Si les idiots volaient… et les voleurs se balançaient… Au moment où j’écris ces lignes, au risque de passer pour un farfelu, je ne sais toujours pas quel est le « grave secret » que Mouammar Kadhafi détient sur Nicolas Sarkozy « en lien avec le financement de sa campagne électorale ». Quelle campagne ? 2007 ? 2012 ? Et si, pour une fois, Thierry Meyssan, du Réseau Voltaire, ne s’était pas avancé trop loin en évoquant une vente d’Airbus présidentiels « au clan Ben Ali avec rétrocommissions au clan Sarkozy ? ». Le chef d’escadrille Kadhafi aurait-il été préalablement contacté pour ajouter un Airbus à ses Falcon ? Bénéficie-t-il des fuites des futurs « pilotes » français de l’élection présidentielle ?

J’éprouve toujours quelques réticences à traiter des révélations de Thierry Meyssan. La vidéo qu’il avait diffusée via Mecanopolis sur Daily Motion ne m’avait guère convaincue. Trop elliptique. Mais puisque Nicolas Beau, sur son Blogue Tunisien, dans son billet « Ce que masque la démission de MAM », estime lui aussi que « les vacances de rêve de la ministre (…) sont donc la partie émergée d’un iceberg de corruption dont Nicolas Sarkozy en personne est partie prenante, » j’ai reconsidéré ma première impression.

Cette fois, c’est le Comité Valmy qui estime qu’un Airbus présidentiel A319 aurait été vendu 32 millions d’euros à… qui au juste ? Tout d’abord, comment estimer la valeur d’un tel avion ? Davantage qu’un autre sur le marché de l’occasion qu’il faudrait réaménager pour le rendre conforme aux besoins de l’aviation d’affaires de grand luxe ? Moins qu’un autre puisqu’il faudrait l’adapter au transport de passagers moins illustres ? Ne rentrons pas dans les « détails », mais relevons que, tout comme Denis Robert dans l’affaire Clearstream, le Comité Valmy, faute d’atteindre un résultat, a mis en œuvre des moyens sérieux pour établir des hypothèses. D’où ses dix questions publiques dont les cinq premières valent d’être reproduites :

• Qui Nicolas Sarkozy a t-il mandaté pour procéder à la vente des avions F-RBFA et F-RBFB ?

• 2. Se porte t-il garant de la régularité des procédures ?

• 3. Est-il intervenu directement dans ces opérations ?

• 4. Michèle Alliot-Marie est-elle intervenue dans les ventes des avions F-RBFA et F-RBFB ? A t-elle traité de ces affaires avec des représentants de l’Etat tunisien, des sociétés NouvelAir, Tunisair, TTS Financière ou Karthago Airlines ?

L’acquisition d’un Airbus A330-200 entièrement réaménagé dit « Air Sarko One » qui était annoncée compensée par la vente de deux appareils Airbus moyens courriers A319 CJ, acquis en 2002 selon une procédure que le Comité Valmy trouve étrange (puisqu’ils auraient été « vendus à l’étranger »), n’est pas vraiment un projet remontant à la mandature Chirac. Le premier a été officiellement vendu à la présidence sénégalaise et selon Le Parisien, le second intéresserait « des clients privés et des États ». La Lybie de Kadhafi, la Tunisie de Ben Ali ? La Biélorussie de Loukachenko ?

Cette vente était programmée déjà quand Kadhafi est venu planter sa tente à Paris. Lui fut-il proposé de se porter acquéreur de l’un d’eux, à quelles conditions, via quels intermédiaires, avec ou sans baignoire, et après avoir trempé dans quels bains ?

Toujours est-il que les deux Airbus A319 ont un beau jour de novembre 2010 été acheminés à Bordeaux. Le premier mars 2011, l’un d’eux, le F-RBFB, est répertorié de propriétaire inconnu par un site allemand, encore sous pavillon militaire français pour un site suédois. Puis, le lendemain, 2 mars, il est signalé sur le tarmac de l’aéroport de Genève. Conclusion du Comité Valmy : « Si l’appareil n’est plus à Genève, que la justice suisse rende publique les conditions de l’escale à l’aéroport de Genève, sa destination et les informations collectées à cette occasion sur son opérateur et son propriétaire. ».

Quant à un éventuel « lourd secret » détenu par Kadhafi, à cette minute, je n’en sais pas davantage.

Je relève que le bureau d’Oslo de l’AFP fait état d’un câble diplomatique révélé par Wikileaks selon lequel la compagnie libyenne NOC, filiale de Total et Wintershall, aurait concédé du brut à Seil al-Islam Kadhafi, lequel aurait « des liens solides avec des industriels et des hommes politiques français de premier plan. ». Les sources de Kadhafi sont-elles primaires (découlant de ce qu’il saurait directement) ou secondaires (des fuites provenant de milieux d’affaires ou politiques français) ? Dans le second cas, c’est dire sous quels auspices se présente la campagne présidentielle de 2012, avec ou sans le candidat Nicolas Sarkozy.