Dans l'affaire Madoff, les milliardaires se taisent et se terrent comme je l'ai dit dans mon précédent article, de peur qu'on découvre que certains n'ont pas les "mains si blanches que cela". Seuls certains clients et gestionnaires montent au créneau sans savoir quelle est la procédure à suivre tant les montages financiers sont complexes, et on ne sait as qui est qui donc qui attaquer en justice ? c'est là le dilemne.

Mon propos est confirmé par l'article du Monde de ce jour (ci-dessous) : 


"La colère des clients européensLE MONDE | 17.01.09 | 13h42 Les milliardaires européens qui ont investi en direct chez Bernard Madoff se taisent. Ils sont humiliés et ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Mais les riches particuliers qui ont placé leurs économies dans des véhicules financiers collectifs comme LuxAlpha (1,4 milliard d'euros) géré par la filiale d'UBS (Union des banques suisses) au Luxembourg, ou comme Thema (700 millions d'euros) géré par HSBC en Irlande, ou encore comme Optimal US Strategic Equity, filiale de Santander (2,3 milliards d'euros), ceux-là étouffent de rage. Ils se croyaient soumis aux seuls risques de marché. Ils découvrent que leurs billets de banque n'ont jamais atteint le marché. Ils ont été subtilisés par un illusionniste. Ils essaient d'organiser leur défense.Fabrice A., dirigeant d'une société de gestion, a perdu près de 6 % des capitaux d'un des deux fonds qu'il pilote pour de riches particuliers. "On a perdu 250 000 euros dans LuxAlpha. La décision d'investir dans la sicav d'UBS au Luxembourg a été prise après une rencontre avec les gens d'Access International, explique-t-il. Access nous a vendu son boniment, et après deux mois d'hésitation, on les a écoutés." Les 250 000 euros sont perdus. Fabrice A. étudie des suites juridiques à donner : "Peut-être vaut-il mieux prendre un avocat luxembourgeois ?", s'interroge-t-il.Tous les investisseurs lésés sont coincés. Ils aimeraient rameuter les médias dans l'espoir d'exercer une pression politique afin d'effrayer les banques, mais la culture du secret qui imprègne la gestion de fortune les empêche d'avancer à visage découvert. "Surtout, ne me citez pas !", lance-t-il. A ce jour, une pharmacienne de 66 ans qui a investi 540 00 euros dans le fonds LuxAlpha, est la seule Française à avoir porté plainte, au pénal, pour abus de confiance et escroquerie.Les plus grands cabinets d'avocats d'affaires sont assaillis par les investisseurs. Le cabinet Lecoq Vallon & Associés a regroupé des personnes qui disposaient "d'une épargne conséquente", au minimum une centaine de milliers d'euros. Elles ont perdu jusqu'à 2,3 millions d'euros. Isabelle Wekstein, du cabinet WAN, défend les intérêts d'institutionnels et particuliers qui avaient investi – sans le savoir – 50 millions d'euros chez Madoff. Le cabinet de conseil aux actionnaires Deminor France défend 30 personnes qui cumulent 80 millions d'euros de pertes.Tous préparent, souvent en collaboration avec des avocats irlandais, suisses et luxembourgeois, les suites juridiques qu'il convient de donner. Mais les stratégies sont loin d'être homogènes. Carlo Lombardini, du cabinet PTAN à Genève, ne veut pas aller trop vite. "Nos clients sont en état de choc, dit-il. Attaquer Santander tout de suite pour faire plaisir au client peut ne pas se révéler efficace. Les banques ont l'habitude de gérer des contentieux, ça ne les émeut pas beaucoup. Attendre des éléments nouveaux peut être payant. La banque sera toujours là dans trois semaines."De fait, des zones d'ombre demeurent : Bernard Madoff avait un statut de broker dealer (courtier), c'est-à-dire d'exécutant sur les marchés pour le compte des fonds et sicav européennes. Mais quelles preuves fournissait-il des opérations qu'il exécutait ? Fabriquait-il des faux ? L'argent était-il investi en bons du Trésor américain avant d'être transformé en bons Madoff. Et que savaient réellement UBS, HSBC et Santander ?En attendant que d'éventuelles négligences ou complicités soient démontrées, les banques européennes mises en cause se taisent et affichent une tranquille détermination à ne pas indemniser leurs clients. UBS affirme qu'elle n'a "jamais recommandé les produits Madoff". LuxAlpha n'aurait été qu'un "outil technique" mis à la disposition de clients qui voulaient du Madoff.Mais certains cabinets d'avocats ne tergiversent pas. "Nous préparons des assignations en justice ; sans cette pression-là, les établissements financiers n'indemniseront pas !", déclare Hélène Féron-Poloni, associée du cabinet Lecoq Vallon & Associés. Luc Schaack, avocat au Luxembourg agissant pour un client français, brandit l'arme de la plainte au pénal. "Dans le monde feutré de la finance du Grand Duché, la perspective des menottes et de la garde à vue peut effrayer les banquiers et les amener à composer plus rapidement", explique-t-il.Fabrice Rémon, patron de Deminor, veut faire jouer les garde-fous européens. "Les fonds siphonnés par Madoff étaient munis d'un "passeport européen", une garantie qui valide l'existence de ce produit et lui permet d'être commercialisé dans toute l'Union européenne. Les autorités de marché en Irlande et au Luxembourg doivent faire pression : elles ne peuvent tolérer que des fraudes aussi gigantesques aient lieu sans que personne ne réagisse."Mais les avocats découvrent aussi que le marché des capitaux européen a été lancé et fonctionne sans réels garde-fous. Noël Amenc, professeur de finance à l'Edhec, met en garde contre les avatars d'une communication "avantageuse" en matière de régulation : "D'une manière générale, il faut avoir une communication modeste sur la qualité de la régulation. Il ne faudrait pas faire croire que le niveau de protection des investisseurs est élevé, alors que, dans les faits, ce n'est pas vrai, souligne-t-il. Cela renforce le phénomène bien connu du hasard moral, les épargnants se croient protégés alors qu'ils ne le sont pas."Vendredi 16 janvier, la confusion semblait à son comble. Une douzaine de cabinets d'avocats parisiens ont affirmé regrouper leurs efforts pour ouvrir des négociations avec UBS, afin d'obtenir des indemnisations pour leurs clients. Simultanément, une douzaine d'investisseurs assignaient directement la banque française à laquelle ils s'étaient adressés pour placer leur argent dans la sicav luxembourgeoise de la banque suisse."Il n'est pas normal d'avoir des règles et des responsabilités différentes d'un Etat à un autre", a reconnu Jean-Pierre Jouyet, le nouveau président de l'Autorité des marchés financiers dans La Tribune, le 12 janvier. "S'il y a une leçon à tirer, c'est qu'il faut élargir le champ de la régulation", concluait-il. Ça alors ! " 

Yves Mamou et Anne Michel