Printemps arabe : à qui le tour ?

Le mur de la peur au pied duquel, les populations arabo-musulmanes longtemps asservies, longtemps humiliées, longtemps opprimées, s’étaient réfugiées , a cédé. Il a volé en mille éclats et les voilà se mettant comme des loups à hurler pour destituer tous les responsables de la confiscation de leur dignité, de leur liberté.

D’une ampleur souvent insoupçonnée, la réaction de ces êtres paralysés par des régimes despotiques, impitoyables ne peut que surprendre : même les Syriens qu’un régime baassiste, vieux d’un demi-siècle, s’était évertué à infantiliser notamment par la dissémination terrorisante des "Moukhabarats", services secrets, semblent s’éveiller à leur tour. Après l’échec de leur première tentative de protestation lancée le 4 février via internet pour dénoncer "l’autocratie, la corruption, la tyrannie", s’amorce une seconde. Baptisée "révolution syrienne contre Bachar el Assad 2011", elle aurait pour ambition de s’exprimer à travers toutes les villes de Syrie, au Canada, aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en France, en Allemagne, en Australie et à une date toujours inconnue jusqu’à ce jour.

Et, en dépit de l’émergence d’une hostilité au rude pouvoir en place, Bachar el Assad ne tarit pas d’argumentation pour expliquer la raison des convulsions dans les pays arabes voisins, découlant selon lui, d’une absence d’écoute des populations de la part des dirigeants. Devenu peut-être amnésique quant à sa propre violation éhontée des libertés, quant à son traitement des opposants s’illustrant de détentions abusives

Aussi voit-on, tous azimuts se multiplier les promesses émises par les dictateurs en place, qui d’annonces de programmes sociaux économiques de développement, qui de levée d’état d"urgence, qui de distribution d’allocations dans la plus grande mansuétude. A la pointe de l’innovation dès lors qu’il s’agit d’acheter du non achetable qui transcende toutes les cupidités consuméristes !

Et malgré l’avalanche de largesses dont a fait preuve le souverain saoudien à la tête d’un trône familial datant de 80 ans, il n’est pas parvenu à faire se muer les aspirations profondes du peuple à un changement radical politique, économique et social en béatitudes de satisfaction. Des exigences mises en sourdine provisoirement, à l’état latent, avant de se déchaîner avec la fureur d’un tsunami final.

 A l’instar des Yéménites, des Bahreinis, les Qataris entendent le 16 mars descendre dans la rue au nom de la révolution pour la Liberté, dénonçant aussi la vassalisation de  l’émir Hamad à Israël, à l’Amérique laquelle dispose d’une importante base militaire dans l’émirat.

  Pour ne pas demeurer en reste, les Libanais qui en 2005, toutes confessions confondues, après l’attentat de Rafik Hariri avaient lancé le premier printemps arabe,"révolution du cèdre", afin de venir à bout de la tutelle syrienne vampirisante, sont revenus hier sur le devant de la scène. Une colère contre le "féodalisme, la ségrégation, le confessionnalisme". Slogan faiblement mobilisateur en ce 27 février pluvieux dans un pays où les priorités du moment sont bien ailleurs !

Aujourd’hui, nombreux retiennent leur souffle en attendant l’heureux dénouement inéluctable de la fronde libyenne ne pouvant mener, à plus ou moins long terme, que vers l’assouvissement des aspirations du peuple concerné.

Pourtant le chef de l’Etat Nicolas Sarkozy trouve l’indécence de mettre en garde contre un échec de la révolution susceptible d’être un déclencheur de flux migratoire massif vers l’Europe. Aurait-il fallu pour ne pas exposer certains à un tel péril, se figer dans l’immobilisme au détriment de la vie de peuples ? N’est-ce pas à la portée du plus commun des mortels de consentir qu’à la moindre marche à gravir, un prix demeure à payer comportant des risques et parfois de longs errements, sans lequel rien n’est possible ?

 Et que dire des difficultés d’une fabuleuse révolution guidée par un élan sans précédent venu du fin fond de l’âme en détresse que rien ne saura ébranler. Ce type de raisonnement nombriliste, dénué de solidarité laisse sceptique quant aux véritables motifs de la volonté de reprendre les rênes du pouvoir en guise de soutien par des institutions internationales, via une résolution de l’ONU : servir les désiderata de Sarkozy et consorts ou le peuple en question ?

 En témoignent les ravages découlant de l’enlisement de l’importation de la démocratie américaine en Irak qui s’est soldée par des millions de morts, de blessés, de réfugiés, par des destruction de l’ensemble des infrastructures. Le jeu en valait-il la chandelle, et n’est-on jamais mieux servi que par soi-même ? D’ailleurs que de résolutions restées lettres mortes, que de résolutions avortées par un seul veto !

 La primauté des intérêts au détriment des peuples pourra-t-elle indéfiniment mener le monde alors que le bon sens populaire semble cibler bien plus efficacement ses priorités supplantant de loin les entreprises des grands faites d’atermoiements et de falsifications ?

 Printemps arabe, printemps de peuples en quête de liberté dans la plus grande ivresse de la fraternisation pour ne plus se laisser balloter, tels des pantins désarticulés, au gré d’imposteurs et pour se réapproprier enfin leur propre Histoire.

8 réflexions sur « Printemps arabe : à qui le tour ? »

  1. [b]je reviendrai demain, lire à tête reposée cet article prometteur que je viens de survoler.
    A demain « Gentil Coquelicot »

    Sophy[/b]

  2. Que votre passage, votre mot me touchent, « la plus adorable des Sophy » alors même que vous êtes prise par votre article sur le si bel hommage rendu à la grande Annie Girardot.

  3. Article magnifique sur cette population arabe en quête de liberté.
    Je crois que nous avons la chance d’assister à un grand tournant de l’histoire, et il me semble que les retombées vont changer le monde.
    C’est ainsi que les pays s’interrogent sur les différents scenarii des « après révolutions », et sur le comportement futur de leurs propres populations.
    Haro sur tous ces dictateurs et autres seigneurs des temps modernes qui ne pensent qu’à s’enrichir sur le dos des populations.

  4. C’est vrai que nous assistons en direct à un grand tournant de l’histoire qui risque de tout bouleverser et dans le bon sens, j’espère !
    Pulvérisation de cette chape de silence en dessous de laquelle on a presque enterré les populations ce qui leur permettra enfin de jouir des droits les plus élémentaires.
    Fini les odieuses corruptions qui atteignent des niveaux qui dépassent l’entendement, c-a-d strictement rien à voir avec les salaires des employés fictifs de la mairie sous la présidence de Jacques Chirac. C’est vraiment gigantesque de les voir se réveiller les uns après les autres en payant cher leur combat, malheureusement.
    Peut-être le début du chemin menant vers la réconciliation des peuples ?
    MERCI Ludo de votre passage et de votre commentaire.

  5. et la chape de silence qui n’autorise aucune critique de nos politicien contre Israel et ses agissements criminels contre la population palestinienne ? c’est quand qu’on va ouvrir les yeux et dire à Israel d’arreter ses meurtres contre la population palestinienne ?
    ne rever pas trop pour le monde arabe, tant qu’il y aura des interets occidentaux il y aura un dictateur, la France, les Etats Unis s’excite et demande des sanctions contre leurs ancien amis dictateur pour mieux poser leurs nouveaux pions en douceur …

  6. Je partage Nethanya votre déception quant aux rapports entre l’Occident et les pays où gicle le pétrole reposant sur les intérêts et rien d’autre, malheureusement.
    Aujourd’hui que les populations ont décidé de s’impliquer pour écrire leur propre histoire, s’allume une lueur d’espoir qui permet de rêver. Rêve qui deviendra réalité un jour, peut-être !
    « Accourir pour mieux poser leurs pions » est une option si redoutable et si possible vu leurs antécédants !
    J’ai entendu récemment un analyste dire qu’une intervention américaine maquillée en aide humanitaire pourrait être un soutien à Kadhafi en ralliant à lui toute la masse farouchement hostile à l’Amérique « semeuse » de chaos, version irakienne.
    Quant au problème palestinien bloqué dans une terrible impasse, je me demande à quoi servent ces politiciens impuissants et si les peuples eux-mêmes ne pourraient pas prendre bien plus efficacement le relais ?

  7. Si seulement ce rêve pouvait devenir réalité et que les peuples puissent décider de faire la paix entre eux sans arriere pensée d’interêt…pour ça il faudrait des révolutions partout dans le monde y compris chez nous « les démocraties » car si on le droit de critiquer nos politiciens on a aussi le droit de payer beaucoup d’impots de taxe et les augmentations de taxe aussi ! rien que le gaz 20% en 1 an au premier avril 2011 !!!
    la révolution ils seraient temps qu’on y pense nous autres grande démocratie ?

  8. Oui un nouvel ordre social qui réconcilierait les peuples entre eux ou est-ce une utopie ?
    « il serait temps que nous, grandes démocraties, pensions à la révolution ». Autant les injustices peuvent servir de catalyseur pour secouer , autant les acquis dans les sociétés démocratiques peuvent inciter à somnoler.
    « Dans les sociétés démocratiques, la majorité des citoyens ne voit clairement ce qu’elle pourrait gagner à faire une révolution et elle sent à chaque instant et de milles manières ce qu’elle pourrait y perdre. » Tocqueville

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