Vous en étiez peut être resté au traditionnel bonus-malus de votre sympathique assureur qui avec le temps devient plutôt un malus-malus pour celui qui utilise sa voiture. Ne gagne dans cette histoire que celui à qui il n'arrive jamais rien ce qui peut arriver si l'on reste dans son garage (mais gare tout de même à la porte, de garage).

En début de quinquennat nous découvrions le bonus-malus fiscal qui, selon votre statut vous faisait ou non bénéficier d'avantages. Prime aux bons conducteurs d'un côté, aux riches contribuables de l'autre. Et puis est arrivé le fameux bonus-malus écologique du bon docteur Borloo.

Notons que par un curieux hasard ces trois concepts s'appuient tous à un moment ou un autre sur l'automobile décidément au coeur de notre existence : c'est elle que l'on assure, c'est elle que l'on affiche comme signe extérieur de richesse, c'est celle qui pollue plus ou moins. On a craint un instant de voir l'écologie imposer sa taxe sur toute sorte de produits mais la tempête est passée pour l'heure de ce côté-là. Et c'est dans un tout autre domaine que revient ce populaire dispositif avec la reconnaissance d'un authentique bonus-malus bancaire. Votre banque perd de l'argent ? pas bien, alors pas de bonus. C'est cet étrange marchandage qui justifierait que 6 banques de l'hexagone gorgées il n'y a pas si longtemps de bonus en tous genre touchent deux fois dix milliards d'euros. C'est parce que la situation est bonne claironne le Ministère de l'Economie, enfin moins pire qu'ailleurs. Cela étant BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole, peuvent en effet se targuer de confortables bénéfices en 2008, de respectivement 3, 2, et 1 milliards d'euros ce qui interpelle un tantinet le contribuable-client-demandeur de prêt qui ne sent guère les évènements évoluer en sa faveur. Il y a, sans être grand financier comme une différence entre bénéficier d'argent public pour prêter davantage d'argent en période de crise, donc risquer plus, et profiter de l'argent public pour rétablir fonds propres et marges. Plutôt que de s'interroger sur cette tendance qui va nous faire porter le chapeau de la crise en préservant, ouf, notre système financier, un petit vent de populisme est largué dans les médias amis : l'Etat prête, d'accord, 21 milliards, d'accord, mais il y a une contrepartie terrifiante : les dirigeants de ces établissements ne pourront s'octroyer de primes et autres largesses de fin d'année. Outre que l'on ne comprend pas bien comment l'Etat pourra vérifier qu'un dirigeant d'entreprise privée a, d'une manière ou d'une autre reçu de substantielles contributions, le sacrifice est bien minime au regard des années fastes passées. On peut tout de même peiner à comprendre ce marché de dupes qui veut justifier la dispersion de 21 milliards contre la non perception de quelques centaines de millions. Bien entendu, je me porte également volontaire pour percevoir ne serait-ce qu'un milliard d'euros, en échange il va de soi que je m'engage à ne pas me verser la prime de 100 millions prévue pour Pâques, ou la Trinité je ne sais plus.
A l'heure d'évoquer de nécessaires réglementations des marchés financiers l'exigence parait bien mince, discrète, de façade. Elle témoigne peut être également d'une fatigue généralisée qui gagne l'Elysée ces dernières semaines. On se souvient du confondant souhait présidentiel de suspendre le permis de conduire des bruleurs de voitures, ou ses visites compatissantes dans les hôpitaux à expliquer que l'argent public a… déjà été versé. Il aurait du ajouter : aux banques…
Tout content de leurs trouvailles, nos édiles enchainent en volant au secours de l'industrie automobile dont ils semblent découvrir aujourd'hui qu'elle est consciencieusement pillée et démantelée depuis des années. Par ceux-là même qui dirigent aujourd'hui ces grands groupes devenus au moins européens et qui réclament leur part du gateau. Le mien, le vôtre, car c'est tout de même de cet argent qu'il s'agit, et à double titre puisque non content de se servir de l'Etat ils vous demandent également de débourser de rondelettes sommes pour acquérir les précieux engins, précieux n'étant pas un vain mot. A ce propos j'ai profité de ce dimanche ouvré des concessionnaires pour m'enquérir de leur santé voire si possible leur remonter le moral. Malgré les incertitudes qui peuvent également accompagner mon devenir professionnel (mais qui s'en soucie je ne suis pas banquier ou constructeur automobile ?) j'étais prêt à confirmer mon intérêt pour changer de monture. Première surprise, le moral des commerciaux est à ce point sombre, me semble t'il, qu'un acheteur ne les intéresse guère. Une façon de me préserver pensais-je. Alors j'insistais gaillardement en interpellant mes glorieux défenseurs de l'industrie française sur leur stock, oui, je suis prêt à participer à l'effort national en visant des voitures en stock. Réponse embarrassée des intéressés : ben on n'en a pas. Dernier effort pour ne pas me tenter, le modèle proposé dépasse de 35% mon budget de départ sans reprise ni financement en prime, si j'ose dire. Voilà qui est donc bien rassurant, au-delà des divagations de nos dirigeants, il y a une espèce de bon sens populaire, une solidarité n'ayons pas peur des mots qui veut que le commercial acculé, désespéré, ne profite pas de la situation, lui pour m'assassiner.
Au final, ne faudrait-il pas envisager un bonus-malus de la solidarité, un financement des opérations justes et utiles, quelques milliards d'euros par ci, des valeurs positives par là. Mais voilà qui est bien révolutionnaire n'est-il pas ? et sans intérêt en fait car c'est bien connu, ce qu'aime les hommes d'argent, ce sont les intérêts. Dommage.