"Les journalistes, ce sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule, il faut leur marcher dessus, les écraser. Ce sont des bandits. Et encore, les bandits eux, ont une morale" : ainsi Nicolas Sarkozy, ce parangon de morale, s’est-il exprimé le 18 mars dernier, à en croire le Canard enchaîné, devant les dirigeants de la majorité. Ses propos avaient d’abord été rapportés en version tronquée dans l’édition du 25 mars. Le journal livre la totalité de la citation dans son numéro d’hier. Cause de la fureur du président : le traitement médiatique de la partie privée de son séjour au Mexique, où il avait été invité par un banquier soupçonné de blanchiment de l’argent de la drogue. Faute aggravée par un mensonge : l’Elysée avait obstinément prétendu être l’hôte du président mexicain. Voilà le crime des journalistes : ne pas avoir gobé toute crue la communication présidentielle mais avoir enquêté pour faire émerger la vérité. Quel toupet ! Malgré ses tentatives de faire main basse sur les médias, comme le résume la couverture de Marianne, Sarkozy ne parvient toujours pas à empêcher certains journalistes de continuer à faire leur travail. Comment osent-ils ainsi contrarier sa Majesté ? De là à déclencher une telle éructation… On tremble en pensant que ce qui fait office de chef de l’Etat soit ainsi capable de déverser un tombereau d’insultes sur la corporation entière chargée d’informer l’opinion. Avec un tel individu à la tête de la République, la liberté de la presse, pourtant garantie par la constitution, n’a qu’à bien se tenir.