J’habite le Gers, département célèbre pour la qualité de son air, son climat , ses ballons d’oxygène et la qualité de la vie, la « bonne-bouffe », puisque nombre d’étrangers viennent s’installer ici,  qu’ils soient français ou européens, et généralement plutôt  aisés. Si on nous envie d’habiter un département si vert, on oublie que le Gers, est une zone sinistrée économiquement. Une zone de développement rural, où nombre d’exploitations ferment chaque année, criblées de dettes. 

Ces agriculteurs, je les côtoie le week-end, au gré de promenades où le samedi au marché. Il n’y a pas de profil type ; qu’ils soient âgés et épuisés d’expériences, de batailles, ou plus jeunes, quadra et BTS en poche (la plupart sont Bac+2 ou 4), ils sont tous passionnants à écouter.  Ils aiment leur métier, la terre et le climat souvent ingrats, et les bêtes qu’ils nourrissent ; ils aiment la nature, du champignon à l’hirondelle, en passant par les vaches, le agneaux, les chevaux, les abeilles, qu’ils protègent et les sangliers, qui accompagnent leur soirées d’automne ; ils créent ces paysages si magiques, en retournant la terre d’un sillon parfait ; ils entretiennent aussi les bordures des routes vicinales, les haies qui permettent la biodiversité; ils entretiennent aussi nos forets, gratuitement parce qu’ils aiment la nature ; ce sont de vrais écologistes  qui se battent pour leur terre ; car ils bossent comme des fous, de 6 h à 23 heures l’été, samedi et dimanche compris, pour moins que le Smic ; et il  a tous ces plans, ces recommandations , ces changements de directives qui les plombent économiquement.  Une sécheresse, ou un surplus de lait, fruits, légumes ou céréales et leurs revenus fondent, déjà fragilisés par des investissements nécessaires (tracteurs d’occasion, achat de terrain, mise aux normes qui changent tous les 2 ans) . Ne parlons pas des aides hautement clamées par les gouvernements successifs mais inexistantes, elles n’atteignent que les grosses exploitations ; dans le Gers, on aime la qualité du produit, pas la quantité. Et si on leur accorde une aumône, la Commission les obligent de tout restituer illico-presto. 

Et puis, il y a les vautours, ces banques qui du jour au lendemain, leur suppriment les crédits quand ils en ont le plus besoin, parce qu’ils ne peuvent pas payer la MSA (Mutualité Sociale Agricole), les forçant à leur vendre une partie de leur terre hypothéquée à bas prix, terrain que ces banques revendront à des clients plus fortunés.  Alors, ils n’en peuvent plus ; cela fait des années qu’ils demandent au gouvernement de les aider face à la grande distribution qui les égorge ; on répond « libre concurrence ». De Paris, on ne voit pas la dépression qui s’installe , les suicides et tentatives (1999, année noire !) , les mouvements de protestation puis de révolte ;  isolés, sans espoir, sans savoir ce qu’ils pourront transmettre aux générations futures, des enfants angoissés à la dérive, accumulant échecs scolaires parce qu’ils voient leurs parents en détresse et savent qu’ils ne seront pas paysans. Certains boivent pour tenir le coup et deviennent victimes de leur outil de travail.

On a beaucoup parlé de la vague de suicides de 15000 paysans en Inde causée par Monsanto et les OGM, rien sur ce qui s’est passé ou se passe en France si proche.

 Et, début février dans le Financial Times, on peut lire une réflexion de la commissaire européenne à l’Agriculture la Danoise Mariann Fischer Boel: "‘il va y avoir une augmentation du nombre d’agriculteurs à mi-temps".

Ceux-ci "vivront à la campagne" mais devront trouver un "travail d’appoint", , faisant allusion à la baisse drastique des subventions agricoles dont la négociation est prévue à l’horizon 2013. C’est vrai que Madame la Commissaire peut imaginer ce que vont faire les paysans du haut de ses 25 000 euros mensuels, 50 fois le revenu de certains paysans gascons qui eux, n’ont même pas droit au RMI. Les syndicats agricoles se sont indignés des propos de Bruxelles, Catherine Colonna, les a pour sa part qualifiés de "maladroits" ! Travail d’appoint, à mis temps dans le Gers, un département où il n’ y a pas d’emploi , où une voisine, femme d’agriculteur, quinquagénaire, a trimé pour  trouver quelques heures de ménage à 10 km de chez elle pour pallier au manque à gagner.  Je travaille moi-même à 100 km de ma résidence et nous sommes de nombreux Gersois, à travailler à Toulouse sans avoir d’autre choix (merci taxe carbone).  Ils sont à bout, perclus de maladies dues au stress ; pour certains , la production apicole a été divisée par 4 ou 5 ; d’autres ont eu une production de tournesol rachitique ; on vous a parlé du lait récemment ; des images à pleurer ; à 30 km de chez moi, Danone engrange des profits en mettant de jeunes agriculteurs sur la paille. Heureusement, depuis 1999 , les paysans commencent  à s’organiser en dehors de la FNSEA, entre confédération paysanne et autres organisations indépendantes. 

Et puisque l’on n’arrive à rien si les médias ne parlent pas de vous, ils convoquent les médias et déversent le fruit de leur travail dans le néant ; et nous voilà choqués quand tant d’enfants manquent de tout.  Avant d’en arriver là, sachez cependant, qu’ils sont les premiers contributeurs des dons alimentaires, préférant donner que brader ; mais les médias n’en parlent pas ! Que pouvons nous faire : lire, avant de juger, entre autre,  http://arsfp.blogspot.com  Et surtout, nous pouvons nous engager en tant que citoyens solidaires, en privilégiant le système des AMAP  – Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne – face aux réseaux de grande distribution. Destinées à favoriser l’agriculture paysanne et biologique face à l’agro-industrie, Elles créent un lien direct entre paysans et consommateurs, qui s’engagent à acheter la production de celui-ci à un prix équitable et en payant par avance.

 C’est un petit pas face à l’étendue du problème, mais un véritable engagement de citoyen ; vous aiderez une ferme à suivre dignement; les bénévoles qui tiennent l’AMAP locale sont formidables ; vous trouverez sûrement une ou plusieurs AMAP dans votre département .

 Voici un lien qui vous engagera dans une écologie et une économie responsables : http://www.reseau-amap.org/