir un parti de centre-droit un peu plus « populiste » que ses concurrents. Mais il faudrait peut-être qu’il fasse un ménage plus approfondi : l’un de ses candidats, David von Arnold Antoni, est fortement suspecté de s’être lui-même infligé une blessure au front en forme de croix gammée, dont il a imputé la cause à des « hommes masqués aux accents arabes ». De même, un clip supposé montrer la « réalité » du Liban était truffé d’images de provenances irakiennes et autres… Qu’on se rassure, le DS ne va pas concocter un nouveau Protocole des Sages de Sion : il se déclare pro-israélien. Mais sans doute pas au point d’accueillir des Falashas (juifs éthiopiens, ethiopim), des Baryas (Falashas au teint foncé), qui ne trouveraient pas d’emplois en Israël et seraient tentés par la Suède. Ce parti ressortant du courant euronationaliste se définit en tant que « national-démocrate-centriste », et au moins dans ses plus hautes instances dirigeantes, c’est à peu près ce qu’il est.

Pour en revenir au personnage, il sait parfaitement communiquer. Son site perso, www.jimmieakesson.se, le présente décontracté, en jeans-chemise-cravate-gilet, tenant sa veste sur l’épaule. On y a apprend que Per Jimmie est né un 17 mai 1979 à Sölvesborg, et qu’il aime la politique et le foot. Ses auteurs préférés sont Mark Winegardner (Le Parrain) et Dan Brown (Da Vinci Code), Mario Puzo (Omerta), mais aussi bien sûr la Somalienne et Néerlandaise Ayaan Hirsi Magan-Ali (Insoumise), dont il ne partage sans doute pas les virulentes critiques de l’État-Providence. Bref, un gendre idéal.