Charles Duchêne, auteur et éditeur de la maison BTFConcept, poursuit la salutaire démolition des arguments de langage de l’UMP et de Nicolas Sarkozy. Il est présent avec son dernier bébé à la Fête de L’Huma où il serait bien capable de vanter le croustillant hollandais (François) dans le fumet des merguez. Par réalisme. Mais il n’en est pas à un paradoxe près… Allez, Charly, encore un effort pour être résolument « ouf ».

« Quelques jours avant de mourir en mars 2010, j’avais apporté à mon père ses journaux préférés… ». Sic transit Gloria mundi. C’est la tête du chapitre ouvrant la page 149 de l’opus Le Best-ouf de Charly, dont l’auteur, Charles Duchêne, dit « Le Grand Chêne-Chêne » (de ceux qu’on n’abat pas) n’est forcément plus celui qu’on pense.
Par conséquent, celui qui tient le stand des éditions BTFConcept au « Village du Livre » de la Fête de l’Huma, cru 2011, est forcément un imposteur. Un sosie.
Pour un abonné du Canard enchaîné de père en fils, dont le dernier ouvrage s’orne d’une caricature de Sarkozy signée Delambre, dessinateur du volatile (enfin, pas celui d’Henri Guilac – eh, j’ai évité le piège, voyez comment on aurait pu tourner cette phrase autrement), c’est très fort.

À force de scruter l’info au travers du miroir de la presse déchaînée, Charly est tombé dans les siens, de travers.
Bah, j’en ai commis bien d’autres, et l’essentiel, avec cette citation authentique, est de vous faire toucher du doigt comment Charly s’adresse à vous en confidence et d’apporter un peu d’eau au moulin de cette terre de contraste qu’est la Sarkozye, le Sarkoland.
J’ai quelques autres poncifs de la sorte en cave, que Charly évite – à juste titre – de nous resservir en topiques et clichés usés.

Son bouquin est pourtant du réchauffé. Comme les restes de la choucroute de la veille, si vous les faites revenir, elle est encore meilleure.

Sarko non compatible

Marri de ne pouvoir faire retirer son anthologie du quinquennat en cours, constituée par Chacun pour soi, en passe d’être retiré de la vente, ou Pas vu, pas pris et Après moi le déluge, très bientôt épuisés, Charly se livre à la publication d’un florilège de leurs morceaux choisis. Oui, mais actualisés, revisités avec le recul et au parfum de l’actualité plus récente. En à côté, figurent par exemple les passages sur les comportements de certains auteurs connus en divers salons du Livre, renommés ou moins fréquentés, et la fameuse séance de récupération des points du permis de conduire perdu. Du social, du vivant, de l’humain, du vécu, mis lestement en perspective, car Charly raisonne « politiquement ». C’est politique, oui, même les mesquineries des auteurs en dédicace, même l’arnaque visant les automobilistes. Ce qui rime avec populiste ? Pas sûr. Pas comme cela.

La prose de Charly, qui veut rester accessible à toutes et tous, ne vole pas énormément plus haut que celle d’un d’Ormesson, mais c’est beaucoup plus jouissif.

Son Sarko bashing a dû cesser d’être actualisé peu ou prou lors du voyage de Dominique Galouzeau de Villepin en Tunisie pour servir de truchement officieux entre les « révolutionnaires libyens » et les chouans kadhafistes (le voyage n’a servi à rien, on le sait ; mais au temps pour moi, la phrase est bancale… histoire d’être dans le ton de Charly). Voyage, voyage, comme pour les Rroms en tramway. Il n’y a donc point de morceaux de Bourgi, Djouhri ou Takkiedine dedans, ou peu. Les cons sont comme les clous et les pourris, ils se chassent… l’un l’autre. Mais pour que Sarkozae fecit pontem, si possible prolongé le plus longtemps pour nous ménager des jours fériés et chômés de sa présence, soit que le sien, de pont, s’effondre, toute semaille de pointes est bonne.

Au coin du bon sens

Vous vous souvenez du coup du ticket de métro ? C’était en 1974, et Françoise Giroud demandait en benoîtement à Valéry Giscard le prix du « ticket chic, ticket choc » jaune à bande marron qui venait d’être instauré. La première augmentation du prix du dit ticket fut de cinq centimes 1919. Il devait être, avant juillet 1974, à 80 centimes (de « nouveau franc », soit 12 centimes d’euro) et le destin de Giscard, qui l’ignorait totalement, n’était pas encore lié à son augmentation.
Charly, qui vit dans le Nord, pourrait vous indiquer celui d’à présent. Il relève aussi que, dans un Aldi, « la bouilloire en promotion, la cafetière à un prix dérisoire, le grille pain de qualité au prix du chinois [pas de celui de pâtisserie, Ndlr] sont “made in Deutschland »… leur pendant chez… [nommez-les, Ndlr] est toujours chinois. ». Et pas moins cher. C’est pas compliqué à comprendre, le chômage, le pouvoir d’achat…
Sarkozy, quand il pérore sur le chômage, aime bien interpeller l’auditoire avec une réflexion pleine de gros bon sens. Ne tentez pas de répliquer avec une anecdote de Charly, vous finiriez au poste ; si ce n’est oblitéré au flashball, au Taser™. Mais pour vos argumentaires du Café du Commerce, si méprisé par Bernard-Henri Lévy, Charly vous fournit tout plein d’éléments de langage. Évidemment, au Fouquet’s, dont pas davantage l’amphitryon que les convives ne fréquentent les Ed ou autres Lidl, cela risque de tomber à plat (pas grave, il y a une cloche en argent dessus). Le ticket T+ est à 1,70 euro, de nos jours, soit 11,50 FRF. Au centième de la course en voiture de remise. Pour dix fois moins cher (10 euros), vous repartez de la Fête de l’Huma avec le bouquin de Charles Duchêne en poche. Et de quoi sauter au dessus des tourniquets de la RATP sans même y penser, en le lisant sur le chemin du retour. Ce qui, sauf pour les abonnés, réduit d’autant le coût de l’achat. Songez-y !

P.-S. – sur la couverture, vous aurez reconnu, au choix, le « rassureur » des marchés narguant la crise grecque et européenne, ou Monsieur X (% de mécontents) affrontant le ras-le-bol de ses ex-électeurs. C’est selon votre imagination, en fait.