Selon diverses sources, Nicolas Sarközy, s’exprimant en conseil des ministres, aurait estimé que les journalistes disparus depuis plus d’une semaine en Afghanistan, dans la région de Kapisa tenue par la Force LaFayette sous commandement opérationel français, auraient fait preuve d’inconscience. Il aurait jugé « insupportable » que ces journalistes auraient « mis en danger la vie de militaires français » déployés pour tenter de les retrouver. Hier, mardi 5 janvier, l’agence officielle chinoise Chine Nouvelle indiquait que les talibans avaient revendiqué d’avoir tué quatre militaires français dans la zone en question…

 

Publiée dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 janvier, une dépêche Chine Nouvelle, reprise par divers médias chinois et étrangers fait état d’une revendication de quatre pertes françaises au cours de violents combats dans la région de Kapisa…
 
Les correspondants à Kaboul de Chine Nouvelle ont reçu un appel téléphonique de Zabihullah Moujdahid qui, depuis une zone de combats dans la province de Kapisa auraient  « lancé mardi après-midi une attaque contre les troupes françaises dans la province de Kapisa (…) tuant quatre soldats français. ». Zabihullah Moujdahid, porte-parole du groupe taliban, précisait que « les talibans n’ont pas subi de pertes » mais que les combats se poursuivaient…

Le nombre exact des troupes françaises, estimé à plus de 3 000, leur composition, voire leur rôle exact (appui des troupes afghanes, formation, interventions autonomes directes…), font l’objet de peu d’informations circonstanciées. Pour sa part, mercredi matin 6 janvier, le centre de commandement de l’ISAF n’avait pas fait état de pertes depuis le 31 décembre dernier (quatre soldats canadiens et une journaliste qui les accompagnait à bord d’un véhicule ayant explosé du fait d’une bombe artisanale).

Selon l’AFP, qui avait fait état lundi d’accrochages dans le secteur de la base française de Tagab, 800 soldats français, dont des chasseurs alpins, et des gendarmes mobiles issus des brigades de Chauny (Aisne) et Versailles-Satory,seraient déployés dans la province de Kapisa sous les ordres du colonel Vincent Pons. La localité de Tagab avait été le cadre d’une opération des insurgés afghans qui avait fait, le 16 novembre 2009, 13 morts parmi la population civile. C’est aussi dans cette province que deux journalistes français, et leurs « fixeurs » afghans, ont disparu.

Faut-il voir une corrélation entre cette revendication et la réaction de Nicolas Sarközy en conseil des ministres ? Cette réaction appelle divers commentaires…

D’une part, la visite du ministre de la Défense, Hervé Morin, avait été fortement médiatisée et le déployement des unités françaises, qui ont obtenu une relative autonomie de commandement pour les opérations courantes de la part du commandement de l’ISAF (la force multinationale d’intervention) et de l’état-major de l’Otan, a suscité de nombreuses incursions de journalistes dans la province. La plupart de ces journalistes agissent en relation étroite avec les officiers français chargés des médias dans cette zone. Les deux journalistes disparus avaient-ils ou non fait part de leurs intentions à leurs correspondants militaires ? Quelle avait été la réponse exacte de ces officiers ? Avaient-ils proposé ou non une escorte ? Sans précision sur ces points, il est difficile de se prononcer sur le degré de risques assumés entièrement par ces journalistes…

Quant à l’inconscience des journalistes, elle est moins discutable que celle des décideurs américains ayant favorisé la déroute des troupes soviétiques en Afghanistan avant de faire prendre leur relais par une expédition armée multinationale. Alors qu’un soldat britannique ayant refusé de retourner en Afghanisant en 2007 sera jugé pour désertion fin janvier, les pertes britanniques s’élevaient fin 2009 à cent tués et plus d’un millier de blessés. La plupart des blessés au combat en Afghanistan le sont très lourdement et restent majoritairement handicapés… La révélation du scandale des frais fantaisistes des parlementaires anglais s’était produite à la suite d’une fuite provenant de fonctionnaires outrés de constater les très faibles indemnisations des militaires blessés sur les fronts afghans ou irakiens.

Alors qu’il est à présent reconnu que le président G. W. Bush et le premier ministre Tony Blair avaient abusé leurs opinions respectives en faisant état d’armes de destruction massive en Irak, il semble plutôt que l’inconscience des médias avait consisté à se prêter aux menées de désinformation des gouvernements américain et britannique. En France, de nombreuses voix se sont élevées au sein des forces armées pour mettre en doute la validité des opérations en Afghanistan.