Sarkozy : un sens instantané du ridicule authentique

La conférence de presse de Nicolas Sarkozy, dimanche soir 29 janvier, lui a certes permis, à quelques « légers » dérapages près, de maintenir une posture au-dessus de la mêlée. Dans cette attitude, la tâche lui a été facilitée par des interlocuteurs un cran plus pugnaces qu’usuel. Le style a évolué, mais est-ce vraiment vers plus d’authenticité ou dans l’approfondissement de l’énonciation des contre-vérités ou de l’aplomb de l’annonce que des mesures partout controversées ne peuvent qu’être bénéfiques ?

Alors que 85 % des successions étaient trop basses pour être imposables (car inférieures à 150 000 euros) avant que Nicolas Sarkozy en remonte le plafond, voici qu’il ne reste plus que 5 % des successions à être touchées par des taxes…
Traduction sarkozyenne : c’était pour que les travailleuses et les travailleurs puissent laisser un petit quelque chose intact à leurs enfants.
J’ai eu une pensée émue pour la candidate Arlette Laguillier.
La politique familiale, ce ne sont pas les crèches, ou d’autres mesures, c’est de ne pas toucher à la non-progressivité ou dégressivité du quotient familial.
Lequel favorise peu les classes moyennes inférieures, mais, proportionnellement, beaucoup plus les familles des strates supérieures.
Mais c’est sur l’Allemagne, ses syndicats, ses mesures sur la fiscalité et la flexibilité du temps de travail, les rémunérations, que Nicolas Sarkozy s’est surpassé. Surtout, notamment sur l’apprentissage et la formation en alternance, comme sur d’autres problèmes, jamais le président-candidat ne s’est intéressé de justifier pourquoi les lois antérieures n’étaient pas appliquées, sous son quinquennat. Refusant toute discussion de son bilan, il a fait semblant de découvrir ces tout derniers jours que son action, par rapport à celle de Schroeder ou de Merkel, de l’Allemagne, ou plutôt d’une Allemagne mythique, n’avait pas été aussi performante. Bien sûr, c’est évident, c’est un homme tout frais, tout neuf, ayant profondément évolué, qui va nous changer tout cela…
Les prix n’augmenteront pas
Dire que, du fait d’un taux de TVA haussé, les prix n’augmenteront pas (ils ont progressé aussi de ce fait au Royaume-Uni), c’est comme de dire qu’un lycéen actuel sur deux deviendra centenaire. Ce n’est pas impossible, rien ne permet vraiment de le garantir. De même, plus prosaïquement, assurer que le déficit public français sera réellement de 5,4 ou 5,3 %, c’est, par exemple, ne pas tenir compte de l’impact des partenariats public-privé, de multiples facteurs qu’il est toujours possible de présenter sous le jour que l’on souhaite.
Toutes les politiques visant à alléger le coût du travail (et il en fut maintes autres précédemment, en France comme ailleurs) ne donnent pas non plus toujours les résultats escomptés. Certes, l’Allemagne l’a fait, en instaurant de très bas salaires, en plaçant des millions de personnes sous le seuil de la pauvreté, tant pour ses immigrés que ses salariés les moins qualifiés. De même, l’alternance ne favorise souvent, en France, que l’alternance, soit des stagiaires remplaçant des stagiaires, sans réelle création d’emplois durables autres que ceux des dirigeants.
Ajoutons que les mesures, sauf celle ne mangeant pas de pain, comme d’inciter les actuels propriétaires à s’agrandir (en acquérant la chambre de bonne libérée par le voisin ?), sont pratiquement toutes applicables à des échéances lointaines. Rien ne garantit d’ailleurs que la taxe sur les transactions financières s’appliquerait bien au mois d’août, unilatéralement. L’Europe, paraît-il, par ailleurs, réfléchirait à un autre mécanisme… S’il venait à entrer en vigueur, gageons que la France s’y rallierait.
Moody’s ne s’engage à rien
La soirée avait mal débuté, avec une remarque sur l’agence de notation Moody’s, qui avait par avance démenti qu’elle maintiendrait assurément la note de la France, une note que Nicolas Sarkozy considère par avance comme acquise jusqu’à, au moins, les élections présidentielles. On passa ensuite aux chiffres du chômage qui, certes, sont plus lourds au Royaume-Uni ou en Espagne, mais ne recouvrent pas les mêmes réalités, ni tout à fait les mêmes modes de calcul (ou de dissimulation du réel).
Nicolas Sarkozy, qui favorisa l’habitat individuel ou la multipropriété, au lieu de favoriser réellement le logement social, le parc locatif accessible, veut favoriser l’augmentation d’un tiers du constructible, ce n’est pas tout à fait la même chose. Cela peut effectivement conduire à ce que ses amis en Corse ou ailleurs puissent étendre leurs propriétés. Cela peut aider les bétonneurs. Mais l’effet mécanique sur le prix des loyers n’est nullement garanti. Quant aux emplois créés, on se demande qui les créera (les petits entrepreneurs ?) et avec quelle main d’œuvre au juste.
Seule mesure a priori positive, et consensuelle, celle de débloquer une ligne de crédit réservée au PME.
En revanche, si Moody’s ne s’engage à rien, les collectivités locales sont, elles, tenues de présenter un budget de fonctionnement en équilibre, si ce n’est le cas, il est retoqué par les préfets. La fameuse « règle d’or » leur est déjà, de fait, imposée. Mais tout comme l’État, qui enlève aux uns (les fonctionnaires) des effectifs pour en confier des tâches à d’autres (le privé, les cabinets d’études, les entreprises de services), les collectivités territoriales, c’est fort vrai, sont parfois trop dispendieuses des deniers du contribuable. Nicolas Sarkozy ne pouvait accommoder à sa sauce tout le réel, et il est bien évident que si « réamorcer de la croissance sans dépenser un centime » est tâche impossible, ce qu’il sait parfaitement, la formule s’imposera à tous : ce qui est dépensé pour la croissance ne devra et ne pourra pas l’être pour des dépenses somptuaires ou accroître le train de vie de l’État, de la haute fonction publique. Tout n’est pas faux. Cela étant, le Royaume-Uni reste plus (légèrement) industrialisé que la France, contrairement à ce qu’avec son culot habituel, Nicolas Sarkozy a pu assener sans être contredit.
De surcroît, lui remémore The Daily Mail, en 2009, il avait critiqué le relèvement de la TVA au Royaume-Uni. Mais qu’importe, ce n’était que voici deux ans…
Ajoutons que Nicolas Sarkozy a toujours voulu se fonder sur des données des dix dernières années. Est-ce une critique des gouvernements Raffarin, Juppé, Villepin ? Qui a donc dirigé la France depuis 2005 ?
Quant à dire qu’il faut donner du temps aux mesures pour « régler les ordinateurs », c’est un peu oublier que tous les ordinateurs de la finance sont déjà réglés en prévision d’une éventuelle sortie de la Grèce de l’euro, voire d’un éclatement de l’euro. Comment les comptables ont-ils donc fait lorsque la TVA de leurs clients restaurateurs a chuté à 5,5 % ?
États d’âme
Il est « amusant » de voir un président vanter « un peuple libre » qui a voté contre le traité de Maastricht, ne se laissant « imposer sa décision par personne ».
Avec cette insolite remarque, Nicolas Sarkozy s’est livré à une sorte de présumée introspection « authentique ».
« Lucide », il s’expliquera, le moment venu, sur ses échecs. On attendra pour voir.
Hormis insister sur la lourdeur de « la pression sur les épaules d’un président », phrase convenue, ce qui lui permet quand même d’être candidat sans en supporter les conséquences, Nicolas Sarkozy n’a pas vraiment révélé quel était son état d’esprit.
Certes, il n’exclut plus une défaite que, voici quelques mois, il écartait d’un revers de main, assurant à tous les siens qu’il finirait par reprendre le dessus.
Il aurait donc « des regrets ».
Lesquels ? On saura plus tard. Ou jamais. Il aura enfin compris ce qu’est « le sens du ridicule ».
Il y a pourtant une certaine cocasserie à promettre qu’on fera – après réélection ou jamais – ce qu’on n’a pas fait. Mais, bon, une promesse de mieux. Ou un démenti de plus…

Ainsi a-t-il juré-craché, les yeux au fond des yeux, qu’il n’avait jamais employé le terme de Tva sociale. Rien que huit fois devant des parlementaires, rapporte le JDD.  Et il l’écrit en toutes lettres dans un livre qu’il signe. Faut-il croire qu’il ne se souvient pas des discours qu’on lui concocte et des livres qu’on rédige pour lui ?

Nicolas Sarkozy rêve-t-il encore « à bon marché » de sa réélection ou a-t-il fait une croix dessus ? Pour le moment, il a peut-être rassuré son camp, et donné des gages à ses futurs employeurs, notamment en plaidant pour l’abandon des accords de branches, et la négociation directe entre ouvriers et employés de chaque entreprise en fonction de ce que voudront bien exposer les dirigeants des groupes et des sociétés. Tant qu’à faire, pour son reclassement, il aurait pu aussi tenter d’évoquer la gestion des hôpitaux et de la politique de santé directement par les assurances privées. Allez, encore un peu de « courage ». Pour se montrer encore davantage impopulaire et recyclable en consultant et conférencier…
Très cocasse aussi : alors que le président français s’exprimait dans les lucarnes, le Roumain Trian Basescu intervenait aussi de son côté. Aussi impayable que Sarkozy, alors que les protestataires réclament sa démission immédiate, Basescu a déclaré, sans rire : « Je dirai que le peuple a payé le prix de l’austérité, c’est aujourd’hui au tour des politiques… ». Les autres que lui, sans doute… Mais, même si personne n’y aurait cru une seconde, on aurait aussi aimé l’entendre de la part du président Sarkozy. Là, il nous aurait arraché au moins un sourire, voire un franc rire.

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

19 réflexions sur « Sarkozy : un sens instantané du ridicule authentique »

  1. Bonne formule de Marine Le Pen : « [i]La mesure la plus efficace pour ses copains, ce sont les 30 % d’augmentation de la capacité de construction. C’est ce que j’appellerais l’amendement Bouygues.[/i] ».
    D’Eva Joly : « [i]Sous le prétexte fallacieux de lutter contre les délocalisations, Nicolas Sarkozy organise en pratique un transfert de plusieurs milliards des consommateurs aux entreprises, sans aucune contrepartie, affaiblissant au passage les collectivités locales[/i]. ».
    Une sémiologue : « [i]Il s’est posé en maître d’école[/i]. ». Avec toute l’approximation pédagogique que cela implique.
    Mélenchon, pareil à lui-même :
    « [i]Les mots utilisés ne sont qu’un habile enfumage d’un triste et banal plan d’austérité et de soumission aux exigences du capital financier. [/i]»
    Au fait, la crise ne remonte pas à 2011, mais à 2008.
    Et il a fait quoi pendant ce temps ?
    Ah oui, une guerre en Libye, une autre en Afghanistan.

  2. Titre accrocheur qui resume bien ce debat vide de sens.

    Le president etait charmeur, sympathque, pugnace , un communiquant de talent qui n’est cependant pas arrivé à masquer son incompetence technique, sur sa TVA sociale, les logements, la dette; un manque de connaissances historiques et politiques à l’international (Thatcher et Schroeder) pas trop genant dans un univers franco français donc inepte internationalement.

    Excellent sur la forme (si j’etais une femme) mais 0 sur le fond, à son habitude.

    Dommage que ses conseillers soient si mal formés

  3. Beau travail de décorticage. Respect! Pour résumer, Sarkozy président n’a fait ni plus ni moins que du Sarkozy candidat, soit de l’embrouillamini à tous les étages + 1/3, rideau!

  4. [b]Dire que la TVA ne changera rien au prix et dans la foulée prétendre qu’il y aura un engouement sur les achats avant son augmentation, il y a de quoi se poser des questions et se demander s’il ne se fiche pas des français! Quant à savoir à qui va profiter réellement cette TVA baptisée pompeusement de sociale alors qu’elle n’a rien de sociale ne fait qu’enfoncer le clou.
    Proposer une augmentation de 30% se surface à bâtir alors qu’il existe une loi sur la désertification des campagnes prouve une fois de plus où va aller les intérêts de l’opération… le grand Paris profitera encore aux oligarques et le petit peuple sera un peu plus asservi pour le compte de ces messieurs.
    On peut prendre toutes les mesures qu’il a évoquées de son discours de campagne électorale car cela en était bien un, et se poser la question à qui va profiter ces mesures, on en arrive à la même cible … mais elle n’est pas les français.
    50 ans en arrière, et les français auraient au moins ressenti cet immense enfumage et l’auraient viré avec pertes et fracas! Mais non de dieu qu’est-ce qu’on attend?[/b]

  5. [b]Mon cher JEF j’aime ton analyse ,elle va dans le droit fil de mon opinion sur ce menteur professionnel.
    Nous sommes un certain nombre de gent équilibrés à avoir vu dés le début que ce n’était pas l’homme de la situation ,ce qu’il a fait hier relève du déni de ses responsabilités dans les moments troubles que notre pays traverse , n’est-il pas responsable de la déchéance de notre pays lui qui veut aujourd’hui attribuer ce qui se passe chez nous à la crise qu’il a contribué à alourdir un peu plus durant son quinquennat.
    Il est responsable de toutes les malversations dont il est l’auteur et aujourd’hui le voilà sauveur d’une France qu’il s’est acharné à rendre soumise aux dictats de la finance internationale.
    Toutes les mesures qu’il a annoncées hier ne sont que poudre aux yeux.
    Qu’il aille se présenter aux GANDRANGE ,aux LEJABY et autres salariés qu’il a contribué à mettre sur la paille.
    Françaises ,Français si vous avez une âmes ne vous abstenez pas ,dans l’isoloir effacez ce clown.
    [/b]

  6. Deus Emakina , Jef !!!!!!!!!!!
    actes des apotres : ch 12
    21  » A un jour fixé, Hérode, revêtu de ses habits royaux,
    et assis sur son trône, les harangua publiquement.
    22 Le peuple s’écria: Voix d’un dieu, et non d’un homme!
    23 Au même instant, un ange du Seigneur le frappa, parce
    qu’il n’avait pas donné gloire à Dieu.
    Et il expira, rongé des vers. « 

  7. De [i]Libération[/i] :
    « [i]Après augmentation de 1,6 points de la TVA en France, celle ci se trouverait à 21,2%. C’est plus de deux points au delà de la TVA allemande (19%) et au dessus de la moyenne européenne (20,5%)[/i] ».
    Notre président disait qu’on se situait dans la moyenne européenne.
    Si on veut. Sachant quand même que certains pays sont à 24

  8. Toujours de [i]Libération[/i], sur la répercussion de l’augmentation de la TVA sur les prix en Allemagne, contrairement à ce qui fut dit avec aplomb :
    « [i]Selon une étude de la Bundesbank, une grande partie de cette augmentation de la TVA a été répercutée dans les prix : selon la banque centrale allemande qui fonde son analyse sur un panier de 40 biens, l’augmentation de 3 points de la TVA aurait contribué pour 2,6 points à la hausse des prix en 2007[/i].» La Cour souligne en revanche que « [i]la question de l’effet économique de cette hausse de la TVA, notamment en termes de compétitivité, reste peu documentée[/i]. ».
    Ajoutons que ce ne sont pas 500 000 emplois industriels perdus en France depuis dix ans (donc dix ans de gouvernements de droite), mais 700 000. Une paille.
    Et sur dix ans, combien depuis cinq ans ?

  9. En Allemagne, nationalement ou dans les Lander, on en est déjà à 35 heures travaillées.
    « [i]dans la sidérurgie, l’imprimerie et la métallurgie. Dans les années qui suivirent, bon nombre d’accords prévoyant un passage de quarante à trente-huit ou trente-cinq heures furent signés[/i]. »
    Bref, dans mon papier à chaud, j’avais oublié (ou pas oublié, mais je n’étais pas tout à fait sûr, et pas trop le temps de me documenter sur le moment), pas mal de contre-vérités.
    Ajoutons que, sur le poids des charges sociales en Europe, Sarkozy a aussi menti avec son arrogance habituelle.

  10. En Allemagne, nationalement ou dans les Lander, on en est déjà à 35 heures travaillées.
    « [i]dans la sidérurgie, l’imprimerie et la métallurgie. Dans les années qui suivirent, bon nombre d’accords prévoyant un passage de quarante à trente-huit ou trente-cinq heures furent signés[/i]. »
    Bref, dans mon papier à chaud, j’avais oublié (ou pas oublié, mais je n’étais pas tout à fait sûr, et pas trop le temps de me documenter sur le moment), pas mal de contre-vérités.
    Ajoutons que, sur le poids des charges sociales en Europe, Sarkozy a aussi menti avec son arrogance habituelle.

  11. [b]Tous les mensonges de Sarkozy sur l’Allemagne our nous faire avaler ses réformes….[/b]

    [url]owni.fr/2012/01/30/sarkozy-tva-allemagne-presidentiell[/url]

  12. Emakina.fr mobilisée par l’UMP
    [url]http://www.strategies.fr/actualites/agences/166923W/emakina-fr-mobilisee-par-l-ump.html[/url]

  13. PERFIDE ALBION !!!!!!!!
    David Cameron souhaite à Sarkozy « le meilleur »…
    avant la présidentielle de 2012.
    ET PROUT !

  14. L’ maréchal n’a pu avoir gain de cause face
    à l’Allemagne qui veut placer la Grèce sous
    protectorat des puissances de l’Axe !

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