Ruth Rendell : L’été de Trapellune

L’été 1976 a été superbe, même en Angleterre. Trois jeunes gens et deux jeunes filles se retrouvent dans une grande propriété isolée du nord du Suffolk, bien décidés à en profiter avant de poursuivre leurs études à la rentrée. Des vacances de rêve jusqu’à l’arrivée de la tragédie.

En voulant enterrer son chien, un couple fait une horrible découverte: les squelettes d’une jeune femme et d’un bébé. Naturellement, la presse s’empare de l’affaire et trois hommes Adam, Rufus et Shiva se retrouvent dix ans en arrière lors de cet été 1976 où ils ont passé leurs vacances à Trapellune.

Un nom étrange qui est en fait l’anagramme de Nulle Part qu’a inventé Adam, 19 ans, qui vient d’hériter à son grand étonnement d’une magnifique propriété. Il décide de s’y installer avec son ami Rufus étudiant en médecine avant de la mettre en vente. Car il n’a pas les moyens de l’entretenir. D’où l’idée d’attirer d’autres jeunes et c’est ainsi que les rejoignent Zosie, Shiva et Vivien.

Dès les premières pages, Ruth Rendell expose la situation: il y a eu un crime et les trois hommes sont complices mais jusqu’à quel point? Qui est la jeune morte, Zosie, la femme-enfant, ou Vivien, déçue de ne pas trouver le lieu de méditation auquel elle aspirait? A moins qu’il ne s’agisse de Mary Gage, de Bella ou de Catherine Ryemark dont le nom revient à plusieurs reprises mais sans aucune explication.

Jouant sur l’ambiguïté, passant constamment du passé au présent, Ruth Rendell tient le lecteur en haleine. Elle distille avec art le suspens campant habilement ses personnages. Adam, égoïste, profitant au maximum de sa chance et vendant quelques meubles ou pièces d’argenterie pour payer alcool et herbe, Rufus, plus mûr et qui évite les premières dérives, Shiva, mal à l’aise qui sent bien le racisme latent dans lequel le tiennent les deux autres garçons, Vivien sur qui repose l’organisation et qui tente de mettre un peu d’ordre dans la pagaille et, enfin, Zosie,imprévisible, voleuse, menteuse mais qui a eu un enfant que sa mère l’a obligée à abandonner.

Dans une Angleterre encore très traditionnelle, où ne manquent ni le fantôme du grand oncle d’Adam, ni le cimetière d’animaux, pas plus que le jardinier ou l’homme chargé d’éliminer rats et taupes, ces jeunes ne pensent qu’à l’amour, à l’alcool et à fumer des joints. Cet été est à la charnière de la vie des jeunes gens qui vont reprendre leurs études ou entrer dans la vie active mais c’est aussi une société en pleine mutation.

La fin laisse le lecteur pantois. Si certains ne s’en tirent pas, l’un des protagonistes s’en sort haut la main.Pas très moral mais on n’est pas obligé de s’en offusquer.