Ce qui est central dans la perspective de Simoncini (Meetic) c’est le fait que l’utilisateur paye.

Sur MySpace, tout est gratuit. La valeur de meetic est de 510 millions d’euros, MySpace et Facebook environ 10 milliards, sans fare payer qui que ce soit. Et en procurant tous les outils pour la rencontre.

Alors, pourquoi on va tous sur des sites de rencontre payants et pas sur MySpace ou Facebook pour trouver l’âme soeur ? Et à terme, qu’est ce qui justifiera le fait de payer pour rencontrer quelqu’un ?

En gros, les sites de rencontre dans dix ans, existeront-ils toujours ou les réseaux sociaux auront-ils tout englouti ?

Deux conceptions opposées

Il faut le rappeller, les sites de rencontre ne sont pas issus de la même génération web que les réseaux sociaux. Les sites de rencontre sont presque aussi vieux que le web lui même. La promesse est forte : l’âme soeur, la personne auprès de qui on passera ses nuits, avec qui on construira une famille, avec qui on sera en sécurité, avec qui on marchera sur la plage main dans la main… vous voyez déjà la photo avec le bouton “Inscription Gratuite” ? Voilà, vous y êtes, c’est un site de rencontre. Vous remplissez votre profil (en effet, c’est marqué gratuit), et… la gratuité s’arrête là, vous avez offert au site une fiche membre, mais pour voir les autres, il faut payer… Mais voilà, la promesse est forte, visible, claire. Un jour ou l’autre, vous craquerez : ils vous envoient des mails tous les jours. Vous êtes un consommateur, ils sont un produit. Tout est classique.

Les réseaux sociaux eux pensent les choses différemment. A l’origine, il y avait Friendster, fondé par Jonathan Abrams, un informaticien qui adorait les femmes et qui avait eu une idée brillante : on a plus de chance de séduire les amies des amis, que des femmes au hasard. Histoire de confiance, de milieu social, d’intérêts, de sphères, etc… De proximité en somme. Friendster a commencé comme cela, avec un énorme succès, malgré un caractère assez strict du concept (on ne pouvait ajouter comme amis que les amis d’amis, et jouer au saumon pour remonter les 7 (ou 6?) niveaux des relations sociales).

Friendster connu des difficultées, et MySpace apparu, et Facebook. Le premier est libre, bordelique, artistique, pas vraiment beau, le deuxième est élitiste, peaufiné, ouvert. Par les deux, on peut rencontrer des gens. Et le niveau de confiance est, bizarrement, plus élevé que sur des sites de rencontre : la rencontre amoureuse n’est pas une promesse de ces sites, les comportements opportunistes (le dragueur d’un soir qui promet qu’il cherche un mariage et part le lendemain matin à l’aube sans laisser son numéro) sont vraiment amoindris car il y a toute la sphère des amis présents qui instaurent une pression sociale de “bon comportement”.

Car les réseaux sociaux rendent “publics” de nombreuses interactions, limitant par là les débordements. Car ce qui est au centre, c’est la personne et son capital social (ses amis, ses collegues, ses connaissances, les artistes qu’il apprécie), les découvertes qu’il peut faire, les sorties qu’il peut organiser, les biens qu’il peut vendre. Les réseaux sociaux essaient de transposer des pans entiers de la vie “offline” sur la toile. Leur spectre est plus large, plus addictif.

Toutefois, personne ne consentirait à payer pour un réseau social : la promesse est trop vague, et la valeur du réseau est égale au nombre d’amis qu’on a déjà, ou presque (surtout pour Facebook). Même si parfois, on a l’impression d’être sur un site de rencontre :

La recherche sur MySpace

Pourquoi payer ? Comment faire payer ?

Pourquoi dans ces conditions allons nous sur des sites de rencontre ? Déjà je pense pour ne pas à avoir à faire le tri entre ceux qui sont là parce qu’ils sont fans d’Heavy Metal, ceux qui sont déjà avec quelqu’un, etc… Pour rester entre célibataires qui cherchent quelqu’un avec qui construire quelque chose. Les sites de rencontre donc ont besoin de barrières à l’entrée pour filtrer, donner une impression de valeur. Le fait de faire payer, d’être cher, finalement, renforce leur offre, les crédibilise : Meetic augmente le nombre de ses membres en augmentant son prix.

Mais cela peut-il suffire. D’accord, tous ils rajoutent des fonctions, principalement la video. Chez Datingwatch, on attend de voir si ces fonctions prendront vraiment, pour l’instant on a l’impression que la video entre trop dans l’intimité, que naturellement, la prise de contact se fait sur le site, puis sur msn ou yahoo messenger, puis par téléphone, puis la rencontre physique. La video ne peut s’intercaller qu’entre le téléphone et la rencontre physique. Et là, des iChat ou Skype sont très efficaces (et moins couteux pour les sites). La question de l’annonce video également est en suspens (de tout ce qu’on a vu, les gens ne savent pas encore gérer cette image en mouvement d’eux même, leur discours, la voix. Cela ne semble pas prendre.) Donc ces fonctionnalités ne semblent par répondre à une réelle demande (sauf pour les sites “coquins” où les attributs physiques sont clefs).

Donc on a encore l’impression ici que la seule raison de faire payer, c’est de faire payer. Il faut donc chercher ailleurs. Du côté de la sécurité, de la confiance entre les membres. La valeur de ces sites réside ici : que ce soit serieux, limiter le nombre de déception, maximiser le nombre de rencontres potentielles. Le succès des Parship et Ulteem réside ici, et ils ont tout à fait compris le marché :

  1. les personnes sur des sites de rencontre cherchent des gens qui cherchent la même chose qu’eux
  2. devant un fort nombre de personnes qui cherchent la même chose que soi, il faut pouvoir savoir lesquels disent la vérité sur leurs intentions
  3. parmi ceux ci, il faut pouvoir sélectionner ceux avec qui on risque d’avoir une affinité forte (qu’elle soit psychologique, culturelle, sociale, etc…)
  4. enfin, parmi ceux avec qui cela peut “matcher”, il faut savoir lesquels sont honnêtes, disent la vérité sur leur éducation, leur revenus, leur situation familiale, etc…
  5. mettre en place tout ce qui peut faciliter la rencontre

C’est celà que l’on paye. Le fait que la recherche de la personne qui sera la mère ou le père de ses enfants est quelque chose de crucial, de critique dans la vie demande du serieux, des garanties, du service. Cela a une valeur forte, la plus grande : le bonheur, la stabilité affective et psychologique, l’amour. On touche ici aux niveaux 2 et 3 de la pyramide de Maslow. On parle ici des besoins essentiels (à part l’intégrité corporelle) de la vie humaine. Et cela a de la valeur.

Cette tendance vers la sécurité est déjà visible aux Etats Unis. On le voit par la ligne marketing de True.com : “Safer Dating”, par la création du SODA, la Safer Online Dating Alliance (Alliance pour des rencontres en ligne plus sûres), dont fait partie True.com, et PeopleFinders, un site hallucinant qui vous permet de vérifier toutes les informations imaginables sur une personne : dettes, casier judiciaire, travail, propriétés, etc… J’ai tapé le nom de mon oncle d’Amérique, ils l’ont trouvé… Cela fait froid dans le dos d’une certaine manière. Il faut voir comment cette tendance s’adaptera en France dans cette période où l’idéologie française, certaines valeurs culturelles, sont en train d’être remaniées. Pour terminer voici quelques captures d’écran de ces sites :

Youri Regnier

DatingWatch.org