Le sénateur de l’Essonne, 91 ans, ex-maire de Corbeil et patron du Figaro, aurait dû comparaître ce lundi 4 juillet, pour fraude fiscale… Il a laissé ses avocats plaider le renvoi du procès.
Ne se présentant pas à l’audience de ce jour devant le tribunal correctionnel de Paris, Serge Dassault a laissé ses avocats, Mes François Artuphel et Jacqueline Laffont, plaider des questions de procédure et évoquer deux QPC (question prioritaire de constitutionnalité), l’une sur l’existence même de la fraude (selon Me Artuphel, elle ne serait pas démontrée), l’autre sur la légalité d’une perquisition en l’étude du notaire de son client.
Il est pourtant établi que, tout comme Jean-Marie Le Pen, Jérôme Cahuzac et quelques (nombreux) autres – les Panama Papers sont à cet égard éloquents – Serge Dassault avait eu recours à des paradis fiscaux (notamment aux Îles Vierges). Ce midi, sur France Info, Yann Philippin, co-auteur du Système Dassault, évoquait clairement des « protections judiciaires », voire policières. En effet, lors de l’invalidation de son élection à la mairie de Corbeil, en 2009, il était apparu officiellement – officieusement, c’était évoqué depuis sa première élection, en 1995 – que Serge Dassault aurait pu copieusement arroser des relais d’opinion. Et que l’origine des fonds était douteuse.
Me Artuphel a pu soulever sa QPC parce que le ministre des finances (PS) Christian Eckert, n’avait pas estimé nécessaire d’intenter des poursuites pour fraude fiscale. Serge Dassault est poursuivi par le parquet sur le seul chef de blanchiment.
Le comptable suisse de Serge Dassault avait été entendu et il faisait état d’un rapatriement de fonds à hauteur de 53 millions d’euros. Les provenances étaient multiples, avec, outre d’insulaires paradis fiscaux, le Luxembourg, le Lichtenstein, le Liban, Singapour… d’autres lointaines destinations.
Le parquet n’avance plus que 31 millions d’euros dissimulés aux services fiscaux.
Le procès devait s’étaler sur trois jours, on saura mercredi matin s’il reprendra ou sera suspendu, voire ajourné en attente de décisions du Conseil constitutionnel…
Ce dernier doit théoriquement statuer « sans délai ». En fait, sous trois mois. Mais cela n’intervient qu’après que, soit le Conseil d’État, soit la Cour de cassation, après examen approfondi, lui soumette la question.
Si le tribunal rejetait l’une ou les deux questions soulevées, les avocats de Serge Dassault devraient soit saisir une cour d’appel, soit la Cour de cassation. Leur client ayant bon pied, bon œil, il n’est donc pas tout à fait exclu qu’il soit un jour jugé…
Ce qui peut paraître cocasse, parallèlement, c’est l’attitude de la rédaction en chef du Figaro lorsqu’il est question de leur propriétaire et patron. Comme le relève un article de Blastingnews, le site du Figaro a bien fait état de cette comparution. Par une reprise laconique (218 mots) d’une dépêche AFP mise en ligne aux petites heures (6h48), laquelle n’a été vue que par le lectorat très matinal, avant d’être enfouie dans le fil des brèves, et de n’apparaître (quand même en troisième position), dans les archives du site peu avant 18 heures.
En revanche, les rarissimes interventions du patron à la tribune du Sénat font l’objet d’articles très circonstanciés, de développements, d’analyses, &c. Ainsi, lorsque le sénateur met en doute les perspectives de croissance en insistant sur le poids de la dette publique. Aussi, et Le Figaro semble avoir estimé inutile de le remémorer à l’occasion de cette comparution pour blanchiment d’évasion fiscale, lorsque le milliardaire sénateur avait proposé de revoir le système d’imposition sur le revenu. C’est-à-dire en instaurant le système de la flat tax. Taux unique, plus de tranches, plus de progressivité donc, (très-très) gros revenus et indigents imposés à l’identique. Ce fut une brillante idée défendue par Madame Thatcher. En Union européenne, pour les particuliers, seules la Bulgarie (10 %), la Hongrie (15 %), l’Estonie (21 %), la Lettonie (25 %), la Lituanie (15 %), la Tchéquie, la Roumanie et la Slovaquie (15, 16 et 19 % respectivement) préservent ce système appliqué aussi au Liechtenstein et en Macédoine.
Certes, trop d’impôt tue l’impôt. Mieux vaudrait que les agents du fisc fassent la manche sur la voie publique. Mais qu’on se rassure, par le biais de fondations, de dons (autres que ceux dont bénéficiaient ses agents électoraux), Serge Dassault savait aussi réduire le montant de son imposition.