Stupeur, mais non tremblements, de la part du Premier ministre britannique, David Cameron, qui s’est vu, lors de l’émission This Morning, présenter une liste de quatre noms. Le présentateur, Philip Schofield, lui tend une fiche, avec les patronymes de quatre pédophiles présumés, en lui disant : « Vous connaissez les noms sur ce bout de papier. Allez-vous en parler avec ces gens ? ».  Le Premier ministre britannique, interrogé sur les suites du scandale Jimmy Savile, un défunt animateur de la BBC convaincu à présent de viols et actes pédophiles, a dénoncé l’ébauche d’une « chasse au sorcière » mais n’a pas réfuté l’hypothèse que des réseaux pédophiles aient pu inclure des personnalités politiques, dont certaines de son propre parti conservateur.

Selon Philip Schofield, le présentateur de l’émission This Morning, d’ITV News, il lui a suffi d’une rapide recherche sur l’Internet pour retrouver des personnes citées de manière récurrente en tant que pédophiles, hauts placés, célèbres, liés à la classe politique et notamment au parti conservateur, appartenant ou non à des réseaux. Je confirme, il est assez aisé de repérer diverses personnalités, dont Sir Edward « Ted » Heath, ancien Premier ministre décédé.

Des sites fournissent mêmes des photos (ainsi celle d’un Lord, devenu commissaire européen, « afin de l’éloigner », d’un autre Lord, haut magistrat écossais, d’un troisième, ancien trésorier du parti conservateur, &c.).
Les gouvernements travaillistes ne sont pas épargnés en ligne. Car, c’est « sûr et certain », si le FBI et l’Intelligence Service n’avaient pas collaboré, le gouvernement de Tony Blair aurait dû démissionner en bloc… ne pouvant ainsi faire participer l’armée britannique à la guerre en Irak. Je vous en passe… et de plus « stupéfiantes ».

Je ne reviendrai ici sur le scandale Savile, qui a fait l’objet de divers articles sur Come4News, et a fini par être évoqué par pratiquement l’ensemble de la presse française. L’un de ses développements est qu’un ancien pensionnaire d’un centre éducatif de Bryn Estyn (Pays de Galles) a plusieurs fois indiqué qu’un « Top Tory » (un conservateur très en vue) l’avait violé. De même, un député travailliste, Tom Watson, a publiquement déclaré en séance parlementaire qu’un directeur de cabinet du 10, Downing Street (résidence du Premier ministre), au début des années 1990, fournissait divers politiciens en jeunes ou très jeunes garçons.

Outre Jimmy Savile, diverses personnalités du monde du spectacle ou de la radio-télévision ont été nommément citées ces dernières semaines, mais aussi, 28 présumés pédophiles, dont selon The Guardian, un soutien influent de Lady Thatcher, avaient fait l’objet de plaintes ou dénonciations classées sans suite. Ce, uniquement pour des faits se rapportant à des établissements éducatifs du nord du Pays de Galles. Le nom de Peter Morrison (†1995), membre du cabinet de Margaret Thatcher, a été plusieurs fois publiquement évoqué. Parmi les trois victimes s’étant publiquement exprimées, sans donner de nom, se trouve un actuel conseiller municipal de Wrexham.
Le Guardian a pris contact, à l’étranger où il réside à présent, avec l’un des membres de cabinets ministériels fréquemment évoqués. Ce dernier s’est refusé à tout commentaire.

D’autres mises en cause officielles

Teresa May, ministre de l’Intérieur, a fait savoir que le gouvernement traitait ces allégations avec une extrême attention et les prend très au sérieux. Au Royaume-Uni, la parole est libre devant les cours de justice mais aussi, pour les parlementaires, en séance. Toutefois, si un député en venait à sortir des noms, il pourrait se voir poursuivi en diffamation au terme de son mandat s’il n’est pas réélu. Toutefois, l’opinion publique britannique s’attend à ce que ce soit assez vite le cas.
De ce point de vue, le « stunt » (le coup surprenant) de l’animateur de télévision pourrait hâter les choses.
La députée travailliste Susan Jones a indiqué que, si des membres de la chambre haute, les Lords, venaient à être convaincus de tels actes, leur privilèges et titre nobiliaire pourraient leur être retirés afin qu’ils puissent s’expliquer devant la justice.

Les révélations sur Savile sont désormais généralement considérées telles « la partie immergée de l’iceberg », tant à la BBC ou dans d’autres médias, que dans le service public de Santé ou les gouvernements antérieurs et d’autres cercles étendus, dont l’église anglicane, pour n’évoquer qu’elle.

« Personne ne met en doute le sérieux des supputations (…) mais comme aucun média n’a le cran de mentionner une personne de son vivant, on constate que la suspicion touche de nombreux groupes de personnes », a commenté James Forsyth, du Spectator.

C’est tout le problème du traitement des rumeurs par les médias qui, à la suite de « la rumeur d’Orléans » (une commerçante, puis des commerçants israélites, voire toute la communauté, avait à tort été suspectée de se livrer à la traite des blanches, en 1969), est de nouveau soulevé. Faut-il ou non crever l’abcès, comment ?

En sus, si les conservateurs sont en ligne de mire, il est aussi allégué que le New Labour de Tony Blair avait dissimulé beaucoup de tels faits « sous le tapis ». Les « rouges », comme Anthony Blunt (†1983), un historien n’ayant pu faire défection à temps en Union soviétique, découvert en 1963, et dont le rôle fut rendu public en 1979 par Margaret Thatcher, sont aussi accusés d’homosexualité et d’avoir dévoyés de jeunes garçons. Comme l’a indiqué David Cameron, le risque existe d’une confusion jetant l’opprobre sur toutes les communautés homosexuelles.
Certains sites complotistes, conspirationnistes, évoquent même des sacrifices rituels d’enfants à la suite d’orgies. Conclusion, même si tous ceux étant « de la jaquette » (shirt lifting) ne sont pas pédophiles, « ils sont quand même très nombreux, n’est-il pas ? ». Air connu. 

Controverse dans les milieux gay

Sur Pink News (site d’infos gay), les propos de David Cameron ont été diversement appréciés, des commentateurs relevant que, dans le scandale Savile, et d’autres, des bisexuels et des hétéros étaient tout aussi lourdement impliqués. « Call-me-Dave » (Cameron) aurait ainsi lié la pédophilie « à l’ensemble de la communauté homosexuelle masculine. ».

The Sun s’est doté de deux « Justice Campaigners » (Dr Sara Payne, dont une fille avait été kidnappée et tuée par un pédophile ; Shy Keenan, abusée par son père dans l’enfance puis violée en groupe) et bien sûr une pétition en ligne est diffusée.

Selon The Evening Standard, la liste n’aurait pas contenu quatre, mais cinq noms. The Daily Star avait pour sa part titré sur un « Tory Pædo cover-up ». Soit des enquêtes enterrées par le parti conservateur pour couvrir des politiciens, de hauts fonctionnaires, et des « European bigwigs » (de gros bonnets). Des VIP – dont des hommes d’affaires belges – auraient été conviés à des orgies homosexuelles et transportés par un appareil militaires de RAF jusqu’à proximité de propriétés de « millionnaires ».

L’embuscade dressée par le présentateur a été diversement appréciée ou critiquée. Les uns relèvent que cela fait des semaines à présent que des enquêtes policières sont menées (plus trois, internes à la Beeb, la BBC), sans résultat apparent. Un rapport du Rochdale Council (l’un des lieux où opérait Jimmy Savile) ne sera rendu public qu’en janvier. D’autres soutiennent qu’il s’agit d’un faux événement, et que Philip Schofield aurait gagné à s’abstenir. Pour le moment, une consultation en ligne sur le site de The Independent tend à montrer que l’opinion est à peu près également partagée (51 % approuvant Schofield, 49 % désapprouvant).

Réseaux ou cas isolés ?

La dernière affaire médiatisée de pédophilie concernant un Français est celle d’un cadre d’un groupe hôtelier, Patrick Finet, qui avait quitté le Maroc et son poste dans un hôtel de luxe de Marrakech, dont le procès a été reporté, au Maroc, au 9 novembre. L’intéressé, qui dément formellement les faits, se trouve en Italie et une association, partie civile, a demandé l’émission d’un mandat d’arrêt international. Un autre Français, Henri C., expulsé de Thaïlande, aurait été arrêté, en octobre dernier, à sa descente d’avion à Roissy. Un membre français d’une association humanitaire a été arrêté hier au Sénégal, à Mbour. Il s’agirait de Jacques Thonolier, 56 ans, selon la presse locale. Les mères de ses trois victimes, âgées de 8 à 10 ans, présumées complices, ont elles aussi été arrêtées. Une association locale Stop tonton saï saï (voyou en wolof) pourrait se porter partie civile.

En revanche, l’affaire d’Outreau continue de faire débat, notamment du fait d’une contre-enquête menée par le journaliste Jacques Thomet, qui n’a pas trouvé d’éditeur, mais diffuse la plupart de ses chapitres sur son site. Il invite « les 42 autres enfants d’Outreau victimes de viols à porter plainte pour déclencher une réouverture de l’enquête » (douze victimes avaient été reconnues). Selon lui, au Pays de Galles, 650 enfants auraient été victimes d’un proche de Margaret Thatcher. Il estime que, en 2011, en France, 15 000 mineurs ont été victimes de viols et d’abus sexuels, en s’appuyant sur un rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

En Suisse, le Conseil fédéral a statué que, dès le 1er janvier prochain, les abus sexuels sur des enfants de moins de 12 ans seront imprescriptibles. Les suspectés majeurs de telles atteintes sexuelles seront donc poursuivis et jugés à vie.