"Il n'y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans vaillance" Thucydide

"la musique ? Elle exprime tout ce qu'elle a à dire ; pas de commentaires…" Yehudi Menuhin

Un ancien gros pavé datant de 1985, 8ème volume, consacré à Raymond Aron (1905-1983) nous explique, entre autres histoire et politique, que cet être intelligent était un libéral.

Il est même expliqué comment il aurait été le dernier grand représentant d'une espèce en voie de disparition : les véritables libéraux.

Lorsque je dis aussi que cet être était une des plus belles intelligences du siècle, je ne fais que citer un de ses camarades… :

"J'ai vu émerger de notre adolescence une des plus belles intelligences du siècle. Je l'ai vu ensuite, cette intelligence, aux prises avec l'aventure prodigieuse de ce même siècle. L'intelligence, ce n'est pas une faculté abstraite, ce n'est pas seulement l'aisance à manier l'abstraction. L'intelligence est une des puissances de l'être, une des formes de la vie. Et j'ai vu, en Raymond Aron, vivre l'intelligence. Son admirable machine intellectuelle ne faisait pas de lui un cérébral." (Pierre Bertaux)

Raymond Aron croyait réellement en la vérité de la théorie libérale dans sa pratique politique et citoyenne, et il s'efforçait constamment d'accorder ses idées et convictions à ses actes.

Il vivait une rigueur spirituelle et intellectuelle des plus difficiles à mettre en pratique. Et qui consiste à :

CROIRE AU DROIT DES AUTRES DE PENSER AUTREMENT

Les grands mots en théorie ne sont que du vent. Il ne suffit pas en effet de mourir pour son dieu ou pour sa patrie ? et d'abord, de quel droit ? en quel honneur ? et sous quel ordre ?

Être capable de vivre au quotidien pour la protection des opinions d'autrui que l'on ne partage pas est déjà quelque chose de beaucoup plus difficile à réaliser.

Et ce respect mutuel des droits de chacun vis à vis de chacun constitue l'essence même de la véritable conviction libérale.

Je me risque d'exposer là ma petite incartade personnelle, parce que moi aussi je suis un être pensant qui a envie de s'expliquer :

Parce que

pouvoir entendre un avis qui s'oppose au nôtre ?

quel casse-tête ! quelle remise en question ! quelle réflexion à poser, là… !

sans s'agiter dans tous les sens, telle une girouette, souvent d'ailleurs pour aller dans le sens du vent, pour dénigrer, pour imposer, ou pour avoir raison à tout prix.

Nous n'entendons que bien trop rarement : "tiens, une pensée différente de la mienne ? c'est intéressant… et si j'allais me renseigner et en apprendre davantage sur ce sujet ?"

(petite incartade personnelle terminée. Merci à chacun !)

Simplement, il est nécessaire d'entendre que ce respect mutuel des droits est le seul respect absolu dans une société qui se dit "civile", c'est-à-dire basée sur ce qui concerne chaque citoyen, leur collectivité et leurs rapports sociaux !

Et également que ce respect mutuel des droits va se faire de plus en plus rare davantage chaque jour si nous ne devenons pas plus responsables dans nos choix et dans nos engagements.

Alors peut-être est-ce à chacun d'entre nous de se réapproprier ce respect mutuel pour entendre l'autre, et avoir le choix de lui répondre en tout respect, pour ensuite décider de l'écouter (= obéir !) ou non.

Quant à ce que Raymond Aron pouvait penser de tout système quel qu'il soit, cela peut se résumer à cette anecdote qui nous est contée au début :

Jean-Paul Sartre rencontrant Raymond Aron :

JPS – "Il faut que je me fasse une philosophie. Tu n'as pas une idée, toi ?"
RA – "Regarde donc du côté des allemands. Husserl, tu connais ?"
JPS – "Non !"
RA – "Vas-y voir, tu trouveras peut-être là ce qu'il te faut."

et pendant que Raymond Aron s'occupait à se rendre à Londres, Sartre s'occupait à écrire "l'Être et le Néant" à Paris… chacun en son âme et conscience, en pleine occupation allemande.

Les mémoire de Aron sont un véritable testament-héritage intellectuel relié à l'émotionnel, car il se pose plus de questions qu'il n'assène des réponses toutes faites.

Il se remet en question et il fait son examen de conscience scrupuleux par rapport à son parcours :

"j'incline à croire que j'ai à moitié manqué mon but… (…) …, peut-être avais-je tort… (…) …, quand par bonne chance je disais vrai… (…) …, j'aurais voulu aider à comprendre, mais l'Histoire ne donne pas raison à l'intelligence raisonnable… (…) …, personnellement je n'étais pas sûr de m'être accompli… (…) …, mais en un sens, je pense ne pas m'être trompé sur l'essentiel.".

Il a aussi cette faculté étonnante et si rare d'être plus indulgent et bienveillant pour les autres que pour lui-même.

Peut-on alors reconnaître que ce philosophe avait une véritable philosophie politique et sociale compatissante et généreuse ?

Des qualités indispensables et reconnues pour être un être libéral…

Ce qu'il faut à chacun pour réaliser cela, du bébé au vieillard :

UN ENTHOUSIASME D'ÉCOLIER !!!

Quel bonheur !

Je sens que cet article va plaire à Sophy, notre petite Fée Clochette de C4N !

Je concluerai donc cet article par cette pensée à laquelle j'adhère sans modération :

"J'ai fini par penser que l'éducation "latérale", celle que se donne à elle-même une classe d'âge, combinée avec la formation que chacun acquiert de lui-même par la lecture et l'écriture, est la seule qui compte."

 

Source : Raymond Aron (1905-1983) Histoire § Politique – textes § témoignages – éd.Commentaires Julliard 1985