J’aime, au petit matin blême, rêveuse, près de la fenêtre close

Regarder le va et vient incessant de la foule qui arpente l’avenue…

Un  bref instant, ces passants inconnus défilent sous nos yeux,

Mais hors de cette scène, qui sont-ils et où vont-ils ?

 

D’aucuns tracent vers un avenir certain  une route déterminée …

D’un pas rapide, ils poursuivent sans faiblir leur voie bien tracée.

D’autres, nonchalants ou rêveurs semblent ignorer vers quel destin

Les conduisent leurs pas, suivant d’un œil vague la feuille qui roule,

Le nuage qui s’effiloche lentement, le pigeon toujours affamé

Ou leur rêve inachevé, commencé dans la tiédeur des draps…

 

Ici alternent des vies que rien ne relie, passent toutes les solitudes,

Se croisent des parcours sans rencontres ni lendemains,

Marionnettes  mues par leur fil, mais sans leur histoire

Que jamais je ne pourrais connaître, imaginant quelquefois

De possibles et curieuses péripéties aléatoires…..

 

Où cours-tu jeune fille rieuse à la rousse chevelure,

dont la démarche bondissante dit peut-être ta joie

De retrouver bientôt celui qui hante tes pensées ?

Et toi, vieillard chenu dont un petit compagnon paisible

Accompagne les pas mesurés et fragiles ?

Quelques chenapans en rupture, heureux de leur liberté retrouvée ,

S’esclaffent en zigzagant  et bousculent une nounou apeurée…

Ces deux beautés noires, ondulantes dans leur boubou coloré

Regrettent-elles ensemble les rivages de leur île oubliée ?

Digne  et compassé comme un notaire de province, jeune homme

au sombre pardessus , à la cravate soignée , rejoins-tu le triste bureau

Où s’étiole ta jeunesse trop sérieuse qui y fut enfermée ?

 

Ce matin, dans mes pensées divagantes , quelques destins se sont croisés,

Points virgule d’une journée qui commence ,  bref instant de rêverie  ,

Dont  le spectacle renouvelé a peuplé mon esprit !