Quand hadopi complique le travail des policiers

Ce petit article quelque peu inhabituel de ma part pour vous parler des effets secondaires d’Hadopi, dont le nom officiel est peut-être Hadopi 2 ou Hadopi 18, on s’y perd un peu dans les numéros…

Toujours est-il qu’un nouvel outil formidable a été mis en place pour lutter contre le téléchargement illégal.

Un outil qui a bien sûr ses limites, il est possible de le contourner, mais le sujet n’est pas ici l’efficacité ou non du système Hadopi.

J’ai découvert récemment, en discutant avec un policier en charge de la lutte contre la pédophilie sur internet, que les moyens mis en oeuvre par ceux qui contournent HADOPI gênait considérablement son travail.

Cette parade à Hadopi, c’est celle qui consiste à crypter les informations que l’on envoie ou que l’on reçoit lors des échanges avec internet (requête sur une page web, fichier que l’on télécharge).

Pour les novices, je vous propose un petit système de cryptage très simple pour vous faire la main : le codage de César.

Le principe :

Vous souhaitez transmettre un message à un ami sans que personne d’autre puisse le lire.

1/ Vous allez donc choisir un nombre entre 1 et 26. Choisissons 2 pour l’exemple.

2/ Vous prenez chaque lettre de votre message et vous la décalez de deux crans dans l’alphabet.

3/ A devient donc C, B devient D, C devient E… et Y devient A et Z devient B.

4/ Le message "Bonjour" ainsi crypté devient "Eqplqwt"

5/ Votre ami fait l’opération en sens inverse, c’est-à-dire qu’il décale les lettres du message de deux crans dans le sens inverse : E redevient B, q redevient o, ect.

Voilà en quoi consiste un système de cryptage.

Bien sûr, ce système est des plus faciles à décrypter pour une personne tiers : l’alphabet ne fait que 26 lettres, soit 26 solutions possibles qu’il suffit de les essayer une par une.

L’avantage de cet exemple étant que n’importe qui comprend sans explications à n’en plus finir.

Vous vous douterez qu’il existe des systèmes plus compliqués, très difficiles, voire impossibles à déchiffrer. C’est bien sûr ceux-là que nos pirates vont utiliser. Problème : les pédophiles utilisaient déjà la même technique.

Dans le camp du cyber policier

Le cyber policier va "écouter le réseau", c’est-à-dire qu’il va regarder tout ce qui passe. Quand vous vous connectez à C4N, il va le voir.

Naturellement, il se fiche royalement du fait que vous vous connectiez à C4N tous les dimanches à 10h et à France 2 tous les samedis à 14h.

Tout le problème est donc le tri entre ce qui est intéressant et ce qui ne l’est pas.

En France, avant Hadopi et avant que la lutte contre le piratage ne soit une priorité, il n’y avait que 3 raisons valables de crypter une connexion :

1/ Le terrorisme (échange d’informations entre terroristes)

2/ La pédophilie (consultation de vidéos pédo-pornographiques)

3/ Les données bancaires (envoi de votre code de connexion à votre banque)

Les deux premiers intéressent notre cyber policier, le troisième non (du moins si ce dernier est honnête). Sa tâche était donc relativement facile ! Il lui suffisait de capter toutes les connexions cryptées et d’ignorer les autres.

Reconnaître une connexion entre vous et votre banque est relativement simple : la connexion est cryptée, de faible volume et circule entre vous et le site de votre banque !

Avant Hadopi, une connexion cryptée avec gros transfert de données (film) avait de fortes chances d’avoir un caractère pédophile ! Un super-avantage pour notre cyber-policier…

Depuis Hadopi, ceux qui téléchargent des films illégalement cryptent également leur connexion pour des raisons évidentes.

Craker un cryptage classique prend du temps. C’est faisable, mais c’est long.

Et aujourd’hui, notre cyber-policier qui passe 3 plombes à déchiffrer un message a 99% de chances de tomber sur la dernière saison de desperate houswife ou autre machin inintéressant pour lui !

Comprenez que sa tâche s’en trouve fortement compliquée.

 

En clair, il est devenu beaucoup plus compliqué de faire la différence entre un pédophile et un gamin qui télécharge des films.




  

14 réflexions sur « Quand hadopi complique le travail des policiers »

  1. Très bon article, clairement expliqué, bien documenté qui donne un point de vue surprenant des conséquences de Hadopi. bravo

  2. Je dirais plutôt une conséquence surprenante qui aurait été prévisible par des gens compétents et capables de consulter la base…

  3. [b]Je découvre en recevant la liste des articles sur lesquels je clique (tous) tous les jours.
    Il faut être un vrai « PIRATE » pour envoyer des messages codés.

    Si c’est du travail pour le policier, il faut vraiment que le crypteur ait quelque chose à cacher, pour coder un message.

    mais il parait que l’on revient beaucoup à l’espionnage non plus virtuel mais humain, des 007 en chair et en os

    [/b]

  4. Détrompez-vous, Sophy !
    Il existe des logiciels pour crypter des messages.
    Ces logiciels sont suffisamment efficaces pour occuper un ordinateur d’un flic plusieurs heures.

    Un type un peu bidouilleur peut faire ça.

    Un téléchargement illégal est une raison suffisante pour le faire, et c’est d’ailleurs bien le problème.

  5. [b]Donc le travail se fait tout seul.
    Là évidemment c’est autre chose.
    Ce cryptage, à part pour télécharger des films, (hors pédophilie), à quoi peut-il servir ?
    Un message amoureux codé entre deux personnes adultères.
    Là j’exagère.

    Néanmoins las « pirateurs » de films qui viennent de sortir, ne font çà que pour leur « consommation » personnelle.
    ou alors à grande échelle pour une revente sous le manteau ?

    [/b]

  6. C’est le gros problème que soulève le piratage…Ce principe de téléchargement p2p est une vraie bibliothèque d’alexandrie moderne pour les cinéphiles, les bédévores, les dévoreurs de documentaires, les nostalgiques des séries de leur enfance, les musiciens…

    C’est une vraie façon de se cultiver gratuitement, et en pensant à Jacques Monnet sur un autre article, en polluant moins ;D …quand on voit le prix d’un DVD ou d’un livre, pour ceux qui sont de gros consommateurs cela représenterait un budget énorme.

    Et ce n’est pas le « VOD » qui contrebalencera la tendance au téléchargement. Le problème serait peut etre de repenser le système de rémunération des oeuvres soumises aux droits d’auteurs et que les industriels imaginent une rémunération à partir du p2p (pub, etc…)

    Mais bon HADOPI est un reflet de la politique menée dans le pays: [b]flicage et répression[/b]

  7. Oui, Sophy, c’est un logiciel qui fait le travail… Quand à programmer un système de cryptage, c’est relativement simple…

    La revente sous le manteau est quelque chose de très limité : quitte à télécharger un film illégalement, autant le faire gratuitement ! Acheter un film illégalement étant largement aussi compliqué que de le télécharger illégalement gratuitement…

    Les sites proposant du matériel piraté se financent via la publicité, les codes promos, et éventuellement des comptes premiums (des gens paient pour télécharger plus vite). Mais il n’y a pas ou très peu de revente sous le manteau.

    Le cryptage, ça sert pour les applications militaires, les paranos, les pédophiles et les pirates…
    L’usage est en fait très limité. Du moins, il l’était, d’où la facilité qu’avaient les flics à trouver les sites pédophiles :
    Avant Hadopi, une connexion cryptée, c’était soit un parano, soit une liaison militaire, soit un pédophile. Les paranos à ce point, il y en a peu, les militaires, il y en a peu sur internet (ils utilisent des réseaux indépendants).
    Donc, les pédophiles représentaient une importante minorité en matière de connexions cryptées !

    Maintenant, il faut ajouter de plus en plus de pirates qui cryptent de peur d’être découvert. Ça représente apparemment beaucoup de monde, et même la majorité des connexions cryptées à l’heure actuelle.

    J’imagine que vous comprenez le problème : trouver les pédophiles parmi tous ceux qui cryptent devient bien plus compliqué, car, désormais, ceux qui cryptent le font généralement pour télécharger.

  8. Julien,
    C’est là un autre sujet. Mon but n’était pas de parler du bien-fondé ou non d’Hadopi, mais de cet effet secondaire aussi regrettable qu’inattendu, à savoir la facilité accrue pour les pédophiles de passer à travers les mailles du filet.

    Les pédophiles peuvent d’ailleurs remercier chaudement le gouvernement pour cette loi ! Grâce à elle, des dizaines d’entre eux vont pouvoir regarder leurs vidéos préférées pendant que les flics qui leur courent après seront occupés à décrypter le dernier épisode de Dr House téléchargé par un gamin.

  9. Mais vous êtes complètement halluciné !!!

    La principale utilisation du chiffrement n’etait pas (avant hadopi) le terrorisme ou la pédophilie !!!

    Le chiffrement sur internet est le seul moyen de garantir la confidentialité des données sur internet !

    Les webmail sont chiffrés (gmail), les sites de stockage en ligne (Google docs), le site des impôts, les sites de l’administration sur lesquels on dépose des documents, toutes les connexions des entreprises, etc…..

    D’ailleurs le patron de l’ANSSI (contre espionnage français sur internet promeut régulièrement le chiffrement.

    Oui, hadopi a entrainé un changement des usages, oui cela complique la tache de la police, cela avait même été prévu par les opposants d’hadopi, d’ailleurs….

  10. [b]Poisson Rouge,

    pour ma part j’aime beaucoup ton article, qui permet à tout un chacun de comprendre les bases primaires du système de cryptage..Un bon début pour les personnes qui ne comprenaient pas le système et qui pensait que cela n’était réservé qu’aux pros de l’info.

    Merci beaucoup..

    Amitiés

    Tom[/b]

  11. Si de plus en plus de gens utilisent des moyens de chiffrement (oui normalement on dit chiffrement et non cryptage), c’est une conséquence des lois de plus en plus nombreuses qui sont votées depuis quelques années et qui sont liberticides. Sophy par exemple je suis sur que vous n’avez jamais entendu parler de l’article 4 de la loi LOPPSI II votée il y a quelques semaines, ni jamais entendu parler du décret LCEN paru au Journal Officiel il y a quelques semaines.

    Comme le dit très bien Marc en commentaires, le chiffrement des données sert uniquement à la confidentialité des échanges. C’est simplement mettre une enveloppe sur le courrier que vous envoyez. Ou mettre des rideaux à votre fenêtre. Ce n’est pas parce que vous n’avez rien à cacher que vous voulez tout montrer. Dès qu’il s’agit d’internet, on bafoue allégrement la vie privée au nom de la lutte contre le terrorisme ou de la pédophilie (qui permet de tout faire passer). Choses que l’on accepterait pas dans la vie de tous les jours. Moi, je ne l’accepte pas non plus sur internet.

    Il faut bien voir que le déchiffrement est dans la plupart des cas impossible à faire. Alors oui les vrais terroristes et vrais pédophiles remercient ceux qui font ce genre de lois.

  12. Mac,
    Un e-mail pèse 30 octets, un document word mis sur google doc 5Mo si il est gros, une vidéo 100Mo minimum, 1Go maximum (c’était avant la HD).
    Donc, quand vous voyez passer un machin de 700Mo crypté, et que personne ne fait la chasse au piratage (donc personne ne s’amuse à crypter la saison 2 de desperate Housewifes), qu’est-ce que ça peut-être ?

    Quand au cryptage des mails, d’une, peu de gens le font (il faut avoir une bonne raison, ou être parano).
    De deux, le-dit mail part toujours d’un serveur messagerie pour aller à un autre serveur messagerie ce qui est facile à repérer.

  13. REDUCTION DES DEFICITS, LA LETTRE DU DEPUTE JP BRARD !!!
    « M. Jean-Pierre Brard attire l’attention de M. le ministre de la Culture et de la Communication sur le premier rapport d’activité de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l’internet [HADOPI].

    Mise en place début 2010, la HADOPI, voulue et imposée au gouvernement par les grandes sociétés de production, s’est révélée, comme il l’avait dénoncé lors des débats à l’Assemblée nationale, inefficace et coûteuse. La HADOPI n’a eu aucun impact sur le téléchargement, elle a juste amorcé un mouvement de migration des utilisateurs des logiciels « peer-to-peer » vers des sites payants de « téléchargement direct » tel « Rapidshare » ou « Mégaupload ». La raison est simple, seuls les réseaux « peer-to-peer » peuvent être surveillés par les entreprises privées que vous rémunérez grassement.

    Le coût de cet échec, 12 millions d’euros en 2011 (11 millions, NDLR), impacte le budget de l’État au moment même où vous cherchez désespérément à réduire le déficit de notre pays.

    Les internautes sont prêts à payer pour avoir accès à la culture, la preuve en est l’utilisation des sites payants privés cités plus haut.

    Il est temps de lancer une réflexion afin d’élaborer des politiques économiques et culturelles nouvelles. Il est temps de prendre la mesure de la révolution des pratiques et des formes de création que permet Internet. Il est temps de valoriser, grâce à ce média, la diffusion libre d’euvres artistiques et non plus assujetties aux majors. Il est temps de promouvoir une juste rémunération des artistes créateurs et non pas des seuls producteurs. Il est temps enfin de soutenir toutes ces innovations culturelles et politiques que sont les logiciels libres qui mettent à mal le monopole de Microsoft et d’Apple et qui participent à une diffusion massive de savoirs, de techniques et de connaissances.

    Il lui demande donc si, plutôt que de stigmatiser les internautes, le gouvernement à l’intention de revenir sur la loi dite « HADOPI » et d’engager un vrai débat sur le devenir des échanges culturels à l’heure d’internet. »

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