Sarkozy et les parachutes dorés : hypocrisie maximum

"Je le dis comme je le pense : percevoir une grosse rémunération en cas d’échec, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête, a tonné Nicolas Sarkozy mardi à Saint-Quentin, lors de son meeting UMPiste aux frais du contribuable (400 000 euros selon le spécialiste socialiste du budget de l’Elysée, René Dosière, 100 000 pour la préfecture). Distribuer des bonus dans une entreprise qui met en œuvre un plan social ou qui reçoit des aides de l’Etat, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Qu’un dirigeant qui a mis son entreprise en difficulté puisse partir avec un parachute doré, en récompense des difficultés qu’il a créées, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête." Et le président de menacer : "Si aucun progrès significatif n’est accompli d’ici au mois de juin, je prendrai mes responsabilités", sous la forme d’un projet de loi "dès l’automne". Il revient même sur le sujet le lendemain devant des députés de l’UMP invités à l’Elysée : "Si le Medef n’y va pas, on ira par la loi". On va voir ce qu’on va voir !

maL’ennui, c’est que ça fait un bon moment que Sarkozy a annoncé qu’il allait prendre ses responsabilités sur le sujet. Ce que rappelle parfaitement Martine Aubry, impeccable sur ce coup, en recensant ses précédentes déclarations : "Nicolas Sarkozy nous a dit, avec toute l’indignation dont il sait faire preuve, que ces comportements ne sont pas honnêtes, commence la Première secrétaire du PS. En réalité ce qui est malhonnête, c’est de montrer du doigt tous ces dysfonctionnements, sans rien faire. Cela n’est ni honnête, ni responsable, Monsieur le président de la République. Rappelons le discours permanent du président de la République sur les hyper-rémunérations qui rendent la situation des Français encore plus insupportable, tant l’injustice n’est pas acceptable. En tant que ministre en juin 2006 à Agen, il nous disait « … que la réhabilitation du travail passe par la morale, ceux dont la gestion est un échec et qui négocient une prime d’éviction en forme de parachute en or, il faudra les arrêter ! ». Comme candidat de la République à Toulon, le 7 février 2007, il nous disait : « Cela ne peut plus durer, le patron voyou, cela ne peut pas durer et rester impuni, les parachutes en or pour celui qui échoue, les stock-options, réservés à quelques uns  ». En avril 2007 à Bercy comme président de la République et en septembre 2008 aussi : « Je n’hésite pas à dire que les modes de rémunérations des dirigeants et des opérateurs doivent être désormais encadrés, il y a trop d’abus, il y a eu trop de scandales !  » Comme président encore en octobre 2008 : «  Si les recommandations du Medef sur les rémunérations des dirigeants ne sont pas acceptées par les sociétés à la fin 2008, Matignon les reprendra dans un texte de loi.  » Nous sommes en mars 2009, les exemples se multiplient, l’indignation est toujours là mais l’inaction aussi, inébranlable." Ajoutons à l’énumération aubryste cette phrase culte prononcée le 19 avril 2007 lors du meeting de Marseille : "Si je suis élu président de la République, je ferai voter dès l’été 2007 une loi qui interdira la pratique détestable des golden parachutes, parce que c’est contraire aux valeurs qui sont les miennes".

Depuis donc juin 2006, quand il prévenait : "Il faut les arrêter !", jusqu’à aujourd’hui, Sarkozy tempête, vitupère, gronde, menace sans relâche. Depuis bientôt trois ans. Mais nous en sommes toujours au même point. Alors de deux choses l’une. Ou bien son indignation est sincère, mais il manque du courage politique de s’attaquer à l’oligarchie, ce qui ne serait pas glorieux mais n’est pas notre hypothèse. Ou alors, pire, il ne va sans doute finir par accoucher d’un décret que sous la pression de l’opinion publique, dégoûtée par les pratiques des grands patrons. Et encore cette mesure concernera-t-elle uniquement les entreprises aidées par l’État – et celles mettant en œuvre des plans sociaux ? Tel un acteur de théâtre, il joue les scandalisés mais sa réprobation est feinte et il blingne condamne que par démagogie : en réalité, il suffit de jeter un œil sur la liste de ses meilleurs amis – Arnaud Lagardère, Martin Bouygues, Vincent Bolloré… – pour comprendre qu’il ne ressent que bienveillance envers les hyper-rémunérations, qu’il admire ceux qui les touchent, qu’il rêve de les égaler, tant il ne jure que par la réussite matérielle la plus obscène. C’est sa mentalité d’incorrigible parvenu, résumée par l’expression bling-bling. S’il avait vraiment voulu encadrer ces pratiques patronales assimilables à du pillage organisé, alors que les charrettes de licenciements s’accumulent (encore 80 000 chômeurs de plus ce mois-ci, moins que les 90 000 du mois dernier !), s’il aspirait réellement à un meilleur partage des richesses, il aurait agi depuis longtemps. Lui qui ne jure justement que par l’action… Ses sketchs répétés contre les patrons voyous ne sont donc que de la poudre aux yeux, de la manipulation. Il parie peut-être sur le fait que le peuple n’a pas de mémoire politique. Mais on a envie de lui taper sur l’épaule et lui dire : "Ecoute Sarkozy, depuis le temps que tu prétends interdire les parachutes dorés et autres bonus astronomiques et que tu ne fais rien, tu ne te foutrais pas un peu de notre gueule ?"

En réalité, ce n’est pas qu’un peu.

 

PS : lire aussi sur le même sujet le billet de SuperNo.

10 réflexions sur « Sarkozy et les parachutes dorés : hypocrisie maximum »

  1. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !!!

    Bof! je n’y crois pas trop à ces lois. Elles sont systématiquement contournées, et ne croyez-vous pas que ces dirigeants ne trouveront pas une solution pour de faire virer du pognon sur leurs comptes?
    Il ne faut pas être dupes!
    Une des solutions consisterait déjà à poser correctement le problème du partage des richesses avec les personnes intéressées et revoir le code du travail en ce sens.

    J’ai travaillé pour un boîte qui accordait à l’époque des participations aux bénéfices grâce à une dérogation qui avait été signée par Giscard. Elles représentaient en moyenne 1.5 à 2 mois de salaires pour tous les employés.
    Début 80, le nouveau gouvernement – qui plus est socialiste – a voulu remettre en cause cette dérogation.
    Tollé général et je me suis retrouvé avec une cinquantaine de personnes à défendre notre beefsteak devant des députés socialistes à Pontault-Combault . Finalement après d’âpres débats on a garder notre participation.

    Le parti socialiste a bon rôle aujourd’hui de crier au scandale! Mais en même temps il n’y a que les idiots qui ne changent pas.
    Alors il serait bon d’arrêter toute polémique politicienne et de mettre tous les acteurs du monde du travail autour d’une table.
    C’est un avis!

    Cordialement
    LUDO

  2. Bravo , Olivier pour cet article qui a le mérite de poser les questions de fonds.

    On a beaucoup tendance, en France, à mélanger les débats de fonds. « Le capitalisme est il moral » ou de confondre éthique et gestion de contrats.
    Bien sur que le capitalisme n’est pas moral, ce n’est pas son objet ; son objet, c’est de faire fructifier un capital, l’enrichissement personnel et comme la richesse n’est pas en expansion actuellement, on ne s’enrichit qu’en appauvrissant quelqu’un d’autre.
    Mélanger capitalisme et éthique, c’est donner le champ à certaines perversités et au mensonge.

    Que certains capitalistes aient un système de valeurs éthiques, c’est aussi évident et on en parle peu. Mais il est par exemple à la mode de parler dans certaines entreprises comme Total de développement durable et d’écologie, c’est de la démagogie !

    Ce qui me choque dans ces affaires, c’est qu’à force de parler, philosopher ou s’agiter sur ce qui ne sert à rien, on ne fait rien de ce qui est important. Redresser un pays, donner du travail aux gens, par exemple.

    C’est facile pour un homme politique de fustiger les autres ; cela ne coute rien qu’un peu de salive mais pas de réflexion ; cela permet cependant de se trouver extrêmement génial, éthique, proche du peuple, en un mot démago.

    Ce qui me choque, c’est qu’un président, des ministres et des députés puissent si rapidement décider d’augmenter leurs salaires dans des proportions ahurissantes, alors que leur électorat n’a pas été augmenté depuis des années dans le privé.

    Ce qui me choque, c’est qu’on puisse dépenser autant en voyages internationaux en invitant tant d’amis, relations, juste pour soigner sa cote médiatique.

    Ce qui me choque, c’est qu’on mobilise des milliers de policiers pour organiser un rassemblement de « copains » en période de crise avec une garden party payée par le contribuable.

    Ce qui me choque, c’est qu’un président mexicain doive s’excuser de n’avoir pas payé les vacances de notre président auprès de ses électeurs et que le notre s’en tire avec une pirouette.

    Ce qui me choque , c’est que des journalistes soient interrogés par la police pour donner leur source parce que notre président fait pression (affaire A2 ou FR3) alors qu’il a été grossier en coulisse avec un employé.

    Ce qui me choque, c’est qu’on peut promettre avant une campagne électorale en stigmatisant et en moralisant mais qu’on oublie ses promesses, une fois élu (cela a un nom en marketing).

    Ce qui me choque , c’est de voir qu’il continue à promettre aux futurs chômeurs, aux salariés de Continental ou autres qu’il fera tout pour eux, et à dire qu’il est formidable et actif, alors que rien n’avance hormis un bouclier fiscal qui va couter cher aux contribuables mais qui permet aux plus grosses fortunes de ne pas payer, voire de se faire rembourser quelques 100 à 500k€ d’ impôts.

    Ce qui me choque, c’est qu’on promet des logements sociaux aux personnes de plus en plus démunies, mais que les associations responsables d’aider les gens à se reloger ont vu leur budget diminuer par 2 voire 3. Que les logements sociaux sont inexistants en 92 ou dans les lieux agréables à vivre.

    Qu’on réduit le budget de l’Armée mais qu’il modernise ses avions personnels ; qu’on réduit le nombre d’enseignants mais qu’on crée de plus en plus de commissions sensées résoudre les problèmes de l’enseignement.

    Qu’on dégraisse où il n’y a pas de graisse (l’opérationnel, les hôpitaux) mais qu’on protège et multiplie les emplois de conseillers, dans les quartiers généraux improductifs.
    Qu’on déstructure systématiquement ce qui existe en le privant de moyens, en donnant des moyens énormes à des structures débutantes puis en leur enlevant ces moyens, en pensant que le privé trouvera une solution (ANPE, hopitaux, enseignement, etc)

    Qu’on rackette les automobilistes qui oublient leur ceinture en ville (acte excessivement dangereux à 30km / heure! ) mais qu’on laisse courir des racketteurs qui ont pignon sur rue.
    Qu’est il devenu de l’ex PDG d’EADS ?

    En Allemagne, le ministre des Finances a déjà pris des mesures contre l’évasion fiscale en Suisse au risque de se faire traiter de Nazi (ce qui prouve du courage).
    Des patrons de banque ont vu leur domicile et compte fouillés et sont déjà interrogés par la justice.
    Aux Etats Unis, Obama s’est exprimé si clairement que les entreprises ont peur de représailles et vérifient elles même si leurs dirigeants méritent leurs bonus.
    En Hollande, les dirigeants d’ABN AMRO et de ING ont renoncé d’eux même à leur bonus, après que leur banque ait été renflouée par l’Etat. Le PDG les y a poussé en leur expliquant que ceux qui gardaient leur bonus , n’avaient plus de place dans l’entreprise.

    Tant de choses qui me choquent dans l’excellent papier que vous avez fait et le billet de No

    GBGB

    Agnes

  3. Merci et bravo pour ce long commentaire, Agnès 🙂
    @ Ludo : je suis assez d’accord, mais ce que je dis est que la droite [b]ne veut pas[/b] remettre en question l’inégalité de la distribution des richesses. Comme la fausse gauche : c’est même à ça qu’on la reconnaît fausse !

  4. Olivier,

    Ce qui me désole aussi, c’est mon incapacité à influer sur un quelconque changement, si ce n’est en exprimant ma révolte: powerless résume bien le mot.

    Le plus dur à notre époque, c’est d’etre informée et d’avoir conscience de tout ce qui ne va pas mais d’etre sans arme ou sans « sabre » comme vous le écrivez dans votre blog.

    Manipulée par un beau monde qui répète la devise de Louis XV 3Apres moi le déluge » , qui pousse les gens dans la rue par leur cupidité et leur stupidité, mais consciente de cette manipulation.

    Et qui sait comme Voltaire que « cultiver son jardin » n’est qu’un confort provisoire

    GBGB

  5. Et surtout, on est en train de faire le jeu du Front National qui exploite toutes ces magouilles pour alimenter son thème éternel de la haine de l' »Autre ».

    Si nos hommes politiques donnaient l’exemple en refusant les pots de vin, en mettant leurs actes , leurs discours et leurs opinions en adéquation, il y aurait moins de place pour le FN et les dérives capitalistes.

    Bien sur, la plus part des hommes politiques sont intègres mais on a l’impression que ceux qui sont trop près du pouvoir monopolisent les affaires et le je-m’en-foutisme.

    Cordialement

  6. Absolument olivier!
    Pour rebondir sur votre article que j’apprécie et ce que vient d’écrire avec beaucoup de justesse et de finesse Agnès, je pense qu’il n’y a que les seuls qui connaissent la France, ce sont les personnes qui composent le Peuple avec une majuscule.
    Une vérité de La Palice? A voir!
    Nos politiques sont trop absorbés par le maintien de leur pouvoir et leur train de vie.
    La grande majorité d’entre eux en font une véritable carrière et les élus d’aujourd’hui créent des postes à ceux qui ne l’ont pas été…une grande famille en sorte qui se trouve en marge de la Société, la vraie.
    Aujourd’hui nous avons besoin peut être plus d’un animateur, d’un fédérateur pour mettre autour d’une table celles et ceux qui « savent » ce qu’est la vie. des tables qui révèleront à coup sûr des personnes capables en suite de diriger ce pays comme un Pacha dirige son navire.
    Alors et seulement après que ce peuple aura déterminé ce qu’il y a de bon et nécessaire pour lui, la politique retrouvera ses lettres de noblesses et surtout sa véritable place.
    Ensuite on pourra toujours s’intégrer dans l’Europe.
    Ce n’est toujours qu’un avis!
    Cordialement
    LUDO

  7. Bonjour Agnès,
    Un petit coup de blues?
    On peut tous revendiquer notre « powerless » devant notre histoire.

    Certes le chemin est long avant de pouvoir espérer retrouver un semblant de bien vivre dans cette « P.t..n de république ».
    Mais déjà ce que nous dénonçons et exprimons sur ce site est une petite victoire.
    Des personnes lisent nos propos. Nos propos interpellent les personnes jusqu’au moment où elles viennent apporter leur contribution.
    Au fur et à mesure, une force « tranquille » se construit et finira par payer que ce soit ici ou ailleurs. Peut importe! Faut y croire!
    Que ce week-end soit agréable pour vous!
    GBGB
    LUDO

  8. Bien chers tous,

    J’avoue, j’ai le blues, c’est aussi çà vieillir: se rendre compte que ses illusions de tolérance, de partage, de justice, de réduction des inégalités sont mises à mal avec la réalité; abandonner ses rêves de super héros et super justicier. Se sentir plus Lorrenzaccio que Ruy Blas et ne savoir quoi faire? Ecrire, pour faire avancer quoi?

    Militer où et comment?

    Les associations montrent où le bât blesse sans pouvoir modifier radicalement la donne.

    Ensemble, on fait avancer les choses? Si vous pouviez avoir raison!!

    Bon week end et

    GBGB

  9. [b]Le MEDEF est fâché avec Proust et son roman « à la recherche du temps perdu » !!!![/b]
    Le thème de la dixième édition de son université d’été est
    [i][b] »A la recherche des temps nouveaux »[/b][/i],

    C’est que la crise a fait des dégâts dans les rangs patronaux.
    La débâcle des marchés financiers semble avoir chahuté la patronne des patrons.
    temps nouveaux , temps nouveaux ….CE QUI FUT SERA !!!!!
    …Tables rondes, hélicoptères, cocktails et invités VIP

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