Que Catherine Coutelle (PS, deuxième Vienne) et Maud Olivier (PS, cinquième Essonne) se donnent (comme dans « Holà ! Tavernier, du vin ! Et que les femmes se donnent ! ») et nous reparlerons doctement et de manière amène, voire policée, de leur proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ». Amorce cavalière qu’un Pascal Virot († oct. 2013 – voir par ailleurs), de l’Agence centrale de presse puis de Libération, n’aurait jamais laissée passer. Oui, ben, ici, c’est Come4News ! Et si ce n’est la faute de Voltaire qui les fera trébucher, Maud Olivier et Catherine Coutelle risquent, à l’usage, de se reprocher l’impair de Rousseau.

Mylène le résume très bien : « fumiste et fumeux progrès : les Elmyre au bûcher, les hommes bromurisés, et les proxénètes mieux planqués… »
Pour ma part, je dois être indécrottable. Il y avait des gens vraiment très bien dans l’Organisation de l’armée secrète (OAS) comme chez Lotta continua, capables de comprendre, voire d’admettre, mes arguments, mettons, « intermédiaires » (quand même, mode survol, plus proches de ceux de la RAF – Rote Armee Fraktion, l’Action directe de nos voisins teutons – que des arguties de l’OAS).
Idem chez, actuellement, les abolitionnistes – de la prostitution – ou les féministes hédonistes plus motivées par le bien-être des prostitué·e·s que par la chasse peu effrénée aux maquereaux et souteneurs (ce qui va pourtant de paire).
Je sais, je caricature.
C’est un problème complexe, le présumé plus vieux métier du monde (en fait, sexuel·le ou autrement, c’était sans doute esclave), et non sum dignus de vous apporter une réponse définitive d’un jet de pierre à encre d’Internet.

Mais j’ai toujours considéré – et quelques féministes bon teint, voire décorées, honorées, si ce n’est futures panthéonisables, admettaient in petto et en privé la validité de cette farfelue suggestion – que si les féministes veulent éradiquer la prostitution, elles en détiennent largement les moyens. Soit tarir la demande par la surabondance de l’offre gracieuse et non-marchande. Spectaculaire si possible, omniprésente…

 

Je n’écris pas sous l’influence d’Elmyre (le prénom, alias Mylène, a été changé), prostituée de son état, « respectueuse » chevronnée, qui m’honore de son copinage (non tarifié, mais, tant bien même…).
Belle femme, altière, cultivée, mais voulant à tort – à mon sens – faire « fille du peuple ».
Ce que visiblement elle n’est plus du tout, si elle le fut jamais, et la Jeannette (Julie-Marie Vermeersch-Thorez, † 2001) ne se serait pas interdit, cette fausse Sans-gêne, de la fustiger.
Le Parti communiste voyait alors dans la prostitution un vice exclusivement bourgeois ; les ouvrières méritantes n’auraient jamais ainsi arrondi les fins de mois (bonne blague, en fait…)
L’avortement était fustigé, car vu le nombre de Filles et Fils du Peuple, il s’agissait de l’emporter, démographiquement, sur la bourgeoisie et le patronat.

Elmyre met la pression à l’Assemblée et au Sénat. « C’est une démarche personnelle qui n’implique pas le Strass », m’écrit-elle. Ce syndicat de travailleuses et travailleurs indépendant·e·s, dont je connais – un peu – quelques membres, dont une sociologue émérite, une encore jeune chercheuse, et quelques tapineuses de divers « genres », peut développer une approche mettons, plus… organisationnelle.

Elmyre se taperait bien sur les cuisses en lisant qu’un certain Guy Geoffroy ou une Danielle Bousquet aurait dressés « un bilan approfondi de la connaissance » de la prostitution. Comme saint Thomas, j’y croirai quand mon doigt aura pénétré leur rosette (pas celle de leur Légion d’honneur). Comme me le confiait un jeune voyou, qui avait quelque accointance avec un commissaire (pas de la Mondaine), « taper dans la rosette d’un mec, d’accord, me faire taper dans la rondelle, eh, c’est pas demain la veille… ». Je ne sais si Pascal Virot aurait admis cette citation authentique, mais il adhérait – modérément – au fameux slogan bédéiste « du social, du vivant, de l’humain » (et pas du tout au « du cul, du cul, du cul » du putatif dispensable écornifleur du Figaro).

Je ne vais pas vous développer l’argumentaire d’Elmyre, qui sera sans doute très bientôt publié en manifeste, soit sa Lettre ouverte contre la pénalisation du recours à la prostitution – Rapport 1360. Député·e·s, sénatrices (et même députés et sénateurs-batteurs-lieurs) en connaissent déjà la teneur, ce sera bientôt, édulcoré par un Pascal Virot ou un·e autre, de notoriété publique. Nous en faisons notre affaire. Une version Adobe PDF sera sans doute assez vite localisée quelque part (revenez, et en vérité, en vérité, le lien vous sera ici indiqué).

Quand Elmyre lit que « la prostitution est donc un phénomène sexué », elle s’exclame « sexophobie ! ». Tout est dans tout, et inversement, et tout est dit… Quand elle prend connaissance de cette fallacieuse exagération voulant que « toutes les études s’accordent sur le fait, blablabla… », elle annote : « arbitraires, mensongères » ; et son approximation concurrente ne manque de véracité. Elmyre souligne que de nombreuses autres professions font du corps « un outil et une source de profit ». Oui, mais, là, vous voyez des député·e·s, même Front national, crachez sur la tombe d’un Patrice Chéreau ?

Aux lourdes insistances sur les agressions, elle rétorque : « il n’y a risque de conséquences délétères que dans les conditions de travail pénalisé précaire » (traduisez : montré du doigt, encadré policièrement) ou soumis à « l’oppression d’une subordination » (entendez : souteneur, réseaux…). Pas tout à fait faux, non ?

Elle profère des énoncé un peu emporte-pièce mais qui font mouche : « la notion de rapport sexuel non désiré concerne les viols et l’intimité des foyers ». C’est généralement validé, tant par l’expérience que par les facultés (la plupart des universitaires).

Elmyre rejoint parfois les militantes et militantes des manifs « pour toutes et tous » (belle blague) en ce sens – restrictif – qu’elle considère que l’éducation (l’acquis) ne fait parfois que renforcer ou atténuer le « naturel » (l’inné), mais ne peut vraiment l’éradiquer. « En résumé, c’est le sexe qui dérange ? », réitère-t-elle, à fort juste titre.

Je la suis (l’ayant aussi précédée, du fait d’une antériorité temporelle) lorsqu’elle dénonce les sondages bidonnés, l’argumentaire d’associations antagonistes, et cette « nécessité de responsabiliser les clients de la prostitution ». Avec un bon sens faubourien davantage que paysan, elle rétorque : « c’est aux pouvoirs publics de faire disparaître la traite (ndlr. des corps et « âmes » de femmes et d’hommes), donc la précarité ; et non au client d’opérer le distinguo ». Ce qui se discute.

Sempiternelle, insoluble disputatio… Donner encourage-t-il la mendicité, ne pas concéder la ch’tite pièce ou le ticket resto pour rester propre résorbe-t-il la manche ? Cherchez l’ace, et l’erreur ! Rouge, pair, manque ? Ou leur contraire ?

Aucune, aucun représentant du peuple n’osera pénaliser les client·e·s des prostitué·e·s par une peine de détention : après l’affaire Cahuzac, quelle sénatrice, quel député derrière les barreaux ? Non, que cela soit dit, Nicolas Sarkozy n’a jamais été le Chippendale, encore moins le rastaquouère, le gigolo, de Liliane Bettencourt (pour Carla Bruni, on ne s’interrogera même pas… de sitôt…). Jamais Édith Piaf – et pour cause – n’a fredonné du Barbara : «qu’on m’amène ce jeune homme… ».

Les hypocrites font de tout·es les prostitué·es des victimes. D’eux et d’elles-mêmes, parfois, aussi, tout comme les salarié·e·s, les représentant·e·s du peuple, et d’autres catégories CSP. Il est question de réinsertion sociale, en faisant semblant de croire que les indépendant·e·s en seraient vraiment désireu·x/ses à court ou moyen terme.

En fait, après avoir relégué les prostitué·e·s dans des locaux ou quartiers (red districts) ou secteurs réservés, il s’agit de mieux encore les dissimuler afin que les violences (présumées prédominantes) soient davantage étouffées.

Elmyre, comme tant d’autres non-sondé·e·s, relève que « personne n’est venu me voir, ni mes collègues, et n’ont été consultées que des personnes subissant l’exploitation des souteneurs, souteneuses, ou réseaux ».  Elle se gausse du discours, ou plutôt de la logorrhée policée, des abolitionnistes, dont le féminisme de circonstance lui évoque fort le pendant d’un  machisme de façade, artificiellement édulcoré.

Bien sûr, Elmyre a recours à des clichés faciles : beaucoup moins de prostitué·e·s meurent sous les coups de leurs client·e·s que d’épouses ou concubines sous ceux de leurs conjoints, compagnons ou compères. Ce « beaucoup » vaut formidable euphémisme, litote tonitruante. N’empêche, ce n’est pas parce que très peu de beaux éphèbes bien membrés meurent sous les coups d’une « maman sucrée » revancharde qu’il faut négliger ces – rarissimes – victimes.

Ces député·e·s doivent sans doute croire que les prostitué·e·s en France ne sont que fort peu à posséder une carte électorale et en faisant usage : détrompons-les…

Je claquerai bien la bise à Elmyre-Mylène lorsqu’elle invective : « des bacs+7 ne trouvent pas d’emploi, vous voulez faire croire aux prostitué·e·s étranger·e·s » à une réinsertion facilitée ? En bac+5×2 (fois deux), j’abonde, mais ne vais pas pour autant me convertir à l’emploi de boutique-mon-cul : des promesses, des promesses… La concrétisation attendra (combien de temps ?) les décrets d’application ?

Et qui va donc s’occuper de cette réinsertion ? Des services sociaux ou autres débordés, comme ceux chargés des naturalisations répondant systématiquement (ou presque, être Qatari·e aide beaucoup) : « revenez-donc nous en causer dans deux ans… » (consulter : « Naturalisations, le bluff total de Valeurs actuelles », sur Come4News).

En fait, quand elles ou ils en pressentent la nécessité, les indépendant·e·s savent fort bien s’insérer dans des activités banalisées, peu socialement stigmatisées, voire valorisées. Pour les exploité·e·s, galères réales et couvents se font rares.

Les attaché·e·s parlementaires de Mesdames Olivier et Coutelle n’ont pas encore été submergé·e·s de curricula (vitae) de prostitué·e·s ou escorts. Avant de promettre, mieux vaudrait s’assurer de disposer des moyens adéquats. Ou avoir obtenu l’assurance, écrite, publique, de lignes budgétaires. Pour le moment, c’est flanc, du pipeau…

Tout cela est aussi négliger la bienpensance pauvre, digne, méritante, besogneuse ou non, qui verra – sur le papier, sinon en réalité – les gourgandines, les filles de joie, les gitons et autres, favorisés à leurs dépens. Bonjour le résultat dans les urnes ! Cela va jaser dans les files d’attente des Restos du palpitant, et parmi les bénévoles !

On a compris la portée clientéliste de la résolution 1360. Élargir la possibilité, déjà ouverte, aux associations de se porter partie civile « dans des affaires de traites ». Cela profitera sans doute, comme d’habitude, davantage à la FNSEA abolitionniste qu’à la Confédération paysanne hédoniste (et guère au Strass…).

On stigmatise bien plus « l’argent facilement gagné » (qu’en savent Olivier et Coutelle ? Elles sont allées au tapin ?) lorsqu’il s’agit d’alcôve ou de trottoir que de finance. Est-ce vraiment un hasard, une simple coïncidence ?

On a les croisades de ses moyens, la disponibilité des dames ou messieurs du temps présent qu’on peut (G. Brassens), et la condamnation du rapport sexuel stipendié est plus facile à proclamer que celle du contraint de toute autre manière : consultez donc vos attaché·e·s parlementaires, ceux et celles qui marnent pour vous réellement, pas les prébandé·e·s…

Elmyre résume : « on veut punir le désir pour éradiquer la traite, vaste rigolade ! ». On va faire passer prestataires de services sexuels et client·e·s pour des demeuré·e·s irresponsables.

Là où je ne suis pas tout à fait Mylène-Elmyre, c’est dans son argumentation corporatiste : pénaliser la clientèle ne la fera  pas vraiment disparaître, même progressivement. Calvin, Pol-Pot, Khomeiny, d’autres, et non des moindres, sont allés revêtir chausses, pantalons, chasubles ou robes. Tant d’autres ont été rhabillé·e·s.

La maréchaussée ne bouclera pas davantage les quartiers dits sensibles que les beaux où les niqabs, voire burkas, des riches Saoudiennes, Émiraties, Omanaises, sultanes ou bourgeoises, vaquent entre de révérencieuses et obséquieux vendeurs ou commerciales.   

De plus, avec l’ami Jojo, ou l’ami Pierre, si le risque de monter avec l’Adrienne de Montalant expose aux rétorsions de « la volaille », elle n’en sera que plus excitante, la Sésavantage. Je ne suis guère tout seul à le penser et moi, moi ne parle pas que de moi.

Bref, ce que dénonce Elmyre-Mylène, ce sont de fort prévisibles effets pervers. Tenez, c’est une quasi digression : «  de professeur de sérénité à proxénète intellectuel, d’échafaudeur de projets en l’air à tourneuse en dérision ou de faiseur d’éloges à tireuse de marrons du feu, le champ d’expédients à défricher est très vaste… ». C’est de Benjamin Lambert, auteur et éditeur (des éds Librécrit), pour son Petit Traité d’insoumission, sous-titré « Pénurie (d’emplois ? d’argent ?) : expédients – pamphlet pour rire jaune ». Nous connaissons toutes et tous quelques élu·e·s, à divers échelons, répondant à la définition de « proxénète intellectuel·le ». Mylène-Elmyre, démystificatrice des échafaudeuses de projets en l’air et  tourneuse en dérision, ne leur envoie pas dire…

Ce n’est pas le Gérard Lambert des Aventures de Renault qui se fera pincer avec une fille de joie, mais le « p’tit loubard aux cheveux blonds » qui demandait à la dame de lui dessiner un mouton… Le Gérard Lambert, lui, consommera, paiera peut-être d’avance et de baffes l’addition, et une future Mylène ne pourra porter plainte sans exposer les petits, jeunes et vieux loubards, à d’éventuelles poursuites. Mais, à cela, Olivier et Coutelle n’y songent même pas…

La pénalisation des clientes ou clients de ces messieurs ou dames, ce n’est pas tout à fait un défense d’entrer ; les radars de vidéosurveillance dans les quartiers chauds ne débiteront pas des permis de monter. Mais une façon de se donner à bon compte bonne conscience… ou de faire parler de soi…