Dans une petite reculée aménagée, depuis des décennies, en jardin public très fréquenté par les habitants et les touristes.. Havre de fraîcheur au cœur d’un espace vert dans la « vieille ville », à la sortie Sud du village de Saint-Pons de Thomières, en direction de Mazamet, la source du Jaur sourd, en une belle nappe cristalline et fraîche, – 10° C en été -, aux pieds d’une abrupte paroi rocheuse de 37 mètres de haut, le Roc de la Masque, – le rocher de la Sorcière -.

 

Exsurgence de type Vauclusien, elle apparaît sous une grande arche de 18 mètres de large sur 6 mètres de haut d’où s’écoule, lentement, une rivière profonde de 1 mètre en période de basses eaux. Cette arche se trouve au pied d’une petite falaise calcaire limitant une zone rupestre de petite dimension. La source constitue un point d’alimentation en eau potable. Par ailleurs, la partie souterraine de la grotte, réseau de galeries karstiques, en relation avec le réseau de Roque Pistole, est de très grande dimension.

 

 

S’approchant de cette gueule béante, le visiteur se demande : « qu’il y a-il derrière ? » et « que cache cette curiosité naturelle qui ne date pas d’aujourd’hui ? ». En effet, dans la région de Saint Pons, une partie des séries supposées d’âge Briovérien supérieur, – 590 Ma à 540 millions d’années -, à Ordovicien, – 488,3 à 443,7 millions d’années -, est en réalité d’âge Viséen, – 345 à 326 millions d’années -. En continuité avec le Dévonien supérieur, – 385,3 à 359,2 millions d’années -, daté, le Viséen est représenté sous son faciès régional classique de lydiennes, calcaires et séries greso-pélitiques. Il affleure au coeur de faux-anticlinaux tardifs, – dont la faille du grand synclinal Salessa-Jaur -, affectant une série renversée. Sur la base de ressemblances lithostratigraphiques, l’unité du St Ponais appartient à la plus haute des nappes du versant sud de la Montagne Noire.

 

 

Fascinés par le site au centre d’une région intensément active et hospitalière, depuis le Ve millénaire avant Jésus Christ, les hommes l’ont occupé et sont même allés jusqu’à le vénérer comme un Dieu et, plus tard, ils ont choisit sa proximité pour créer, dans un environnement favorable à la vie, une villa gallo-romaine et, au Moyen-Âge, un hameau, Thomières.

 

La découverte et l’exploration de la grotte-source du Jaur.

 

Souvent explorée au XIXe siècle, – en 1841, le capitaine du Génie, Martin Benoit, découvrant une série de galeries dont celle « du Pendu », des ossements de squelettes humains du Néolithique ou du Chalcolithique, et reconnaissant les premiers lacs ; en 1891, le géographe Joseph Vallot, fondateur de l’observatoire du Mont Blanc, après avoir poussé ses incursions jusqu’aux gouffres du Veau et de l’Equerre, portant à 250 mètres le développement des galeries ; et en 1893, Edouard.-Alfred. MARTEL dépêchant, sur les lieux, Louis Armand et M. Bourguet, lesquels découvrant un étage supérieur et, en compagnie de M.Sahuc, d’importants gisements archéologiques -, elle fait l’objet d’une légende selon laquelle la source ne serait autre qu’un monstre pétrifié par un couple par les dieux à qui l’on aurait dédié le sanctuaire de Saint-Martin du Jaur, seulement éloigné de 30 mètres de la résurgence, une église qui aurait succédé à un temple païen plus ancien.

 

 

Dès 1862, un Saint-Ponais décide d’équiper et d’agencer, à des fins touristiques, – certainement la première cavité souterraine aménagée de France -, la grotte-source du Jaur et permettre, ainsi, son ouverture au public. Un bar, un magasin de souvenirs et un musée furent, à cet effet, installés à proximité. Elle gardera cette vocation touristique jusqu’en 1905.

 

 

En 1910, Robert de Joly découvre deux nouveaux lacs mais l’origine des eaux de la Source du Jaur demeure un mystère et, inlassablement continuant ses explorations, avec toujours plus de médothologie, il se heurte à des syphons infranchissables tout comme s’y sont « cassés les dents », entre 1954 et 1955, Jean Benoît et le spéléoclub de la Montagne noire.

 

Les exploration récentes de la grotte-source du Jaur.

 

Les périodes de sécheresse, qualifiées pompeusement d’exceptionnelles ou d’historiques et attribuées à un pseudo réchauffement climatique anthropique, n’étant pas l’apanage du XXIe siècle, dans le Midi méditerranéen, en 1960, le spléoclub saint-ponais, et son président, Gabriel Rodriguez, profitant de l’une d’elle et des basses eaux qui en résultent, progressent dans l’entrelacs de galeries, de siphons, de puits et de lacs qui composent le réseau souterrain du Jaur.

 

 

S’appuyant sur des travaux et des recherches précédents, assis sur la méthode de coloration des eaux, qui avaient apporté preuve que la source du Jaur n’était qu’une résurgences des pertes, en amont, du Thoré, et la découverte, par désobstruction en 1955, de la grotte du Lauzinas, 6.100mètres de développement, ils déterminent que les deux complexes sont en conjonction, probablement par le « Lac des échos », – à moins 130 mètres – , d’une part, et que, d’autre part, celui de la source du Jaur en est le réseau inférieur.

 

 

Et, depuis, les techniques de plongées évoluant, Bob Destreille et ses plongeurs, explorent, en 1966, la plupart des conduits post-siphon, Claude Chantemesse et Michel Enjalbert découvrent, en 1979, un nouveau plan d’eau prolongé par un syphon qui sera reconnu, sur environ 10 mètres, en septembre 1989, par Michel Enjalbert et Frank Vasseur, Au cours de cette même expédition dans les entrailles du Jaur, les deux hommes explorent deux petits puits noyés, la diaclase du second lac et les galeries supérieures post siphon, sans qu’aucune jonction n’ait pu être établie entre les réseaux grotte-source du Jaur et grotte du lauzinas.

 

Les concrétions de la grotte-source du Jaur.

 

La grotte-source du Jaur, d’accès interdit sauf pour les spéléologues bénéficiant d’une autorisation, n’est pas « visitable ». C’est pourtant une grotte vivante et authentique qui se caractérise par la finesse de ses concrétions, la pureté et la beauté de ses formes variées, tout particulièrement dans le réseau Lépine, et par des fleurs et des lustres d’aragonite, des coulées de calcite, de parfaites draperies aux formes surprenantes, des dolomies corrodées, et des monocristaux de sélénite.

 

 

Concrétions, chef d’œuvre de la goutte d’eau et du temps, plusieurs autres types de cristallisations, en outre, se découvrent dans le labyrinthe de galeries et de lacs : les stalactites grossissant à mesure qu’elles s’allongent, les stalagmites aux lamines qui enregistrent le temps, les fistuleuses, les excentriques géométriques et serpentiformes, les rideaux de calcite et les colonnettes et les piliers.

 

La légende de la Source du Jaur.

 

Dans les temps antédiluviens, quand les Dieux courtisaient les filles des hommes, un monstre, moitié serpent, moitié dragon, happait les gens sur son passage au moyen de sa langue. C’est alors, qu’un couple de divins, Divanona et Divanogétimar jetèrent un mauvais sort et pétrifièrent l’animal. Ainsi, en nos temps présents, la gueule de l’animal, – la cavité -, et sa langue, – la nappe d’eau -, sont toujours visibles.

 

 

C’est dans la rue de l’Empéry, celée dans le tableau d’une fenêtre, qu’une plaque de marbre, visible dans le hall de la Mairie, a été découverte. Gravée avec minutie, en bas latin,, elle dévoile une inscription se rapportant à des divinités locales : « Lucius Coelius Rufus, Julia Severa sa femme, Lucius Coelius Mancius leur fils, à Mars Divannon et à Mars Divanogetimarus, avec une juste reconnaissance, en accomplissement d’un voeu. »

 

L’occupation humaine et faunistique de la grotte-source du Jaur.

 

En 1841, lors de la première exploration connue de la grotte source, le capitaine du Génie, Martin Benoit, avait découvert des ossements de squelettes humains. Et, en 1893, Louis Armand, M. Bourguet et M.Sahuc avaient exhumé d’importants gisements archéologiques, non ou mal exploités, dans un étage supérieur. Cela laisse entendre que la caverne, conjointement aux autres cavités saintponaises, avait été investie, – habitat troglodyte ? ou lieu cultuel et de sépulture ? -, par les hommes du Néolithique, du Chalcholitique et des Âges des Métaux, et que son entrée, du Ve au Ier millénaires avant Jésus Christ, – bien que les périodes Chalcotiques et Bronze Ancien aient été humides, mais pas torrentielles, et aient permis des dépôts stalagmitiques -, non ennoyée, – à moins que les hommes préhistoriques y pénétraient par l’œil du Jaur situé sur la droite du proche-résurgence, à 30 mètres du sol -, permettait le passage et l’accessibilité aux galeries.

La grotte-source du Jaur abrite de très importantes colonies de chauve-souris tels le Rinolophe euryale, – Rhinolophus euryale -, espèce rare dans la région languedocienne, le grand Rhinolophe, – Rhinolophus ferrumequinum -, le grand Murin, – Myotis myotis -, le petit Murin, – Myotis blythii -, et tout particulièrement le Minioptère de Schreibers, – Miniopterus schreibersi -.

 

 

Le Minioptère de Schreibers est une espèce de chauve souris crépusculaire et nocturne au vol rapide et assez haut. Sa période d’hibernation, dans des cavités spacieuses et fraîches, autour de 7°C, est relativement courte, de décembre à fin février, en fonction des conditions climatiques locales. Les accouplements ont lieu en automne, de préférence dans des grandes cavités chaudes et humides. Son cycle de reproduction diffère de celui des autres chiroptères européens, puisque la fécondation a lieu tout de suite après l’accouplement. Par contre, le développement de l’embryon est différé et ne reprend qu’au début de l’année suivante lors du transit vers les sites de printemps. L’unique jeune de l’année nait début juin à mi-juin. Dans les colonies d’élevage, les mères s’occupent collectivement de leur progéniture et allaitent n’importe quel jeune de la colonie. Les jeunes sont volants à 5-6 semaines.

 

Cette espèce utilise la grotte-source du Jaur comme lieu de mise bas. Chaque année, il est recensé entre 5 et 6.000 individus exclusivement cavernicoles qui deviennent de plus en plus rare. Certes la grotte-source du Jaur où il ne se peut y accéder que par un puits de 12 mètres précédé d’une porte verrouillée ou par barque, est difficile d’accès et de très exceptionnelles sorties tenant compte des périodes de reproduction et d’hibernation sont organisées. Et bien que peu fréquentée, une nette diminution de la population de chauve souris, depuis quelques années, est constatée. Et si l’éclairage urbain perturbe les populations de chiroptères, d’autres causes, comme la biennale du marbre, – beaucoup de jeunes ayant été retrouvés morts suite à cette manifestation -, ou la réfection de la route de Castres soulevant beaucoup de poussière à l’intérieur de la cavité ne sont pas étrangères à cette diminution.

 

Article en relation avec Saint Pons de Thomières :  Saint-Pons-de-Thomières : Préhistoire saint-ponienne.