Voilà, je suis dans le train; je quitte mes volcans en cette si radieuse journée. Après 3 semaines d’hibernation, je retrouve ces voyages inhérents à ma vie. Je laisse les tracas de ce quotidien, de cette course au pouvoir de tous ces politicards qui me donnent envie de vomir et ces derniers jours, de cette grève de la S.N.C.F. qui ne servira à rien, une fois de plus. C’était bien avant que les consciences auraient dû s’éclairer. Il était encore temps. La seule action valable, aujourdh’ui, serait de bloquer le pays par une grève générale de 24h au moins. Mais qui s’en soucie ?
Les grèves ressemblent à un défilé bon enfant, alimentées qu’elles sont par la musique, les sifflets, les hurlements, les déguisements et les merguez-frites. Les grévistes se doutent-ils qu’une grève dans le silence, avec pour unique chant celui des partisans, aurait un impact puissant ?
J’ai tout laissé au vestiaire, sans remord. J’ai quitté mes envies de refaire le monde juste pour me laisser bercer par le mouvement sensuel de ce train.
La nature est belle. Elle est prête à exploser, malgré l’annonce de futures chutes de neige. Les sous-bois sont tapissés de perce-neige qui font ressortir la couleur sombre de la terre hivernale parce qu’humide et grasse.
J’adore ce redoux. Les mécontents trouveront toujours quelque chose à redire du genre : "ça promet des catastrophes..!"
Qu’importe, il y en a au moins une qui en profite pleinement, c’est moi et j’espère que vous aussi.
Il y a tant de rêveries dans un voyage, tant de douceur, d’images, d’apaisement, d’excitation, de découvertes humaines et géographiques, d’émotions.
Le voyage force à prendre le temps et fait partie de ces bonheurs sans condition.
Chaque région a ses atouts, son esthétisme, ses charmes. Chaque endroit est différent selon la saison ou l’heure, selon que vous soyiez dans le sens de la marche ou dans le sens contraire, à droite ou à gauche (j’ai toujours rêvé d’un train panoramique entièrement transparent).
On y rencontre des passionnés, jeunes ou âgés, ceux qui ont toujours quelque chose d’intéressant à partager avec vous.
J’ai de la chance. Le train qui m’amène à Béziers roule lentement et ce n’est que pur plaisir pour mes yeux.Les jeux d’ombre et de lumière peuvent être extravagants ou discrets et sont une invitation à la photographie. Parfois, dans mes divagations, je me surprends à me poser cette question "et dans 20 ans, cette nature existera t-elle encore ?" Tant d’arbres disparaissent, tant de terres cultivées remplacent nos forêts… Ce n’est pas un bel hommage que nous rendons là à cette nature sacrifiée au nom de ce modernisme qui nous permet d’oublier avec tant de frivolité nos origines. Elle nous rappelle combien nous sommes instinctifs, nous les animaux dotés d’une conscience. Nous n’avons pas repris nos droits. Nous les avons changés en ayant omis que sans elle, nous ne sommes rien. L’humain s’est placé au-dessus de tout. C’est un conquérant aux dépends de tout ce qui l’a amené à évoluer. En fait, la seule reconnaissance qu’il reconnait est celle qu’il éprouve pour lui-même.
Que c’est beau, ces rais de lumière à travers cette légèreté brumeuse. Tel un buvard, j’absorbe les richesses visuelles que m’offre la nature. Je m’en gave, j’en fais une boulimie, toujours insatisfaite, toujours plus, encore et encore. J’avais oublié comme le chêne, sans ses feuilles, peut être fantasque et gracile. Je retrouve mes ancêtres, ce bonheur sauvage, cette sensation d’être libre, cette partie (dont j’appartiens) intégrante qui fait que le monde est monde.
Je vais, sous peu, arriver dans mon petit village de l’Hérault. Le soleil nous fait profiter de ses derniers rayons dorés et je le remercie, en cette heure tardive, de m’accorder tant de douceur dans sa lumière.
Ce fut un beau voyage!