Difficile de comparer Dominique Antoine à Claude Allègre ou à Éric Besson. Ce conseiller à la Cour des comptes, qui participe à l’émission littéraire Interlignes, ne mérite sans doute pas un tel outrage. Ayant fait toute sa carrière dans l’administration de l’Éducation nationale (inspection, cabinets ministériels), ex-conseiller régional de Picardie (centre, UDF), il vient de rallier la bannière de François Hollande en publiant une tribune libre dans Le Monde…
À l’Élysée (allez, au QG de campagne de Nicolas Sarkozy et à l’UMP), selon L’Express, on accuserait mal le coup. « Bassesse », « vendu », &c.
On attend bien sûr avec impatience les phrases assassines de Claude Allègre, ancien ministre de l’Éducation, qui a rejoint de longue date les cénacles de la Sarkozye, d’Éric Besson, qui en a sa claque et doit être motivé à l’aiguillon pour encenser son ex-idole, ou encore ceux de « l’idiot ex-utile », Jean-Marie Bockel, singulièrement muet (en dépit d’un soutien « net et clair » de sa Gauche moderne pour une France moderne et plus juste avec Nicolas Sarkozy).
Luc Ferry, très contesté ancien ministre de l’Éducation, y était aussi allé de sa petite pique visant le sarkozysme.
Dominique Antoine est aussi un rallié qui n’améliore guère l’image de François Hollande dans les milieux enseignants, hors secteur privé, chambres de commerce, &c.
Il s’est prononcé pour la privatisation, la dérégulation du système éducatif.
En sus, c’est un « connard », même pas capable de faire son Potemkine et d’éviter à Nicolas Sarkozy de voir une manif d’enseignants à Saint-Lô (janvier 2009). Ce qui lui avait valu d’aller pantoufler à la Cour des comptes.
Mais dans le genre Bockel, il est très bon. Dans sa tribune au Monde, après avoir fait état de sa déception, de 80 000 suppressions d’emplois, des IUFM, de l’instauration de la semaine des trois jeudis à l’école primaire, il manie la brosse à reluire et ne tarit pas d’éloges à l’égard de son ex-prof d’économie à Sciences Po, François Hollande.
Pour quelqu’un qui s’était rallié fermement à un raté du système éducatif, dont on se demande encore comment il a pu décrocher un diplôme de droit, c’est assez farce. Voilà que Dominique Antoine se souvient que Vincent Peillon, lui, ne connaît pas l’É.N. « que dans les lycées de centre-ville où les classes préparatoires » que, lui-même, n’a sans doute jamais fréquentés que pour couper des rubans (il a enseigné, certes, à Paris-V-René-Descartes).
Avertissement aux UMP
On suivra avec une très forte attention le devenir de la carrière de ce haut-fonctionnaire se laissant emporter par le vent (comme disait un autre ministre, É. Faure, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent). Les ventres mous de l’UMP cherchant un petit quelque chose si François Hollande, et surtout une majorité de gauche à l’Assemblée, venaient à s’installer, seront encore davantage attentifs.
Eux aussi sont nombreux à faire semblant de ne pas méconnaître « la réalité concrète du métier de professeur, les conditions d’exercice dans les quartiers sensibles, les impasses de l’orientation pour les élèves peu doués ou défavorisés socialement. ». Il a fallu au moins deux ans, précédés par des années et des années au ministère de l’Éducation, pour que Dominique Antoine, aux manettes depuis 2002, ouvre un peu les yeux.
Il veut sans doute rejoindre ces « principaux experts » de la cellule « Éducation » du candidat socialiste. Il ne risque pas d’y croiser Claude Allègre, dont il a probablement applaudi mollement les initiatives sous Jospin (mais discrètement, histoire de se ménager un avenir à droite).
Il ne peut toutefois s’empêcher d’entretenir la fiction que les priorités de Sarkozy étaient ailleurs, et il cite ingénument « l’économique et le social » (pour l’économique, hé, ô combien de grands patrons savent ce qu’ils lui doivent), « l’international » (ah, là, Bolloré et le Carlyle Group n’ont sans doute pas été lésés), « la défense » (ouf, des Rafale seraient enfin largués), et « la sécurité intérieure » (contre l’ennemi de l’extérieur, soit, pour le reste, on a constaté l’efficacité).
Contrairement à Dominique Antoine, je crois que Nicolas Sarkozy est sincère quand il dit vouloir « changer l’éducation nationale ». On peut croire le candidat-président. Il ne veut plus d’un Dominique Antoine, non pas en raison de ses idées ou visées, mais parce qu’il n’a sans pas su manier les statistiques, la carotte et le bâton pour faire taire les enseignants, ou le mettre, lui, et lui seul, en valeur. Dominique Antoine trouve que Nicolas Sarkozy a été un mou, un réformateur d’opérette, et sans doute qu’il n’a pas su non plus assurer à un Dominique Antoine les émoluments d’un Richard Descoings (de Sciences Po, copieusement rémunéré avec son épouse).
Mais, pour un peu, on finirait par croire François Hollande et NKM à la fois. Il y aurait du ménage à faire dans la haute fonction publique, et certains commencent à baliser grave.
Deux ans seulement…
La Cour des comptes ne suffit donc pas à Dominique Antoine. Il intitule sa tribune « Après deux ans auprès du président Sarkozy, pourquoi je voterai Hollande. ». Trois de mieux l’auraient-ils plus amplement convaincu ? Ni plus, ni moins, sans doute. Il se qualifie de « technicien ». De quoi au juste ? Il aurait enseigné dans un établissement professionnel ? En LEP ? En DUT ou BTS ? Non.
Technicien des mouvements de mutation, des relations avec les éditeurs de manuels éducatifs et scolaires, on veut bien le croire.
Vincent Peillon a pour lui d’avoir été professeur (de philosophie) une bonne douzaine d’années. Devenu député, il s’est surtout intéressé à bien d’autres choses que l’enseignement, avant de rejoindre le CNRS (en sciences humaines). Mais bon. Il avait publié, avec Xavier Darcos, ce qui lui avait sans doute permis de rencontrer Dominique Antoine, Peut-on améliorer l’école sans dépenser plus ? (Magnard éd.), en 2009. Mettons qu’il peut avoir une vision globale à rafraîchir.
Comme le concluait, sur le blogue-notes de Vincent Peillon, « une simple professeure des écoles », « Monsieur Peillon, choisissez bien vos conseillers ! ». C’était le 15 février dernier. Avant l’offre de services de Dominique Antoine. J’ajouterai : choisissez-en peut-être moins. Les plus dispendieux ne sont pas généralement les plus indispensables.
Comme le disait Donnedieu de Vabres (récemment placé en garde à vue), qui le décorait des Arts & des Lettres, en octobre 2006, « grâce à vous, la gestion interministérielle des corps de la filière des bibliothèques s’opère désormais dans des conditions de concertation optimales. ». La concertation entre bibliothécaires, cela s’entretient. On souhaitera donc à Dominique Antoine les compétences de ses fonctions : une mission de concertation pour la conservation des hypothèques serait tout indiquée.
Post-Scriptum (et qui a peu à voir…)
C’est sans doute un peu comme la répartition des effectifs d’enseignants et de fonctionnaires relevant du ministère de l’Éducation nationale… Faire la part de l’instruction publique ou du reste, hein, pas trop fastoche. Je vais cependant considérer que mon millième article ici (à la suite de quelques milliers d’autres ailleurs…) est celui figurant supra. C’est tombé sur ce brillant sujet…
Je doute qu’il me proposera pour les Palmes académiques, ou pour les Arts & les Lettres. Quant à corriger ma copie, ce sera sans doute un exercice nouveau pour lui.
Encore quelques ralliements de ce genre, et Mélenchon va grimper dans les sondages.
Or donc, c’était, selon la « manifestation » d’un haut de page, mon millième article ici (1 008e selon une mention en bas de page « Mes Articles »).
Comme le disait Lilyth, à propos d’un autre (article du même) :
«[i]1 000 articles creux ou mal écrits comme celui-ci, c’est vraiment du bouche-trou… mais pourquoi boucher le vide avec du vide ?[/i] ».
Ben voui, parfois, à sujet creux… hein !
Là, cela semble assez bien s’appliquer.