Spanghero va une nouvelle fois poursuivre en diffamation les autorités qui salissent le nom de cette belle entreprise où, dans ses locaux, après du minerai de viande de cheval, c’est un tout petit paquet (de 57 tonnes) de viande de mouton britannique, interdite à l ‘importation, qui a été découvert. Come4News, pour s’éviter une nouvelle réception de papier bleu de la part de l’avocat de la société ou de celui de son agence de gestion de crise, adhère totalement à la version de la direction de Spanghero.

Cette fois, ce ne devait pas être pour refourguer le tout ailleurs que Spanghero a réceptionné un tout petit paquet de 57 tonnes de viandes de moutons britanniques, susceptible de fournir des merguez au prion.

La dernière fois, sur les envois de viande de cheval de Draap Trading, filiale d’un groupe chypriote qui fait un peu dans tout (dont l’armement), les réceptionnaires de Spanghero n’avaient pu décrypter le code douanier de traçabilité indiquant qu’il s’agissait bien de minerai de cheval et non de bœuf.
Si ce n’est moi, c’est donc ma sœur, invoquait la direction, qui m’a dupé à l’insu de mon plein gré.
Cette fois, pour la viande de mouton, découpée en Grande-Bretagne et susceptible de contenir des bouts d’os et de la moelle, donc a priori suspecte d’être contaminée au prion (responsable de la maladie de la vache folle ou de la tremblante du mouton), il n’est pas dit si l’expédition fut directe ou avait transité par la Roumanie, Malte, Saint Marin, Andorre, le Luxembourg, ou on ne sait quel pays. Mais ce qui est sûr, selon la direction de Spanghero, c’est que « cette viande n’aurait jamais dû quitter la Grande-Bretagne ». Comment se retrouve-t-elle dans les locaux de Castelnaudary ?

C’est peut-être que l’expéditeur s’était trompé de timbres et aurait confondu Spanghero à Castelnaudary et une société homonyme domiciliée aux Galapagos, aux Malouines, ou on ne sait où, allez savoir…

Pour le distributeur britannique Tesco, qui va maintenant se fournir en bœuf, volaille et autres produits carnés « au plus proche » (on conseille Castel Viandes, de Châteaubriant, distant de moins de 500 km à vol de faisan), tout cela serait dû à la complexité de la chaîne alimentaire.

On ne saurait mieux dire, et Supply Chain Digest, un site spécialisé, mentionne divers exemples.
À l’automne dernier, au Bangladesh, 112 bouchers ont trouvé la mort dans un atelier en flammes. C’est par après qu’on s’est aperçu que la firme de l’est de la péninsule indienne fournissait de grands distributeurs occidentaux comme Sears ou Walmart (cette dernière ayant cessé de s’y approvisionner après avoir reçu, comme Flunch de Castel Viandes, des lots ne lui convenant pas).

Mais si les approvisionnements directs avaient cessé pour Walmart, les indirects, transitant chez des tiers, se poursuivaient. La viande ne finit pas d’ailleurs que dans les assiettes. Fin 2007, le laboratoire pharmaceutique Baxter se voit livrer de quoi confectionner de l’Heparine, un médicament censé dissoudre les caillots sanguins : l’intermédiaire était Scientific Protein Laboratories qui se fournissait auprès d’éleveurs de porcs chinois. Le bilan serait supérieur à 80 décès tracés (et sans doute davantage attribués à d’autres causes).

Distributeurs ou transformateurs (comme la Comigel) se fixent des niveaux de prix plus ou moins conformes aux évaluations du marché de gros pour une période donnée. Ensuite, ils cherchent un tiers mieux offrant qui se débrouille pour trouver une tambouille qui lui assure une marge convenable. Lequel mieux offrant cherche aussi à réaliser un bénéfice. Le tout dans des laps de temps limités car il ne faut pas arrêter les chaînes de transformation, d’emballage, &c.

Julien Dumond, de RTL, a révélé qu’un signalement de la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires avait alerte, en toute discrétion, le parquet de Carcassonne : des carcasses de mouton britannique avaient été décelées chez Spanghero à la suite de prélèvements remontant au 19 février dernier. Comme d’habitude, on nous l’assure, « il n’est pas question de mise en danger de la vie d’autrui ». 

Pour Barthélémy Aguerre, de Lur Berri, et tant d’autres sociétés, tout cela n’est « qu’une négligence, rien de grave » et Spanghero a été « une nouvelle fois trompé par son fournisseur ». Déjà, lors du scandale de la viande de cheval, Sauveur Urrutiaguer et Olivier Gémin, de Lur Berri, dénonçaient l’attitude de ministres qui auraient, selon eux, divulgué de fausses informations sur le prix des viandes achetées. Elles l’auraient été au prix du marché. Cette fois, ce doit être la même chose.

Même son de cloche chez Castel Viandes : il ne faut rien exagérer. Tout cela est la résultant d’un « emballement médiatique certainement en rapport avec le contexte actuel de la filière agroalimentaire ». Les fac-similés reproduits par Le Canard enchaîné ? Castel Viandes est victime en raison « de soi-disant faits qui dateraient de 2008 ». Jef Viol, époux de Véronique Viol-Lesveques, propriétaires et dirigeants de Castel Viandes, en avaient, comme l’un de leurs cadres « une boule au ventre ». Pas comme celle des clients de Flunch qui s’étaient plaints de troubles digestifs. Ouest-France rapportait complaisamment ces propos : « Jeff Viol n’a pu retenir ses larmes ». Bientôt du crocodile dans les lasagnes ?

Comme l’avait déclaré Benoît Hamon, « plus on fait des tests, moins on trouve de cheval, c’est encourageant ». Maintenant, c’est du mouton britannique, c’est encourageant. Notez que les inspections ne visent pas à remonter très loin, ce qui pourrait être fait en incitant des consommateurs ayant stocké des conserves à les apporter aux laboratoires. Le dirigeant de Farmbox, Dafydd Raw-Rees, a considéré qu’il avait servi de bouc émissaire.

Au Royaume-Uni, des suspects se sont retrouvés en gardes à vue puis derrière les barreaux. En France, ils accordent des entretiens après de conviviales réunions en préfectures. Au Pays de Galles, ce n’est que ce jour que Farmbox Meats Ltd, fermée depuis le 12 février, est de nouveau autorisée à reprendre partiellement, sous surveille, ses activités. On attendre le 5 avril pour décider d’un redémarrage complet.

Remarquez, effectivement, ce qui finit dans les préparations n’est pas forcément dangereux pour la santé. Le summum de la sécurité a d’ailleurs été atteint en Islande : un Taco Bell au bœuf analysé à Reykkavik, en provenance d’un supermarché, ne contenait aucune trace de viande de cheval, ni même de bœuf, d’âne, de chèvre ou de brebis, de poulet ou de dinde. Pas même une trace de raton laveur : « aucune DNA de mammifère », a constaté Kjartan Hreinsson, chargé de superviser les analyses. Les pâtés à la viande de Taco Bell ne devaient contenir que des substances végétales.
En voilà une idée qu’elle est bonne : faire du minerai de viande et de foin ! Voire uniquement de foin…

Notez que la viande de mouton est plus chère que celle d’équin. En Écosse, 129 tests ont été menés dans des restaurants indiens censés vendre du mouton sauce curry. 46 préparations ne contenaient pas une once de mouton (33) ou 13 comportaient un mélange mouton-bœuf. Cela ne date pas d’hier, mais d’avant-hier (fin 2012).

Pour le Farmers Journal (Irlande), et John Horgan du Kepak Group s’exprimant devant l’Agricultural Science Association, tout serait rentré dans l’ordre grâce à un Beef Quality Assurance Scheme entré en vigueur. Il remarquait que le prix des burgers congelés s’établissait à un tiers de moins que celui des frais. 

La crise est peut-être derrière nous, mais on relève que les associations de consommateurs ou commerçants français sont plus timides (voire timorées) que leurs homologues étrangères. En Grande-Bretagne, le Horsemeat Action Group se retourne contre les distributeurs et commerçants du fait que, dupés ou non, ils restent responsables des mauvais étiquetages : « il ne suffit pas d’exprimer des regrets ». Partie des fonds obtenus sera versée à une œuvre caritative chrétienne, le Trussell Trust.

À grands renforts de publicité, on va désormais nous garantir que les préparations carnées sont parfaitement saines, de haute qualité, &c. Les campagnes de communication coïncident avec la divulgation d’une étude européenne portant sur 500 000 personnes âgées de 35 à 70 ans dans une dizaine de pays. Soit des personnes ayant régulièrement consommé de fortes proportions de préparations carnées (au moins 160 grammes) et d’autres. Au bout de moins de 13 ans à ce régime, le risque de décès prématuré s’établit à 44 % (avec 72 % de risque accru de mort par arrêt cardiaque : un dixième de l’échantillon passant de vie à trépas ; et 11 % pour des cancers ou des problèmes respiratoires).

Pour Sabine Rohrmann, de l’université de Zurich présentant l’étude de l’European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition, publiée par BMC Medecine, « 3 % des décès prématurés chaque année pourraient être évités si les gens mangeaient moins de 20 grammes de préparations carnées quotidiennement » (il s’agit d’une moyenne).

Il y aurait là de quoi soulager les régimes et caisses de retraites mais les retraités les moins bien lotis sont ceux qui sont le plus enclins à s’alimenter à base de préparations « culinaires » carnées.

Effectivement, que le bœuf sur l’étiquette corresponde à du cheval ou du mouton est secondaire. Sauf s’il s’agit de mouton britannique dont l’os est raclé pour prélever le maximum de viande au risque de retrouver des éclats d’os et de la moelle. Le ministre à l’Agroalimentaire, Guillaume Garot, vient, « par mesure de précaution » fait rappeler les merguez et autres charcuteries concoctées par Spanghero et « tous les produits fabriqués à partir de cette viande ». Elle serait passée par divers intermédiaires britanniques et hollandais.

Bah, ce n’est pas trop grave pour le groupe Lur Berri. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Les édiles trouveront bien des prétextes diversifiés pour lui allouer des subventions diverses aux frais des contribuables avec la bénédiction des préfectures histoire de compenser : mais chaque chose en son temps.