Condamné en décembre dernier, à un an de prison pour « outrage à fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions« , « atteinte aux bonnes moeurs » et « refus de présenter ses papiers d’identité » suite à un contrôle de police, le journaliste tunisien Slim Boukhdir a recouvré sa liberté le 21 juillet dernier. Dans un entretien exclusif accordé à APN, quelques semaines après sa sortie de la prison de Sfax, ce militant de la liberté d’expression réaffirme son devoir de dévoiler la réalité telle qu’elle est.
Slim Boukhdir, 39 ans, est le correspondant du journal panarabe basé à Londres Al Quds Al Arabi et du site Internet de la chaîne de télévision satellitaire Al-Arabiya. Il publie également des articles sur plusieurs sites dont Tunisnews et Kantara.
APN : En accomplissant votre métier, aviez-vous conscience que vos écrits pourraient vous mener en prison ?
Slim Boukhdir : Ces dernières années, je devinais clairement la volonté du régime tunisien de me jeter dans ses geôles. Nombre de mes amis actifs dans la lutte pour les droits de l’homme redoutaient mon arrestation. Pendant des années, le régime de Ben Ali a usé de tous les moyens d’oppression, de répression et de persécution dont il dispose à mon égard afin de me dissuader d’écrire en faisant fi de ses directives. Mon arrestation n’a été que le dernier épisode d’un long feuilleton de persécution et de harcèlement. Effectivement, manier une plume libre mène à la case prison dans un pays gouverné par un dictateur. Des articles dévoilant des affaires de corruption impliquant le régime ou relayant une opinion divergente ou dénonçant les violations des droits de l’homme relèvent du tabou aux yeux de l’establishment tunisien qui face aux plumes libres n’a qu’une réponse invariable: répression et incarcération … Si je ne suis pas le premier journaliste à subir ce sort mon espoir est d’être le dernier.
Les mois passés en détention auront-ils un impact sur la manière dont vous percevez votre métier ?
Je ne suis nullement disposé à renoncer ni à ma liberté de ton ni à mon impartialité. Ma conscience ne serait pas tranquille si je m’éloignais de la déontologie ou si je taisais la vérité. J’étais, je suis et je serai prêt à payer le prix pour m’exprimer librement. La déontologie exige que j’écrive en toute objectivité et impartialité et je ne monnaierai la vérité sous aucun prétexte. Il n’y a aucune obligation à exercer le métier de journaliste mais celui qui le choisit doit s’obliger à en respecter l’éthique et de dévoiler la vérité sans détour ni partialité à l’opinion publique aussi lourd soit le tribut.
Comment allez-vous après des mois d’incarcération dans des conditions dégradantes ?
Apres huit mois d’emprisonnement dans des conditions pour le moins déplorables, je suis physiquement anéanti. Je souffre d’une gêne respiratoire et de baisses de tension subites mais aussi d’autres complications. Malgré ces problèmes de santé, dont j’ai la certitude de pouvoir triompher, et les souffrances endurées lors de mon placement en isolement cellulaire, le régime n’a pas réussi à avoir raison ne serait-ce que d’une part infime de ma détermination à continuer à lutter pour une presse et des citoyens libres dans mon pays… S’il le faut, je sacrifierai mon corps pour cette liberté.
Comment voyez-vous l’évolution de la liberté d’expression en Tunisie ?
La liberté d’expression n’existe tout simplement pas en Tunisie pour qu’il soit possible de présumer de son évolution. Toutes les sources d’opinion divergentes sont muselées du fait de l’arsenal oppressif mis en place. Tous les sites internet ayant une ligne autre que celle du gouvernement sont bloqués. La presse d’opinion est quasi confisquée. Le ministère de l’Intérieur garde la main haute sur les autorisations de publier tout nouveau titre et n’autorise que les journaux qui glorifient le régime. Les chaînes de radio et de télévision publiques ne font guère écho d’opinions divergentes. Les journalistes indépendants sont marginalisés, exclus et financièrement étouffés.
Lorsque le régime ne les force pas à un exil « volontaire » à l’étranger, il les jette dans ses geôles. La liste des sujets tabous s’allonge de jour en jour pour inclure le football et autres problématiques éloignées du champ politique ou économique. Ainsi il est interdit d’écrire sur des questions relevant de l’environnement. Tout comme il est défendu d’évoquer le nombre des victimes d’une catastrophe naturelle comme les inondations et autres. Il est absolument prohibé d’évoquer la liberté d’expression dans un pays qui confisque toutes les libertés publiques et qui ne parle à ses journalistes, ses intellectuels et son élite que la langue de la répression policière. Malgré les entraves, nous poursuivons notre combat pour une presse tunisienne libre et indépendante et pour garantir la liberté d’expression à tout citoyen tout comme le stipule la constitution du pays.
Arab Press Network – mardi 19 août 2008
Condamné en décembre dernier, à un an de prison pour « outrage à fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions« , « atteinte aux bonnes moeurs » et « refus de présenter ses papiers d’identité » suite à un contrôle de police, le journaliste tunisien Slim Boukhdir a recouvré sa liberté le 21 juillet dernier. Dans un entretien exclusif accordé à APN, quelques semaines après sa sortie de la prison de Sfax, ce militant de la liberté d’expression réaffirme son devoir de dévoiler la réalité telle qu’elle est.
Slim Boukhdir, 39 ans, est le correspondant du journal panarabe basé à Londres Al Quds Al Arabi et du site Internet de la chaîne de télévision satellitaire Al-Arabiya. Il publie également des articles sur plusieurs sites dont Tunisnews et Kantara.
APN : En accomplissant votre métier, aviez-vous conscience que vos écrits pourraient vous mener en prison ?
Slim Boukhdir : Ces dernières années, je devinais clairement la volonté du régime tunisien de me jeter dans ses geôles. Nombre de mes amis actifs dans la lutte pour les droits de l’homme redoutaient mon arrestation. Pendant des années, le régime de Ben Ali a usé de tous les moyens d’oppression, de répression et de persécution dont il dispose à mon égard afin de me dissuader d’écrire en faisant fi de ses directives. Mon arrestation n’a été que le dernier épisode d’un long feuilleton de persécution et de harcèlement. Effectivement, manier une plume libre mène à la case prison dans un pays gouverné par un dictateur. Des articles dévoilant des affaires de corruption impliquant le régime ou relayant une opinion divergente ou dénonçant les violations des droits de l’homme relèvent du tabou aux yeux de l’establishment tunisien qui face aux plumes libres n’a qu’une réponse invariable: répression et incarcération … Si je ne suis pas le premier journaliste à subir ce sort mon espoir est d’être le dernier.
Les mois passés en détention auront-ils un impact sur la manière dont vous percevez votre métier ?
Je ne suis nullement disposé à renoncer ni à ma liberté de ton ni à mon impartialité. Ma conscience ne serait pas tranquille si je m’éloignais de la déontologie ou si je taisais la vérité. J’étais, je suis et je serai prêt à payer le prix pour m’exprimer librement. La déontologie exige que j’écrive en toute objectivité et impartialité et je ne monnaierai la vérité sous aucun prétexte. Il n’y a aucune obligation à exercer le métier de journaliste mais celui qui le choisit doit s’obliger à en respecter l’éthique et de dévoiler la vérité sans détour ni partialité à l’opinion publique aussi lourd soit le tribut.
Comment allez-vous après des mois d’incarcération dans des conditions dégradantes ?
Apres huit mois d’emprisonnement dans des conditions pour le moins déplorables, je suis physiquement anéanti. Je souffre d’une gêne respiratoire et de baisses de tension subites mais aussi d’autres complications. Malgré ces problèmes de santé, dont j’ai la certitude de pouvoir triompher, et les souffrances endurées lors de mon placement en isolement cellulaire, le régime n’a pas réussi à avoir raison ne serait-ce que d’une part infime de ma détermination à continuer à lutter pour une presse et des citoyens libres dans mon pays… S’il le faut, je sacrifierai mon corps pour cette liberté.
Comment voyez-vous l’évolution de la liberté d’expression en Tunisie ?
La liberté d’expression n’existe tout simplement pas en Tunisie pour qu’il soit possible de présumer de son évolution. Toutes les sources d’opinion divergentes sont muselées du fait de l’arsenal oppressif mis en place. Tous les sites internet ayant une ligne autre que celle du gouvernement sont bloqués. La presse d’opinion est quasi confisquée. Le ministère de l’Intérieur garde la main haute sur les autorisations de publier tout nouveau titre et n’autorise que les journaux qui glorifient le régime. Les chaînes de radio et de télévision publiques ne font guère écho d’opinions divergentes. Les journalistes indépendants sont marginalisés, exclus et financièrement étouffés.
Lorsque le régime ne les force pas à un exil « volontaire » à l’étranger, il les jette dans ses geôles. La liste des sujets tabous s’allonge de jour en jour pour inclure le football et autres problématiques éloignées du champ politique ou économique. Ainsi il est interdit d’écrire sur des questions relevant de l’environnement. Tout comme il est défendu d’évoquer le nombre des victimes d’une catastrophe naturelle comme les inondations et autres. Il est absolument prohibé d’évoquer la liberté d’expression dans un pays qui confisque toutes les libertés publiques et qui ne parle à ses journalistes, ses intellectuels et son élite que la langue de la répression policière. Malgré les entraves, nous poursuivons notre combat pour une presse tunisienne libre et indépendante et pour garantir la liberté d’expression à tout citoyen tout comme le stipule la constitution du pays.
Arab Press Network – mardi 19 août 2008
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