Une valeur sous-estimée…
Et si vous sous-estimiez vos copains ? Et si celle relation, que vous pensez un peu futile, celle qui vous lie à vos « potes » ou à vos bonnes copines était en fait indissociable de votre bonheur personnel et de votre épanouissement social ? Et s’il était très important, voire crucial, de fidéliser ses copains dès l’enfance ?
C’est la théorie défendue par Catherine Jousselme, professeur de pédopsychiatrie à Paris-Sud. Cette thérapeute, qui dirige depuis neuf ans un service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, explique dans son livre, Comment l’aider à… avoir de bons copains (Éditions Milan), combien il est structurant, dès son plus jeune âge, de se trouver des compagnons qui, si le lien est entretenu avec eux au fil des années, peuvent devenir les alliés objectifs de notre bonheur d’adulte. Et Catherine Jousselme de démontrer qu’aller vers les autres, c’est s’ouvrir au monde, se confronter à des différences, bref, c’est une occasion unique pour l’enfance d’évoluer et de mûrir.
René Goscinny et Sempé, avec Le Petit Nicolas, en fait la démonstration avec humour : que serait Nicolas sans ses camarades Alceste, Rufus, Eudes, Maixent et Agnan, avec lesquels il forme déjà une microsociété où l’on apprend le partage, le respect, l’écoute et la tolérance ?
Une expérience épanouissante…
Autrement dit, plus un enfant saura nouer des liens tôt, à partir de la maternelle, plus il sera vif et évolué sur le plan psychique. En vieillissant, il n’en sera que plus heureux et structuré, en devenant un adolescent qui peut compter sur les autres. Il deviendra une personne écoutée, respectée, intégrée à un collectif humain, celui d’un groupe identitaire qui lui reconnaît une vraie place.
Ce qui n’a rien à voir avec la « bande », violente et nuisible, des banlieues difficiles. En effet, là où le fameux groupe de copains, jadis chanté par George Brassens ou Jacques Dutronc, brille par son ouverture aux autres, la bande de voyous, par sa radicalité et son absence de relationnel social, se referme sur elle-même.
Comme l’a démontré dans ses travaux le psychanalyste Patrice Huerre, spécialiste des ados, la bande de banlieue vampirise des individualités malheureuses. Car elle cherche souvent à se substituer à des parents défaillants. Tout le contraire des groupes de bons copains, où chacun s’épanouit dans une activité commune : associations, groupes de musiciens, création d’entreprises ou encore troupes de café-théâtre, à l’image de l’équipe du Splendid, constituée à l’origine de quatre camarades de classe du lycée Pasteur, de Neuilly-sur-Seine, Thierry Lhermitte, Christian Clavier, Gérard Jugnot et Michel Blanc.
Bien intégré par ses copains, l’adolescent est mieux protégé de la tentation de la drogue, comme de la dépression et du suicide. Car, en expérimentant ces nouvelles relations avec ses semblables, il apprend tout simplement à cultiver son réseau social de demain. Ce constat rejoint la théorie du philosophe Michel Serres qui expliquait sur l’antenne de France Info, qu’aimer voir ses copains n’était en rien un acte anodin : se sentir bien avec eux, communier lors de rituels festifs, c’est vivre l’expérience de l’autre, l’altruisme, et combattre cet individualisme si dévastateur qui détériore notre lien social.
Une mauvaise réputation
Hélas, dans la culture française, la valeur « copain » souffre, très injustement, d’une mauvaise réputation. Alors que l’on porte aux nues les vertus de l’amitié (celle qui liait Étienne de La Boétie avec Michel de Montaigne est même enseignée dans les manuels scolaires), on taxe volontiers d’inconsistance les bonnes relations entre copains : un proverbe populaire ne veut-il pas que l’on soit « copains comme cochons » et ne parle-t-on pas, avec mépris et dédain, de copinage ? S’amuser entre « potes » rimerait forcément avec beuveries et attitudes potaches et régressives… C’est oublier un peu vite qu’avoir de bons copains, c’est s’intégrer dans un collectif soudé sur le plan affectif.
Un collectif où la solitude n’existe plus, où l’on se rend divers services, qui vont du prêt d’une voiture à des dépannages financiers, dans un groupe où l’on parle et l’on échange en permanence. Mieux : dans un monde du travail de plus en plus cruel, inhumain et compétitif, le sempiternel copain de bureau devient plus précieux que jamais. En plaisantant avec lui, on décompresse, on dédramatise les situations tendues et l’on oublie la pression de la hiérarchie, le temps d’une parenthèse riche d’humanité. D’ailleurs, après la vague de suicides qui a sinistré le techno centre Renault de Guyancourt, les psychologues du travail, dépêchés sur le site, ont incité les salariés à développer « les liens entre copains », au cœur même de l’entreprise…
Enfin, saviez-vous que la racine du mot copain date de 1708 et vient de l’ancien français « compain », qui signifiait « compagnon » et « solidaire » ?
Tout est dit : en ces temps de récession et de sinistrose, d’éclatement des cellules familiales et d’effondrements des certitudes professionnelles, nos copains ne restent-ils pas une formidable alternative ?
Joli article, Benj !
ça ne m’évoque qu’une seule chose :
{youtube}jAUWk1ssxgU{/youtube}
ça met de bonne humeur tout ça !!!
un tres bel article; vive les copains, copines qui vous apprécient sans condition et vous permettent de grandir tout en vous rappelant le bon vieux temps!
merci Benjamin
Comme quoi, cet adage : [b][i]« on ne choisit pas sa famille, on choisit ses amis » [/i][/b], se vérifie tous les jours…
Merci de cet très bel article qui réhabilite les copains qui pour certains valent mieux que les « amis » et je sais de quoi je parle…
😉 M’ouais, aujourd’hui c’est dans l’email qu’on reconnait ses copains!
Bonjour Benjamin,
Ben a vrai dire je trouve pour ma part que cet article est assez généraliste et stigmatisant.
Pourquoi?
Parce que tout d’abord, il oublie les enfants déracinés, les enfants avec de grosse difficultés familiales(famille d’accueil, foyers,…)
Ici il est question d’enfants quasi parfait, avec une famille quasi parfaite.
Ensuite, sur les « bandes » de banlieue…
[quote]Ce qui n’a rien à voir avec la « bande », violente et nuisible, des banlieues difficiles. [/quote]
Je ne pense pas du tout que cela soit une majorité… pour avoir connu et connaitre des « potes » de banlieue, il n’y pas que des voyous…
Evidemment il est important d’avoir des copains, des potes, des amis…
Mais par exemple, vous dites que [quote]Bien intégré par ses copains, l’adolescent est mieux protégé de la tentation de la drogue, [/quote]
Ou au contraire, avec sa bande de copains, on peut aussi essayer des choses interdites, qu’on garde entre soi, un point commun, un lien créé par la découverte d’une chose commune, qu’elle soit positive ou non.