On n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace. Abdoulaye Wade est un homme politique bien rodé. Il maîtrise à la perfection tous les contours de ce jeu si complexe. Et lorsqu’il souffle le chaud et le froid comme en ce moment où l’opposition et la société civile lui sont à dos, il sait sortir les parades les plus déconcertantes.

Pour mémoire, le  23 juin dernier, il a manqué de se faire destituer par un soulèvement populaire suite au projet de loi controversé du ticket présidentiel à l’américaine, avec la création d’un poste de vice président. Abdoulaye Wade a eu dans ce bref bras de fer avec son peuple l’occasion de mesurer sa cote de popularité très peu  reluisante pour un chef d’état en quête d’un autre mandat.

Et depuis, tous lui collent à la peau la fâcheuse idée d’une dévotion monarchique du pouvoir. Son fils Karim, super ministre dont les fonctions regroupent cinq secteurs bien distincts, et pour lesquels on aurait besoin d’un ministre par secteur, s’en ait défendu il y a quelques jours dans une lettre ouverte. Lui que tout le monde soupçonne de vouloir succéder à son père sans passer par les urnes. Les mises aux points du fils n’ayant pas convaincu grand monde, le père, expert en la matière achève de déconcerter tout le monde, y compris dans son propre camp. «  Si l’opposition est pressée et si elle est certaine de détenir la majorité, je peux envisager une élection présidentielle anticipée, si cela est nécessaire pour la cohésion sociale et la concorde nationale » assène le président de la république.

La nouvelle fait mouche dans une Afrique où il est plutôt d’usage de voir les chefs d’état repousser la date des élections afin de mieux peaufiner le hold-up électoral. Maître Abdoulaye Wade, avocat de formation, donc doué dans les stratégies de défense, vient là de faire changer le ton du débat. Il le déplace de la contestation de sa candidature à la spéculation sur la date anticipée des élections. Il prend de court l’opposition qui, forte de la mobilisation du 23 juin dernier, croit fermement en ses chances de battre Wade dans les urnes en février 2012. Il la fait surtout douter en la mettant au défi de se lancer dans la bataille dans 40 jours si elle est vraiment convaincue de remporter le scrutin. Tout en réaffirmant sa candidature pour la troisième fois, Wade reste campé sur ses positions, à savoir qu’il n’envisage nullement de donner le pouvoir à son fils comme un trône royal.

 Cette déclaration que tous les sénégalais attendait depuis longtemps, afin de mieux comprendre les coupures intempestives d’électricité, a finalement surpris. Et désormais, elle les détourne de l’essentiel qui est l’amélioration de leurs conditions de vie, pour le futile débat sur des élections anticipées auxquelles Wade lui-même ne croit pas.

 Sacré Abdoulaye Wade !