Les entreprises sont confrontées au désengagement croissant des salariés qui remet en cause leur modèle de développement. « Les salariés européens sont de moins en moins engagés. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir quitter leur entreprise », souligne une étude récente du cabinet international Towers Perrin. Plusieurs études vont dans le même sens : en raison du manque de confiance envers leur employeur, les salariés n’ont plus envie de se battre à ses côtés…
Selon l’étude Towers Perrin, ce désengagement atteint des niveaux record. Seuls 11 % des salariés européens se considèrent comme fortement engagés, 22 % se sentant totalement désengagés. Et encore, les salariés européens obtiennent des meilleurs scores que leur collègues asiatiques. Seuls 8 % des Chinois "se bougent" pour leur employeur ! Or, l’engagement des salariés n’est pas anecdotique, il devient même stratégique. La complexité croissante des organisations, le développement du travail cognitif et le rythme plus rapide des changements, font qu’on peut de moins en moins compter sur la qualité des seuls processus internes pour assurer la performance.
"L’engagement des salariés devient un levier important pour mettre en œuvre les solutions adéquates au quotidien et adapter en permanence le fonctionnement de l’entreprise", souligne-t-on chez Entreprises et Personnel, un think tank qui regroupe quelques 160 très grandes entreprises françaises. Alors certaines solutions ont été mises en œuvre pour restaurer la confiance. La difficulté n’est pas mince. En effet, l’engagement est quelque chose de très personnel. L’entreprise ne peut le créer de toutes pièces mais doit s’appliquer à le favoriser en permanence, notamment en développant un management plu soucieux des individus. En théorie, elle dispose de trois leviers : reconnaître les efforts du salarié de manière concrète, donner du sens à l’action et, enfin, créer des espaces d’autonomie pour le salarié.
Le premier levier est, dans les conditions économiques actuelles, singulièrement dévalué. Les augmentations salariales sont réduites à la portion congrue. Selon l’étude de référence Hay Group, celles-ci ne dépassent pas 2 à 3 % par an, soit à peine la compensation de l’inflation. Sauf que des dirigeants qui tentent de restaurer la confiance dans l’entreprise jouent d’un autre moyen : ils réduisent les différences de rémunération entre les dirigeants et les salariés. C’est le cas notamment de Carlos Ghosn, après le scandale de la fausse affaire d’espionnage ayant impliqué le service de sécurité du groupe. Lors de l’assemblée générale de Renault en avril 2011, il souhaité « restaurer la confiance dans l’entreprise », et pour cela, il a décidé de renoncer à la part variable de sa rémunération pour 2010, ainsi qu’aux attributions de stock-options pour l’exercice de 2011.
Quant à donner du sens à l’action, certains think tanks patronaux sont en plein brainstorming sur ce point. L’Institut de l’entreprise a ainsi organisé une série de débats entre des grands patrons comme Xavier Fontanet (Essilor) ou Michel Pebereau (BNP Paribas) et des philosophes de renom. Plus concrètement certaines entreprises mettent en place des innovations pour créer du sens. C’est ainsi le cas de SFR. L’opérateur de téléphone mobilise ses salariés autour de trois programmes solidaires et citoyens. Le premier repose sur un système de tutorat destiné à rétablir l’égalité des chances. Environ 150 tuteurs, chaque année, donnent des cours de soutien à des jeunes issus des quartiers défavorisés pour leur permettre d’intégrer des grandes écoles d’ingénieurs. Deuxième programme, le statut de collaborateur citoyen. Il permet de s’engager dans une association sur son temps de travail en bénéficiant d’un crédit de six à 15 jours par an durant un à trois ans rémunérés par l’entreprise. Enfin, troisième programme, celui du congé solidaire, développé avec deux associations: il permet aux collaborateurs de participer à une mission humanitaire internationale d’aide au développement financée par l’entreprise. Ainsi, les salariés trouvent un sens à leur présence dans l’entreprise. L’entreprise espérant, de la sorte, que l’idée d’engagement au service de l’humanitaire s’étendra au champ de l’entreprise.
Le troisième levier pour renouer la confiance – créer des espaces d’autonomie pour le salarié dans son travail même – exige de repenser en ce sens toute l’organisation de l’entreprise. C’est le pari tenté chez Ineo GDF-Suez depuis sa création. Son organisation polymorphe est un habile mélange de métiers et de savoir-faire parfois hétérogènes (14500 collaborateurs à ce jour) et répartis parmi 220 centres de profit. Près de 50000 projets sont conduits chaque année par Ineo GDF-Suez, qui en confie le pilotage à un millier de responsables. Dans ce contexte, il est nécessaire de laisser aux équipes une grande autonomie dans la réalisation de leurs missions, qui consistent pour la plupart en des projets d’ingénierie très complexes. Tout ne repose que sur la confiance et la responsabilisation autour de valeurs fondamentales partagées par tous et d’une discipline financière faite de principes de gestion, de contrôle et d’alerte clairs qui s’imposent à tous. Guy Lacroix, à qui on aurait pu poser la question "comment réussit-on à dormir tranquille quand on PDG d’Ineo GDF-Suez?", déclarait sereinement l’année dernière : « la confiance que nous faisons vivre dans notre entreprise est le moteur de notre réussite ainsi que notre première fierté ». L’autre avantage, à peine voilé, c’est que des collaborateurs autonomes sont a priori plus performants, puisqu’ils perçoivent que leurs qualités intrinsèques sont à juste titre valorisées et leur créativité s’en trouve libérée.
Après la crise de 2008, engendrée par la financiarisation de l’économie, et les écarts de revenus qui se creusent entre salariés et dirigeants, les entreprises ont effectivement bien besoin de restaurer la confiance avec leurs collaborateurs. Seules les prochaines années nous diront si les trois stratégies prônées par Entreprises et Personnel se révèlent efficaces.
Une entreprise ne peut fonctionner que s’il y a des salariés. C’est une évidence !
L’article bien informé ne parle que des très grosses entreprises. Or l’emploi dans les très grosses entreprises est fonctionnarisé : on n’y travaille que peu et on a proportionnellement une bonne rémunération. Phénomène bien connu !
Dans les PME c’est totalement différent, car chacun a sa place, et lorsqu’un employé est défaillant, ce sont les autres salariés qui en pâtissent. Les salariés sont plus responsabilisés de fait. Alors quand on parle des entreprises, sachons faire une dichotomie pour éviter l’amalgame.