Pourquoi seul un retour intelligent à une monnaie nationale peut permettre aux états européens de sortir du massacre économique ?

 

Selon Jacques SAPIR, économiste français et directeur d’études à l’EHESS, "la sortie de l’Euro est inévitable". Son nouvel ouvrage, au titre on ne peut plus clair : "Faut-il sortir de l’euro ?" détaille de près cet état de fait.

 

Pour lui, le véritable tabou qui existe autour de la monnaie unique en France s’explique d’abord par son côté symbolique qui se rattache au mythe des "États-Unis d’Europe" : pour une large partie de la classe politique, l’euro est un totem qu’il faut défendre coûte que coûte, pour éviter d’avoir à reconnaître que le projet politique qu’elle a défendu était une utopie dont l’échec est désormais patent.

 

Maintenir artificiellement l’euro en vie serait donc selon lui un choix déraisonnable : conserver à tout prix la monnaie unique ne pourrait se faire qu’au prix d’une baisse considérable du niveau de vie de l’ensemble des populations à l’intérieur de la zone. Cet acharnement thérapeutique aurait sur le long terme un coût bien trop élevé pour être sérieusement considéré comme une solution acceptable.  

 

 

 

 

Au-delà de J. Sapir, Kenneth Rogoff, éminent journaliste des Echos, a publié hier un article titré "L’Euro ne peut pas tenir en l’absence d’un centre".

 

Dans cet article, cet économiste chevronné indique sans détour et de façon lucide que la poursuite de l’EURO est impossible autant qu’"une union monétaire ne peut survivre sans légitimité politique".

En clair, il nous dit que sans une véritable cohésion politique européenne fédérale, l’euro est voué à un échec déjà programmé.

 

Pour le citer : "Les décideurs politiques européens d’aujourd’hui se plaignent souvent du fait que, sans la crise financière US, la zone euro se porterait bien. Peut-être ont-ils raison. Mais n’importe quel système financier doit être capable de faire face aux chocs, y compris les chocs importants. "

Cela va sans dire… Une monnaie quelqu’elle soit doit être capable de résister aux crises économiques et cela n’est possible que dans un cadre de fédéralisme politique européen cohérent. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui en Europe et ne le sera sans doute jamais. Car telle est la spécificité même du continent européen, tant spécifique et différent des autres de par la richesse de ses nations souveraines.

 

Rogoff de poursuivre : "L’Europe, bien entendu, ne dispose pas d’une autorité fiscale centralisée, de sorte que ce stabilisateur automatique extrêmement important est largement absent. Certains académiques européens ont essayé d’avancer l’argument selon lequel il n’est pas nécessaire d’avoir des transferts fiscaux similaires aux USA, parce que n’importe quel degré de partage de risque désiré peut en théorie être obtenu grâce aux marchés financiers. Cet argument est largement erroné. Les marchés financiers peuvent être fragiles et ils ne fournissent que peu de possibilités de partager le risque sur le revenu du travail, qui constitue la plus grande part des revenus dans toute économie avancée. "

Il serait déraisonnable voire dangereux de croire – car c’est une utopie – que l’union politique soit possible ou réalisable en Europe,  les pays nationaux européens étant historiquement très fortement enracinés dans leur histoire, leurs spécificités et leurs singularités nationales à tous égards.

L’évolution de chacun de ces pays diffère considérablement d’une nation à l’autre. La singulière spécificité des économies nationales ne peut permettre d’envisager raisonnablement la mise en place d’un fédéralisme européen efficace car il obligerait à niveler sur un seul et même niveau toutes ces nations spécifiques tant dans leur mode de fonctionnement propre que dans leurs intérêts : le niveau de l’EURO qui correspond en réalité au niveau exclusif de l’économie allemande, obligeant à des sacrifices considérables toutes les nations plus faibles.

Contre toute attente, le modèle utopique de la monnaie unique ne permettrait donc pas l’évolution harmonieuse des nations européennes, comme cela l’était espéré, mais tout au contraire, ferait courir le risque d’un appauvrissement massif des peuples écrasés sous le poids d’un Euro allemand beaucoup trop fort qui étouffe dans l’oeuf le développement individuel de ces nations externalisées à Bruxelles ou Berlin.

 

Les prêches des grands marabouts mitterrandiens de l’époque maastrichienne étaient donc fausses. L’Euro n’est pas un soulagement pour les pays de la zone Euro, mais un boulet terrible qui freine l’évolution spécifique de chacune de ces nations trop différentes pour être amalgammées dans une seul et même économie. Un enfant pourrait comprendre cela. Un élève de CM2 ne peut pas suivre le rythme scolaire de son camarade de Terminale.   C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui dans la plupart des pays européens pour imager le décalage, et c’en n’est malheureusement que le début.

 

Les partisans de la monnaie unique se complaisent à annoncer l’apocalypse en cas de dissolution de la zone euro. Comme le notait Laurent Pinsolle, les exagérations de certaines prédictions témoignent surtout du fait qu’il s’agit là de leur dernière ligne de défense. Il est néanmoins intéressant de noter que si l’argument du coût d’une sortie de l’euro est souvent avancé, jamais n’est abordée la question qui devrait être abordée en parallèle : que nous coûterait le maintien d’une zone aussi mal pensée et déséquilibrée ?

 

Par conséquent, il faut dire ici ce que tous les économistes pensent tout bas sans oser encore le dire trop fort pour des raisons évidentes de (re)déstabilisation des marchés : le fédéralisme européen est improbable car irréalisable compte-tenu de la structure-même de l’Europe, configurée en autant de pays que de civilisations fortes chacunes. Chacun de ces pays est chargé d’une identité propre extrêmement forte et INALIENABLE, contrairement aux Etats-Unis d’Amérique qui n’ont absolument pas ni la même histoire ni la même construction continentale puisque le fédéralisme EST leur propre histoire spécifique à eux et leur base-même de développement.

 

Ainsi, contrairement aux USA, on se rend compte aujourd’hui que les pays européens ne sont pas compatibles les uns avec les autres au sein d’une seule et même entité politique, économique et budgétaire car ils sont beaucoup trop disparates à tous plans. Aucun pays européen ne se risquerait aujourd’hui à aller vers un fédéralisme total, en prenant le risque d’abandonner du même coup tous les repères historiques constitutifs des nations et des identités.

 

En cela, on commence à comprendre la spécificité européenne rendant impossible toute idée de fédéralisme total. Cela est un état de fait. La condition première ET INALIENABLE des pays européens est de se reconnaître pleinement en tant que Nations souveraines. Pour citer Jacques SAPIR : "Il ne sert à rien de rêver d’une Europe fédérale si les peuples ne partagent pas ce rêve. Croire que, par une succession de crises, l’on aboutirait à construire l’image d’une inéluctabilité du fédéralisme était un pari très dangereux. C’est en partie celui dans lequel nous sommes engagés aujourd’hui et qui risque fort de ne pas se dénouer comme ses promoteurs l’avaient prévu."

 

C’est une réalité que les économistes  prennent aujourd’hui très sérieusement en compte pour analyser la situation actuelle de manière la plus objective possible. "L’Europe ne respectera peut-être jamais aucun critère de zone monétaire « optimale ». Pourtant, sans davantage d’intégration économique et politique profonde – qui pourrait ne pas inclure tous les membres actuels de la zone euro au final – l’euro pourrait ne pas passer le cap même de cette décennie." Kenneth Rogoff, le 4 avril 2012. – Les Echos.

 

Bien entendu les monnaies sont tributaires des marchés internationaux et il est fort possible que le retour au FRANC entraine une dévaluation à court terme. Mais après cette période transitoire et d’ajustement, l’équilibre s’effectuera car cette dévaluation sera plus d’ordre technique et conjoncturelle que structurelle. En effet la valeur de la monnaie est évaluée au regard de nombreuses données comme la puissance du pays, son PIB, le solde de sa balance commerciale, son endettement, etc.

 

Par ailleurs, au-delà de cette simple opération "technique" de retour au FRANC, c’est surtout la liberté qui sera récupérée. Battre monnaie demeure dans l’Histoire l’un des emblème de la liberté et de la souveraineté. Par un retour au FRANC, le peuple français aura les moyens de SA politique économique et financière.

Bruxelles nous oriente aujourd’hui vers un schéma inverse. En profitant de la crise économique, il invite tous les pays membres de l’Union européenne à "Plus d’Europe", et propose une Union économique renforcée avec le contrôle des budgets nationaux… Un moyen supplémentaire de ligoter et d’asservir un peu plus les peuples européens.

En d’autres termes, il paraît plus judicieux et "profitable" à moyen et long terme de revenir le plus rapidement au FRANC que d’attendre en s’enfonçant toujours un peu plus chaque jour, car une chose est sûre, c’est que le maintien de l’euro ne nous permettra JAMAIS d’améliorer la situation économique, sociale et industrielle de la France.

Enfin l’euro périra tôt ou tard comme toutes les monnaies plurinationales ont péri : real espagnol, couronne austro-hongroise, rouble soviétique, etc. Nous ne sommes pas les seuls à préférer notre monnaie nationale d’ailleurs. Le point de vue des allemands est très révélateur à ce sujet. Sachez qu’ils ont aussi dans l’idée de quitter la zone euro. 

 

 

L’enjeu du 22 avril prochain consiste donc à savoir être lucide sur cette situation grave pour la France et prendre ses responsabilités devant l’urne pour permettre de mettre en place une politique française de désengagement de la zone Euro. Cela est fondamental à comprendre, sinon pour soi tout au moins pour les générations futures dont on ne peut décemment plus continuer à hypothéquer l’avenir et les sacrifier allègrement au nom d’une démagogie cynique particulièrement forte à gauche (version Mélenchon).

 

Soit nous décidons de sortir intelligemment de la zone euro en en prenant nous-mêmes la raisonnable initiative (= qui sera d’ailleurs immédiatement suivie en mode dominos par toutes les autres nations européennes n’attendant que le premier pas de l’autre pour entrer à leur tour dans la danse du démantèlement monétaire européen), soit nous préférons attendre jusqu’à ce que la ficelle casse en subissant de plein fouet les répercussions dramatiques et les dégâts colossaux que ce choc frontal nous amènera à essuyer .

 

L’heure n’est plus aujourd’hui à contredire un état de fait (qui n’est pas une hypothèse, mais bien la réalité du futur européen). Il s’agit maintenant de choisir entre : Agir ou Subir la sortie inévitable de la zone Euro. C’est LE SEUL ET UNIQUE enjeu des présidentielles 2012.

 

Trois candidats, certainement plus "francs" et plus honnêtes que d’autres, ont signalé cette situation incontestable par n’importe quel économiste sérieux :

1/ Soit nous acceptons d’aller encore dans l’Euro jusqu’au fédéralisme européen puisque c’est la seule solution pour à priori viabiliser à terme cette monnaie artificielle, mais en abandonnant toute la spécificité et toute la souveraineté des Nations;

 

2/ soit nous choisissons de nous retirer du jeu dès maintenant en prenant les devants et en dirigeant nous-mêmes cette sortie par un amorçage contrôlé et calculé, garantissant une sécurité pour tous, tout en redéfinissant les termes de la Communauté Européenne sur les plans militaires et de préférences commerciales uniquement. Redotées de leurs propres banques nationales, chaque pays pourra se sentir à nouveau libre d’évoluer à son rythme en respectant pleinement toute sa spécificité reconnue, admise et valorisée par ses voisins indépendants de lui économiquement. Mais n’est-ce d’ailleurs pas la définition même du Libéralisme sain?…

 

Mais les oreilles encore bien chastes (pour ne pas dire naïves…) de l’opinion française ne veulent toujours pas entendre cette urgence -pourtant majeure et cruciale – préférant foncer tête bêche dans le mur, avec Mélenchon en tête de peloton…