Edmond Dantès l’avait compris dans le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, la mort est le meilleur moyen de sortir de prison. En France, les conditions de détention sont dénoncées par les associations de familles, par les syndicats de travailleurs pénitentiaires et par les instances internationales. L’hexagone compte l’un des taux les plus élevés de suicides parmi les détenus en Europe. Plus dramatique encore, les prisonniers ne sont pas les seules victimes de ce phénomène puisque les surveillants sont également nombreux à mettre fin à leurs jours. 

 

 

Seule porte de sortie : le suicide

Ce qu’il manque aux détenus aujourd’hui, c’est l’espoir. Le Docteur Louis Albrand, chargé de rapport sur la prévention des suicides en prison rappelle que les êtres humains ont besoin de cet espoir pour vivre. Or selon lui, pour un nombre croissant de prisonniers, il n’existe aucun horizon. Le suicide devient alors le seul moyen d’échapper à un quotidien difficile ou à la honte du crime commis. 

De 110 à 130 personnes se suicident chaque année en prison. Déjà 40 détenus ont mis fin à leurs jours depuis le début de l’année selon l’Observatoire International des Prisons. En Europe, la France est l’un des pays qui a le taux de suicides en prison les plus élevés avec 16 pour 10 000 en 2006, derrière la Suisse, la Servie et la Slovaquie selon M. Tournier, spécialiste du monde carcéral. Les populations les plus touchées sont les jeunes et les plus de soixante ans. La moitié des prévenus qui se suicident n’avaient pas encore été jugé. 

En France, environ 65 000 personnes sont détenues pour un peu plus de 50 000 places. Les prisons sont bondées et dans un état de délabrement grave. Les prisonniers sont mélangés, petits délinquants et grands bandits peuvent ainsi se rencontrer, notamment dans les prisons pour femmes dont le nombre restreint oblige à mélanger jeunes mineures avec détenues plus matures. Dans le reportage diffusé dans l’émission Envoyé Spécial le jeudi 2 avril dans lequel des prisonniers témoignent de leur quotidien, un journaliste parle « d’école de la délinquance ». Les équipements sanitaires et les conditions d’hygiène sont déplorables. La sécurité n’est pas assurée et ce sont parfois les détenus qui font eux même la loi, décidant de régler des comptes ou de punir certains types de crimes comme le viol. 

La notion de réinsertion devient floue. Les conditions d’enfermement rendent difficile le suivi d’une formation efficace, la sortie des systèmes illégaux et un suivi psychologique. La visibilité sur la population d’une maison d’arrêt est presque nulle pour les surveillants qui sont obligés de fermer les yeux sur de nombreux problèmes et de garder leurs distances pour se protéger. 

 

Des matons qui n’en peuvent plus  

Si le surveillant pénitentiaire était par le passé une véritable pression pour les prisonniers, il n’est aujourd’hui qu’une gêne dont on s’accommode. Confrontés aux conditions d’enfermement et à un manque d’effectifs, le personnel des prisons peine à maintenir l’ordre. 

Le nombre de surveillants mettant fin à leurs jours inquiète et soulève une fois de plus la question des prisons françaises. Début avril, deux gardiens se sont suicidés, dans les maisons d’arrêt de Luynes (Bouches du Rhône) et de Fresnes (Val de Marne). Difficile de dire quelle part leur travail peut avoir dans le désespoir qui les a menés à ce geste. Ils ne montraient apparemment pas de signes évidents de dépression. Neuf gardiens ont ainsi mis fin à leurs jours depuis le début de l’année 2009 selon la CGT pénitentiaire.  

 

Illustration : Françoise Bessières