Pour certaines personnes, le formulaire long, distribué au Canada lors des recensements, est une atteinte à la vie privée. Ignorant son utilité d’un point de vue statistique, le premier Ministre Stephen Harper a tout simplement décidé de l’abolir, rendant du fait même passablement moins précis le recensement à venir. Et il est maintenant impossible de revenir en arrière.

 26 juin 2010: Stephen Harper annonce que l’obligation de remplir le formulaire long, pour ceux qui le recoivent, sera levée. Il était en effet obligatoire de le remplir, sans quoi on pouvait (en théorie) aller en prison. En théorie, car il n’y a jamais eu aucune comdamnation à ce sujet.

 Les partis de l’opposition se sont vite opposés à cette décision, de même que différents groupes, tels les professionels de la santé. Le brassage médiatique a d’ailleurs forcé la démission du directeur de Statistique Canada, monsieur Munir Sheikh. Mais pas question pour Harper de revenir sur sa décision.

 Dans un document daté du 25 août, le directeur du recensement 2011, Marc Hamel, affirme qu’il n’y aura bien pas de formulaire long au prochain recensement. Les raisons? Les travaux sur ce formulaire à Statistique Canada ont cessé le 20 mai, plus d’un mois avant l’annonce de la décision. De plus, les formulaires ont été envoyés chez l’imprimeur le 9 août, et il serait trop tard pour revenir en arrière.

 Cela laisse à penser que M. Harper préfère cacher des choses, afin de gagner du temps, que d’assumer pleinement ses décisions, furent-elles controversées. Il peut ainsi plaider l’innocence: «Il est trop tard pour faire quoi que ce soit, désolé. Je n’y peux rien.» Harper rejette la responsabilité sur des événements qu’il a déclenchés de son plein gré, tout en laissant croire qu’il n’y peut rien.

 La conséquence de ces gestes est très grave. Un formulaire long de ce genre donnait des informations précieuses à de diverses organisations. Les médecins, par exemple, affirment que leurs campagnes de sensibilisation seront moins efficaces, puisqu’elles s’adresseront à un public qu’ils ne connaissent pas vraiment.

 De plus, il est assez difficile de trouver un vrai problème de vie privée dans ce formulaire long. Les questions posées (ethnicité, langue parlée à la maison, éducation, revenu, etc), sont certes confidentielles, mais seront diluées parmis environ 6 millions d’autres, et ne seront scrutées à leur niveau individuel que par des employés du gouvernement, travaillant à des milliers de kilomètres, dans la plupart des cas, du lieu d’habitation de la personne qui les a fournies. Plutôt que de privilégier l’intégrité des renseignements de Statistique Canada, le parti Conservateur a préféré donner raison à la minorité qui se plaignait d’une soit-disante atteinte à leur vie privée. Même en admettant qu’il y a une inégalité, dans le sens où certaines personnes ont à révéler plus d’informations que d’autres, cette inégalité est juste car elle profite à la population au complet.

 

 Tout n’est pas perdu, cependant: il sera possible de remplir un formulaire sur une base volontaire. Aucune indication sur son contenu pour l’instant. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre: le fait que ce soit volontaire assurera un taux de participation assez faible, ce qui nous garantit un recensement 2011 de médiocre qualité.

 

Louis Bourdages