D‘après le calendrier orthodoxe, aujourd’hui  samedi saint est le jour de célébration du Feu sacré : une cérémonie qui prend ses sources à l’église du Saint- Sépulcre à Jérusalem. Tous les ans, à la même date, des chrétiens venus de partout s’attroupent devant le lieu Saint pour assister au miracle annuel. 

Le moment venu, tous,  bras tendus, tiennent un cierge éteint. En fin de matinée le patriarche grec orthodoxe, Theophilos III, muni lui-même de deux cierges s’introduit dans une chapelle plongée dans une totale obscurité. Alors que le dignitaire religieux s’agenouille pour réciter le même rituel depuis des siècles,devant le tombeau du Christ, la foule scande en chœur: « Kyrie Eleison », « Seigneur, prends pitié »! 

Jaillit alors de la pierre tombale, la flamme sainte, bleuâtre, qui tourbillonne et vient allumer cierges, lampes à huile ! Et la voilà qui se propage à l’extérieur ; elle virevolte, danse, court éclairant tout sur son passage. Les pèlerins émus se laissent caresser par cette  flamme bénie, inoffensive.  

En l’an 137, l’empereur Hadrien avait construit en lieu et place du tombeau du Christ, un temple à la gloire de Vénus. Constantin met fin à ce sacrilège et c’est en 323 sous l’impulsion de sa mère, sainte Hélène, que la basilique du Saint-Sépulcre voit le jour. Et c’est depuis le IVe siècle, que l’apparition de cette surprenante lumière est fidèle à cet immuable rendez-vous. 

Le miracle ne survient toutefois que sous l’unique invocation de l’archevêque orthodoxe de Jérusalem. En 1099, la tentative des Croisés s’était soldée par un échec, à la grande colère des foules présentes sur place. Au XVIe, le patriarche arménien à son tour, vécut cette malheureuse expérience : malgré ses interminables prières, non seulement le tombeau ne fusa pas le feu, mais plus loin, à son nez et à sa barbe, une colonne située à l’entrée, se fendit, laissant dégager la flamme sacrée. Comble de la discrimination, une bougie tenue par le Comité permanent patriarche orthodoxe, s’éclaira. 

La colonne porte toujours la marque du feu et les orthodoxes qui viennent s’y recueillir lui vouent une adoration particulière. Aujourd’hui, les grandes capitales de l’orthodoxie recevront cette flamme sainte d’où elle sera acheminée vers plusieurs villes. A 20h10, ce soir, elle arrivera aussi tout droit de Jérusalem via Amman à Beyrouth pour atterrir à l’Eglise St Georges des grecs orthodoxes, au grand bonheur des fidèles. 

Ces derniers, pour faire durer ce sentiment de plénitude, ont pris l’habitude d’emporter chez eux un petit bout de miracle à bichonner. Une Libanaise confie à l’Orient le Jour avoir entretenu à son domicile cette flamme, en la faisant passer d’un cierge à un autre durant toute l’année; malgré la taille appréciable du cierge, elle se serait éteinte sans justification rationnelle, pile-poil, le samedi saint. 

Pour la seconde année consécutive, les orthodoxes syriens eux, ne connaîtront pas de procession. Malgré le renforcement de la sécurité autour de leurs lieux de culte, aucun Syrien n’a intérêt à s’aventurer par les temps qui courent ! La fin justifiant les moyens, il n’est pas rare non plus, en temps de guerre, de voir jouer la carte confessionnelle. Les privilégiés de la communauté quant à eux, ils ne rateront pas ce grand moment qu’ils vivront à Beyrouth.