Jacques Chirac peut encore jouer la montre. La Cour de cassation va désormais examiner un recours déposé par l’avocat d’un des mis en examen dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Cela se terminera-t-il par un codicile dans une loi d’amnistie et de grâces présidentielles au printemps 2012 ? 

Non, on ne verra sans doute pas les chiraquiens appeler à voter en sous-main pour un candidat autre que Sarkozy au seul motif que la nouvelle présidente ou le nouveau chef de l’État pourrait rétablir les grâces présidentielles et… disculper définitivement Jacques Chirac de tout chef de poursuite pour les faits qu’on lui reproche en tant que maire de Paris, ou d’autres, ultérieurs.

Mais, or donc, c’est vers la fin juin que la Cour de cassation pourrait envisager d’étudier l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris visant Jacques Chirac et consorts. Le recours constitutionnel déposé a été reçu. D’ici à ce que l’affaire soit renvoyée devant un autre ressort, il sera toujours temps de fixer une date au cours des vacances judiciaires, histoire d’obtenir un renvoi ultérieur.

Cela nous mènera-t-il jusqu’aux lendemains du second tour des élections présidentielles ?

Rien n’est moins sûr. Cela étant, on verrait bien un candidat de la « droite tranquille » sollicité en coulisses pour, s’il devenait président, se montrer indulgent. DSK ?

Je n’accorde toujours aucun crédit au nouveau sondage Institut Harris-Le Parisien qui maintient Marine Le Pen en tête du premier tour des présidentielles avec 24 % d’intentions de vote, devant donc, Martine Aubry (comme précédemment), François Hollande (20 %) ou Dominique Strauss-Khan (23 %). Si c’était Aubry, Sarkozy ferait jeu égal, si c’était François Hollande, il le devancerait d’un point. Aubry ferait donc un peu mieux que Hollande. L’effet « présidente », que j’avais précédemment abordé un peu seul dans mon coin, jouerait-il ? Ce que je note, c’est que DSK devancerait Sarkozy avec un vote pour Eva Joly stable (7 %, inchangé), mais un fléchissement du vote Bayrou et de Villepin. On le savait, DSK incarne, aux yeux de l’opinion, un « centre droit » acceptable par une partie d’un électorat qui s’était partagé entre Bayrou et Sarkozy. En revanche, toujours s’il faut en croire ce sondage, le vote Mélenchon ne fléchirait que d’un point si DSK était le candidat du PS.

Parfois, je me demande si les radios-trottoirs qui semblent établir qu’une majorité d’interrogés trouvent déplorable le report sans fin du procès Chirac ne sont pas contredits par les consultations du genre de celle de l’Institut Harris.
Pour contestables qu’elles soient, ces consultations marquent cependant des tendances vaguement cohérentes. Sur tel ou tel point flagrant qui fait frémir l’électorat, et pas que celui de gauche, on se veut « République exemplaire ». Quand il s’agit de voter pour davantage d’égalité sociale, par exemple, chacun pouvant encore se l’imaginer pense encore tirer son épingle du jeu et préfère un centre droit qui ne remettrait pas grand’ chose en question. C’est peut-être là que se situe la « fracture sociale » qui fut l’un des slogans de Jacques Chirac.

C’est dire aussi à quel point la radicalité supposée du discours de Marine Le Pen est prise au sérieux. Au camping de Dordogne où Michèle Alliot-Marie va désormais passer ses vacances, on paiera en francs dès l’été prochain ? Personne n’y croit. Il y a bien quelques souverainistes pour croire que le FN mettrait en œuvre son programme, saurait obtenir une « autre Europe » des partenaires de la France.  Le FN a, lui aussi, quelques gamelles à traîner dans ses anciens (voire présents) fiefs municipaux. Cela n’émeut pas trop. Verra-t-on Marine rencontrer discrètement Chirac comme autrefois son père ? Bah, on en a vu d’autres.

En décembre dernier, un sondage Ipsos laissait penser que Marine Le Pen ne ferait pas évoluer l’image de son parti. Force est de constater que les choses auraient pu évoluer. Selon Ipsos, les sondés étaient très largement opposés « à la constitution d’alliances entre l’UMP et le FN, y compris au niveau local ». On verra bien entre les deux tours des élections cantonales. Marine se ségolènise (plus beaucoup de flammes FN sur ses affiches, ou par erreur), encore un peu, elle se chiraquise.

Melissa Bounoua, du Guardian, conclut son papier sur Marine Le Pen ainsi : « Les Français aiment les films d’horreur, mais on aime aussi que cela se termine bien. ». Me Jérôme Karsenti, commentant le report du procès Chirac, qualifié de « véritable déni de justice » a estimé : « il ne faut pas s’étonner que Marine Le Pen soit à 24 % dans les sondages… ». Et si, en fait, elle obtenait un score de 16 à 20 % au premier tour de l’élection justement par qu’elle a rejoint le « clan des quatre » dénoncé par son père ? Au fait, ils se disaient quoi, à la buvette, Éric Woerth et les élus picards, en 1998 ? Ils se diront quoi, pendant et après les cantonales ?

Tiens, au fait, aux cantonales, dans l’Oise, à Chantilly, le FN présentera Élisabeth Boussard, cartomancienne-voyante à la retraite, qu’on avait retrouvée un temps sur la liste d’un candidat UMP aux municipales de Lamorlaye. C’était en 2008. Didier Garnier (UMP) disait alors : « elle est venue vers nous, elle a envie de s’éloigner du FN. ». Elle est repartie et s’est présentée contre Éric Woerth aux dernières législatives. Elle obtiendra sans doute le quota (12,5 % des suffrages) aux prochaines cantonales. Elle se voie où, déjà ? En tout cas, questions sondages, on devrait, à présent, s’en remettre plutôt aux prévisions d’Élisabeth Boussard. Pour l’issue du procès Chirac aussi. Et pour les arrangements entre FN et UMP, elle voit quoi ?