Lors d’entretiens avec François Hollande, le journaliste-politologue Éric Dupin, qui publie son La Victoire empoisonnée (Seuil), l’actuel président estimait que sa victoire « est sans attente immense » et qu’elle instaure « une espèce de respiration tant l’ancien président a créé de tensions. » D’autres subsistent et Siné Mensuel barre sa couv’ de présumés coriaces électrices et partisans du Front de Gauche (ou consorts) et d’une légende explicite : « le changement, c’est tout de suite… ». Facile à exiger, ardu à désaltérer. Cette « respiration » insufflée par un retour à la « normalité » est problématique pour la presse, surtout d’opinion ou satirique.
Jusqu’au second tour des législatives, le Sarko bashing et les volées de bois verts guignolesques assenées sur l’UMP ne vont pas faire défaut.
Des chiffres vont sortir, les policiers mécontents du quinquennat écoulé vont en distiller de saumâtres, et les juges cantonnés aux enquêtes impossibles à mener donneront de la voix.
On ne manquera pas de détail fort cracra. Mais après ?
Nicolas Sarkozy avait au moins cet avantage : soutenir les ventes de la presse d’opinion en général, laquelle lui avait accordé un assez long état de grâce et servi la soupe, avant, à l’exception du Figaro (et même parfois…), ne presque plus rien lui passer. Pour la presse d’opposition et satirique en particulier, le ludion était pain béni pour la vente et beurrer les recettes.
Sarkozy, pour camoufler ses impairs, ses outrances, avait fait donner de l’aboie contre les médias et même la mesurée Ruth Elkrief (de BFM TV) se fit copieusement insulter…
La militance sarkozyste attisée par un candidat encore plus hargneux que Jean-Marie Le Pen à son « meilleur » (ou pire) fut lâchée.
Là, avec une présidence « lisse », passées les inévitables gaffes ministérielles et déclarations maladroites de nouveaux (ou anciens) députés de la future majorité, sur quoi se rabattre pour soutenir la diffusion ? Sur les promesses non tenues, et il y en aura forcément, dont nombre dictées par les circonstances ? Voui, mais, d’avance, bof !
Valérie et Thomas ?
Le Canard enchaîné a sans doute délivré en beauté son avant-dernier « Journal de Carla B » (pcc Frédéric Pagès, cocréateur du fictif philosophe Botul), en parodiant la célèbre tirade de Don Diègue dans Le Cid. D’autres rages, d’autres désespoirs, d’autres résignations sans doute aussi subsistent. Mais si l’ex-Première dame ou le dauphin Jean pouvaient susciter une cinglante ironie, on ne voit pas trop l’actuelle ou Thomas Hollande-Royal défrayer à tels sommets les chroniques. Il en était de même avec « l’austère qui se marre » (Jospin), prêtant peu le flanc à l’ire assassine ou à d’acerbes et furibardes railleries.
Siné, dans sa « zone » (voir le site) relève à fort juste titre que les abstentions et les votes blancs ramènent à 41,3 % le résultat de François Hollande (et à 38,7 % l’adhésion ou le vote par défaut pour le sortant). Le « pied au cul » qu’allait prendre « l’affreux petit gnome à talonnettes » n’a pas été aussi puissant qu’espéré et, hélas – si on ose –, sa capacité de nuisance sera cantonnée à reprendre ses menées financières via des montages capitalistiques ou de contournements fiscaux. Ne vous attendez pas à revoir l’autre traîner sa robe en salles de pas perdus avant de défendre la présomption d’innocence du policier lambda. Le mépris que certains manifestaient eu égard à sa déconsidération sera rendu à tout l’électorat : tchao France qui souffre, je me gave.
On pourra certes se replier sur l’UMP dont le slogan est à présent « Choisissons la France ». Laquelle donc ? La sienne ? Contre quelle autre et quel « parti de l’étranger » (et lequel ? L’Allemagne ? La Corée du Nord ? Cuba même ne fait plus trop frémir…).
Côté Françafrique, Jean-Pierre Cot, ex-secrétaire d’État trop intègre (pour moins d’un an, car démissionnaire), à présent juge au TIDM (trib. intl. du droit de la mer) aura-t-il un successeur digne de lui ? On verra… Retrouvera-t-on à l’Intérieur un ministre de la stature d’un Joxe ? Allez savoir…
Quel sommaire ?
Le sommaire du Siné mensuel nº 10 sera sans doute plus difficile à concevoir que celui de l’actuel, depuis hier en kiosques. J’étais trop occupé mercredi et ce jour trop pris au logis pour l’acquérir. Et puis, le jeu est pour moi de tenter de prolonger ce qu’il m’en est communiqué (de manière laconique, elliptique) et je n’ai guère envie d’y déroger.
Quel est donc ce collectif Luce Faber qui, après avoir fourni matière à Mediapart (allez voir), se rappelle à l’attention dans ce SM nº 9 ? Les auteurs D’est-ce ainsi que les hommes vivent ? Cahier de doléances contemporain (éds Excès-Les Prairies ordinaires) ? Je tenterai sans doute d’en savoir davantage lors du Salon du livre indépendant et libertaire, ce dimanche, à l’Espace Blancs-Mateaux (Paris 4e ar.) où je passerai saluer Alain (Georges) Leduc, les ami·e·s de La Musardine et bien d’autres. Mais point, avant jamais, espérons, de « Chialer de condoléances » sur une droite gouvernementale prévaricatrice laissant des finances exsangues.
Denis Robert ne m’a pas communiqué à l’avance sa « Lettre ouverte à François H. » mais je me doute du contenu : si ce « Cher François » veut vraiment lutter contre la finance et la banksterassurance, Denis doit fournir quelques pistes longuement par lui balisées. L’éclairage d’Ian Hamel sur l’ancien avocat suisse des Bettencourt dresse aussi quelques panneaux indicateurs. Attendez-vous à savoir la teneur des complaisances empressées de la Sarkozye du Woerthgate à l’égard quasi-obséquieux des plus nantis.
Le Grolandais Benoît Delépine y va aussi de son adresse batave, sans enthousiasme excessif (litote).
Retour sur la contestation non-islamique radicale de la jeunesse tunisienne. C’est surtout en dessins, et pour en voir d’autres, c’est assez simple (Google : caricature+Tunisie : pour voir aussi que deux jeunes gens ont pris sept ans pour avoir représenté Mahomet nu sur Facebook).
C’est Véronique Brocard qui est allée jouer sa cougar investigatrice à Tunis. Poursuivez et visitez les sites de La Lettre du Sud, de Tunisie Numérique, et du caricaturiste Z (debatunisie.com).
Lindingre, qui connaît de l’intérieur les écoles d’art, explique comment, grâce à divers arrangements (financiers aussi), elles étouffent la veine contestatrice. L’art dit contemporain vatenavengardiste est bien utile pour faire de l’ordre avec du prétendu désordre.
Lindingre aurait pu en causer avec son collègue Alain (Georges) Leduc qui enseigne l’art en sa compagnie à Metz et ailleurs…
Autre chose : combien le FN va-t-il récolter de voix aux législatives ? 20 % ? Hollande, 41,3 % et 18 millions de voix : fâché avec l’arithmétique, je vous laisse faire le calcul (en gros, le Front national engrangerait alors un peu moins de sept millions de voix). Donc, 7 millions multipliés par 1,60 euros, ce qu’allouerait la nation au FN, cela fait quoi ? Une fort belle cagnotte. Estimée par le mensuel à déjà plus de 52 millions d’euros en fonction du résultat des présidentielles… Ben si, c’est nous « qui paye » les partis… sans compter les autres qui financent leurs officines.
Mazurier estime que Sarkozy Ier succède à Louis XVI, Charles X, Louis-Philippe et Valéry G. d’Estaing, soit le « club très fermés des monarques chassés par le peuple. ». Cela se discute, car si de Gaulle avait tiré sa révérence, il fut quand même éjecté.
Isabelle Alonso revisite les chansons résistantes ; je ne sais si El Puente de los Franceses (ou Los cuatro generales) et El Ejército del Ebro figurent dans sa recension, mais je vous les recommande (si quelqu’un a encore l’air et les paroles des Enragés du Au 31, rue Gay-Lussac, je suis preneur…).
Siné rend aussi hommage au tampographe Sardon. Il exposait ses tampons ludiques, assemblés en tableaux, à la galerie Nabokov récemment. Il anime un blogue-notes, allez voir. Cherchez aussi le livre homonyme, paru le 16 mars.
Digression
Pour le sommaire du nº 10, j’aurais bien proposé un entretien avec l’ami (copinage instantané récent) Andreï Kourkov, immense auteur russophone ukrainien. Il était hier mercredi soir à la Librairie 189 (fg St-Antoine) et nous étions à peine une douzaine à l’entendre longuement. Honte ! Honte ! Son Ami du défunt a fait se bidonner Liana Levi (son éditrice française, aussi pour le tout dernier, Le Jardinier d’Otchakov, à recommander à Martine Laval, de SM), qui se lit d’une traite, et son Pingouin (lui aussi déjà en format poche) est hilarant. Mais comme je ne fais plus de piges qui ne me soient commandées à l’avance, basta.
Une anecdote : l’actuel président ukrainien vit dans la plus parfaite isolation dans un ex-parc naturel privatisé – à son profit par une mystérieuse fondation étrangère – et il vient de toucher un formidable chèque d’à valoir de la part, non de son éditeur, mais d’une imprimerie quasiment inconnue. « Comme il ne parle ni n’écrit sans accumuler des impairs et inappropriations (sic),des fautes de langage, je me demande qui est son nègre, » résume Andreï Kourkov.
Ce qui me rappelle une anecdote d’amies russes écoutant Gorbatchev à la télé, soudain pliées de rire… « il ne parle même pas russe, » m’expliqua Tatiana O. S. entre deux hoquets (je la replace de temps en temps ici, c’est l’âge, je radote ; mais elle m’enchante). Bref, cela m’étonnerait que Siné Mensuel m’offre le voyage et les frais à Kiev ou Lviv ou Odessa (pour les traductrices, mes potesses, je m’en charge…), mais c’est une suggestion… le turpide pouvoir ukrainien est désopilant (mode sarcasme grinçant).
Autre instigation (y compris pour la communauté Come4news) : le devenir des petits libraires, sujet rebattu, certes. Saviez-vous que des éditeurs solderaient chez Mona Lisait (boîte à bouquins qui m’a privé de « mon » enseigne, L’Équipement de la pensée, lost in repainting lors de la translation) alors qu’ils con(des)cèdent encore prix libraire ordinaire aux voisins ? Non, ce n’est pas un tuyau « conso ». On me l’a juste glissé à l’abasourdie oreille qui en bourdonne encore.
Je n’ai pourtant rien contre le ni bouck ni papier à l’encre d’Internet, qui offre des perspectives aux auteurs, mais où irais-je donc draguer la sémillante littéraire à présent ?
Rayon livres chez Auchan, devant le bac chez Lidl ? Virtuellement ?
La lumineuse Albane (elle faisait dédicacer Le Jardinier… pour Thomas, son « amoureux » auquel j’adresse tous mes compliments) devra-t-elle adresser un courriel pour recevoir en retour une signature sur PDF ? Oujas ! (horreur).
Franchement, vous vous voyez lire Siné Mensuel sur tablette dans le métro ? Bon, d’ac’, un Mahomet à loilpé est ainsi plus aisé à dissimuler, tout comme la sulfureuse teneur de Vanina Hesse que je vous chronique bientôt. Mais finis – ou si malaisés – les prétextes à engager une conversation dans un train ou sur un banc public. Déjà que les belles sont casquées, claquemurées, de mp3… Ô rage, ô désespoir, octets ennemis… Pleurs sur ma feue prématurée librairie ?
Tout juste un truc (parce que, depuis, j’ai acheté [i]Siné Mensuel[/i]), avec deux extraits de la page de Lindingre (que je salue amicalement au passage) sur les écoles d’art (article « Aux arts, citoyens ! », qui fera date).
« [i]Dans cette école comme dans d’autres, la mode est plus que jamais à se palucher le citron sur des concepts fumeux plutôt qu’à débattre des vrais problèmes. Ce qu’on demande aux élèves à présent, c’est de se prosterner devant des escrocs comme Beuys. Par contre, Francis Bacon, Lucian Freud, David Hockney, parce qu’ils savent peindre, sont bannis.[/i] ».
« [i]Si un Reiser se présentait aujourd’hui au concours d’entrée, il serait refoulé direct.[/i] ».
Il est sympa, Lindingre, de ne mentionner que Beuys. J’ai d’autres noms…
En fait, c’est le [i]backlash[/i], initié par Luc Ferry et d’autres (à l’Éducation nationale), le retour de bâton, bien concerté, et bien cadenassé.
Mais plus les étudiantes et étudiants se creusent les méninges ainsi, dans la bonne direction préconisée, moins ils sont curieux, moins ils cherchent les véritables ailleurs, moins ils explorent les réels possibles (y compris « impossibles », tant l’utopie, à droite, a mauvaise presse).
Croyez-moi, c’est voulu !
En revanche, pas d’ac’ du tout avec Lindingre sur le « primat » de la typo et de la mise en pages. Ce peut aussi être subversif, la typo et la mise en pages. J’ai eu des exemples à l’École Estienne, avec des étudiantes talentueuses, très rodées à ces disciplines de manière traditionnelle fort rigoureuse (dieu, que c’est rigoureux… voire fastidieux), et qui savaient faire du Satie typographique après avoir répété et répété des gammes au « piano » (au marbre, au plomb). Mais je conçois ce qu’il veut dire ainsi.