La Camarde ne nous a pas pardonné d’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez : il y a tout à l’heure trente ans de malheur qu’il est reparti au paradis de l’accordéon et, s’il a échappé au cimetière du Montparnasse, à quatre pas de sa maison, sa supplique pour être enterré sur la plage de Sète n’a pas été entendue !

C’est de Brassens qu’il s’agit, pauvres de nous, pardi…

 

Lui qui voulait bien mourir pour des idées, mais de mort lente (et même à la grande rigueur, ne pas mourir du tout…) nous a pourtant quittés,nous laissant orphelins, pauvres Martin, pauvre misère, le 29 octobre 1981 à soixante ans et une semaine.

Ceux des lecteurs qui seraient tentés par un pèlerinage pourront se rendre dans le 14ème arrondissement de Paris, impasse Florimont où le poète acheta la maison mitoyenne après avoir passé vingt ans dans celle de Jeanne (la Jeanne, dont la cane fit un jour, merveille, un œuf) et Marcel Planche :

 

Le voyage (tous derrière, et lui de-vant) pourrait utilement se prolonger sur une vingtaine de lieux aussi mythiques, du 173 rue d’Alésia (où sa tante l’accueillit dans la pension qu’elle tenait) au 20 rue de la Gaîté (où le Bal des Gigolettes était devenu Bobino, son quartier général).

Depuis le 154 rue d’Alésia (à la hauteur duquel s’ouvre l’impasse Florimont) on peut hésiter à se diriger par la gauche, sans quitter l’arrondissement, vers le 21 rue Émile Dubois où il résida avec Jacques Brel ou bien encore par la gauche, franchir la frontière du 15ème pour atteindre le 42 rue Santos Dumont où il demeura jusqu’à son dernier soupir.

Vers la droite, vers la gauche… ; il n’est pas certain du tout que l’anar, notre voisin l’ancêtre qui n’emmerdait personne avec sa moustache blanche, apprécierait un tel hommage, lui qui se méfiait jusqu’à plus soif (ce qui tient de l’exploit pour qui a, comme lui, la fièvre de Bercy !)des imbéciles heureux qui sont nés quelque part.

Poète, anar… : les clichés sont de mise ; ne manque plus que celui du misogyne macho, qui lui colle outrageusement à la peau, imbécilement décerné par celui-là qui ne sut voir que la non-demande en mariage faite aux emmerdeuses, emmerdantes (emmerderesses itou) qui nous les brisaient quand elles ne nous les caressaient pas ; celui-là qui toute honte bue,toute, ne réalisa pas même que quatre-vingt quinze fois sur cent c’est avec lui que la femme s’emmerde en biaisant (non, ce n’est pas une coquille : « biaiser » signifie « donner le change ») !

Peut-être pas toutefois aussi naïf et bucolique qu’il pourrait le faire croire au bord de l’eau de la claire fontaine, par un beau soir d’orage ; sachant comment honorer du corps féminin le plus bel apanage jusqu’en certaines positions qui donnent le vertige.

Pourfendeur de curés et de cognes sans aucun doute, mais seulement ceux des premiers qui donnent l’absolution à la sainte famille Machin(sans le latin, ce qui fait qu’on s’emmerde à leur messe) ou bien ceux des seconds dont la femme ne mérite pas qu’on devienne un peu de leurs parents.

Défenseur, sinon de la veuve et de l’orphelin, du moins de la belle Hélène, que les trois capitaines auraient appelé vilaine, de Germaine Tourangelle et de Mélanie, dont les trompes sont encore plus mal embouchées que les trompettes de la renommée.

Que d’amers regrets tu nous donnes, irremplaçable Georges, d’avoir suivi le petit cheval dans le mauvais temps, attelé aux pompes funèbres d’antan ; qu’au moins il t’ait conduit à travers ciel, jusqu’à l’Auvergnat, dont le souvenir brille à la manière d’un grand soleil.

Les inédits dont on nous promet la prochaine publication suffiront-ils à nous consoler, nous qui, pensant à Lulu, mon Dieu ne b… plus ? La bandaison, papa, ça ne se commande pas.