Référendum : comment le gouvernement irlandais veut tromper le peuple

L'affaire nous aurait complètement échappé, tant elle fut discrètement traitée par nos médias, si notre ami blogueur du Trottoir de l'Elysée ne nous avait alerté (il en est aussi question chez notre autre ami des Mots ont un sens) : le quotidien Irish daily mail a intercepté un courrier électronique, qu'il dévoile dans son édition du 14 avril dernier, adressé à son gouvernement par une diplomate britannique en poste à Dublin, Elizabeth Green.

Celle-ci rendait compte de la réunion qu'elle venait de tenir avec un haut fonctionnaire du ministère irlandais des Affaires étrangères, Dan Mullhall. Objet du courriel : rassurer Londres sur l'issue du référendum pour la ratification du traité de Lisbonne, en exposant comment les officiels irlandais s'y prennent pour éviter que le peuple vote Non, en l'empêchant de se déterminer en conscience. Le titre de l'article donne le ton : L'escroquerie du traité. Explosif !

"Les Irlandais ont choisi la date du 29 mai pour le vote [sur le référendum], mais vont retarder l’annonce de cette date afin de laisser le camp du Non dans le flou", écrit Elizabeth Green. Il s'agit clairement d'une manoeuvre destinée à empêcher les partisans du rejet de Lisbonne d'organiser leur campagne, le gouvernement irlandais profitant de son pouvoir de fixer la date pour prendre ses adversaires au dépourvu. Belle leçon d'impartialité démocratique ! "La plupart des gens n’aura pas le temps d’étudier le texte et suivra alors les recommandations des politiciens en qui ils ont confiance", poursuit la diplomate. Ben voyons : il faut surtout vite faire voter les gens avant qu'ils comprennent ! D'autant que l'astuce a consisté en l'écriture d'un texte totalement illisible, de façon à ce que le citoyen ne se rende pas compte que ses représentants félons allaient ratifier le même projet que celui rejeté par le référendum de 2005, comme nous l'avons maintes fois dénoncé sur Plume de presse (et aussi dans son livre frère, Sarkozy, la grande manipulation, dont le chapitre 11 s'intitule Europe : la haute trahison). Dire que Sarkozy ose parler d'un "traité simplifié" !

"Le directeur de la DFA [Département des Affaires étrangères] de l’Union européenne nous a donné le calendrier de mise en exécution du référendum ainsi que des détails du projet de loi qui seront publiés la semaine prochaine, dit encore le courriel. L’objectif est de se concentrer sur les avantages globaux de l’Union européenne plutôt que sur le traité lui même." Toujours le même stratagème utilisé par les oui-ouistes pour escamoter le débat : si l'on rejette Lisbonne, on est contre l'Europe. Il n'y aurait pas d'autre UE possible qu'ultralibérale (avec sa "concurrence libre et non faussée"), militariste (les Etats membres s'engagent à augmenter le budget des armées) et sous commandement américain (via l'alignement obligatoire sur l'OTAN).

logo_Sinn_F_in"Nous sommes inquiets de l’impact potentiel d’accords avec l’OMC [Organisation mondiale du commerce] ainsi que par celui que pourrait avoir Sarkozy", confesse Elizabeth Green. Techniquement, le Taoiseach [Premier ministre] et Dermot Ahern [Ministre des Affaires étrangères] ont estimé qu’il y aurait un petit avantage à laisser le camp du Non [fédéré autour du parti nationaliste Sinn Féin] dans le doute. Le 29 mai était la date supposée dans les plans de travail. Mulhall estime que le choix d’une date en octobre aurait été plus facile sur le plan procédural, mais le risque d’évènements contreproductifs au cours de la Présidence française [de l’UE] – en particulier sur la défense européenne – est beaucoup trop élevé. Nicolas Sarkozy est totalement imprévisible." Explication : la neutralité militaire est inscrite dans la Constitution irlandaise, or le président français entend relancer la défense commune, inscrite dans le cadre de l'intégration atlantiste. Il convient donc de hâter le référendum de peur qu'une annonce fracassante de Sarkozy n'ouvre brutalement les yeux des Irlandais, leur faisant prendre conscience que le traité de Lisbonne va troquer leur neutralité pour une canichisation aux ordres de l'Amérique. Hypothèse plausible : l'ego boursouflé de l'hôte de l'Elysée le pousse à tenter de prendre la posture d'un grand homme d'Etat en multipliant les coups d'éclats verbaux, même s'il ne parvient ainsi la plupart du temps qu'à se ridiculiser – et à déconsidérer du même coup la France. Donc nécessité de faire voter les Irlandais avant que ce crétin de Sarkozy ne gâche tout !

"L’autre facteur qui pourrait avoir un impact défavorable sur le vote de mai, selon les Irlandais, serait un accord de l’OMC fondé sur des concessions qui pourraient conduire les puissantes organisations agricoles à retirer leur soutien", explique encore la diplomate. Cette fois en cause, les positions prises par le Commissaire européen au commerce international, Peter Mandelson, qui ont déclenché un mouvement de grève des agriculteurs irlandais. Un accord de l'OMC pourrait leur montrer à quel point Lisbonne les livre pieds et poings liés à la mondialisation néolibérale.

"Mulhall a remarqué que les médias ont été pour l’instant discrets quant au processus de ratification, ajoute la prolixe britannique. Il faudra que nous restions en contact vu l’interférence possible des médias." Traduction : prions que les médias nous laissent encore faire tranquillement nos coups en douce !

"Mulhall a estimé que d’autres partenaires – dont la Commission – jouaient un rôle utile et adoptaient un profil bas, conclut Green. La vice-présidente, Margot Wallstrom, qui était à Dublin hier et aujourd’hui, a dit à Dermot Ahern que la Commission voulait mettre en sourdine ou reporter les messages qui pourraient être contreproductifs." C'est la cerise sur le gâteau. La vice-présidente de la toute puissante Commission européenne en personne est venue dire aux Irlandais : "Ne vous inquiétez pas, on attendra pour aborder les sujets qui fâchent que vous ayiez bien enflé votre peuple !"

no_to_lisbonAinsi se construit l'UE : dans une duplicité totale, par une stratégie concertée de ses dirigeants de camoufler sciemment les réels enjeux à ces idiots de citoyens. Belle démocratie : le seul pays dans lequel le vote de ces derniers ne leur est pas confisqué par des représentants qui s'ingénient à les tromper, l'Irlande, obligée au référendum par sa Constitution, l'organise de la façon la plus opaque possible. Rejoignons le résumé lapidaire de nos confrères de l'Irish daily mail : "Le gouvernement a élaboré un plan destiné à tromper les électeurs lors de la prochaine consultation référendaire sur le Traité européen."

Le scan du Daily mail provient de L'Observatoire de l'Europe après le non, premier portail altereuropéen.

Une réflexion sur « Référendum : comment le gouvernement irlandais veut tromper le peuple »

  1. Mal traité ?
    Bien vue Olivier les destructeurs sont partout et veule rééditer leurs venins j’espère
    que les Irlandais vont avoir les informations pour se référendum !!!
    et pour le reste La démocratie,c’est cause toujours!!!!!
    La dictature, c’est ferme ta gueule !!!!

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