La nouvelle campagne de sensibilisation aux dangers de l'anorexie fait dans un style très direct en laissant carte blanche à celui qui fit la marque Benetton en publicité, Olivero Toscani.
Le dénuement décharné d'une trés courageuse française, Isabelle Caro, s'affiche ainsi sur les murs italiens en pleine semaine de la mode.

Une façon nouvelle de montrer concrètement la maladie et ses ravages. Un choix pas partagé par tous en particulier en France où le Bureau de Vérification de la Publicité déconseille l'affichage. Vous ne saviez pas qu'il existait le BVP ? ben maintenant c'est bon.

L'homme n'en est pas à son coup d'essai puisqu'il fit scandale en son temps en osant représenter l'homosexualité ou la mort prochaine d'un malade du sida.
Je ne vous le cache pas moi j'aime beaucoup.
La photo dans ce monde de l'image qui défile, qui va vite, qui va partout, qui s'affiche partout garde cette force extraordinaire, cette puissance d'évocation et d'interprétation. Parvenir à capter toute l'émotion d'un instant ou d'une situation en un clic c'est redoutable, c'est fort et souvent beau.
L'anorexie est une maladie complexe dans laquelle l'image de soi et l'image que l'on projete aux autres et que l'on croit projeter aux autres est complexe. Montrer simplement ce que c'est et de suite susciter le malaise, c'est déjà beaucoup, le signe aussi d'un problème pas bien assumé par notre société.

Alors que l'on se réjouit chaque année d'un calendrier Pirelli ou Dieux du stade trés suggestif à ne pas mettre entre toutes les mains, que la publicité mondaine de luxe se complaît dans le porno chic avec des relents évidents et affichés de sado-masochisme ou d'avilissement de la femme-objet, tout le monde applaudit.

Quand un grand magazine Paris-Match pour ne pas nommer ce champion de l'éthique, retouche une image et supprime les bourrelets disgracieux de notre Président, il en appelle à l'esthétisme et tout le monde applaudit.
Il y a donc dans notre relation à l'image une difficulté à prendre de la distance autant de par notre éducation, notre culture que du fait des habitudes, des standards que l'on nous sert depuis tout petit. Il y a ce que l'on peut montrer et le reste. Souvent un journaliste ténébreux nous explique que sa rédaction a décidé de ne pas diffuser telle ou telle image car trop choquante. 10 minutes plus tard un film d'une rare violence débute sur la même chaine…

Pour autant doit on faire intervenir la morale face à une photo, doit on préjuger de l'image qui peut être diffusée ou non dans un univers déjà si médiatique. Y a t'il des règles et alors quelles sont elles ? s'il n'y en a pas, pourquoi tant de haine, de précipitation ? où est le libre arbitre ?

Le sujet est tout de même une cause noble, bien plus noble en tout cas qu'un parfum, un bijou ou une voiture. Est-ce donc si scandaleux de voir en vrai une anorexique et normal de voir des dizaines de jeunes filles en maillot de bain se trémousser sur un salon de l'auto à Francfort ? Qu'une jeune fille soit choquée par cette représentation est-ce si génant ou ne peut on croire qu'elle mettra un visage et une apparence sur une maladie et glorifiera peut-être moins le mannequinat que le monde du marketing vante à longueur de journées ? Doit on vivre dans un monde feutré, sans chocs, sans risques, mais terriblement virtuel ?

Je crois en la force de l'image mais il ne faut pas en avoir peur, au contraire, elle doit être déclencheuse chez chaque individu de sa propre réaction : aversion peut-être, dégoût, intérêt, surprise, soutien… là est le rôle d'une photo publique, on approche de l'art et de ses interprétations libres les plus diverses, c'est pourquoi je comprends mal cette censure bien pensante.

Ironie de l'actualité les photos chocs sont à l'honneur cette semaine puisque des clichés de la vie quotidienne des officiers SS à Auschwitz viennent d'être rendues publiques. Comme celles d'Isabelle Caro, elles se passent de commentaires mais soulèvent en chacun de nous tant de questions fondamentales…

"Une image vaut mille mots" disait Confucius…

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