Un papillon. J’ai eu affaire à un papillon.

Comme « l’insecte ailé » que célébrait Florian par des vers désuets et charmants :

« L’azur, la pourpre et l’or éclataient sur ses ailes ».

Mais il n’y avait pas de « pauvre petit grillon caché dans l’herbe fleurie ». Ni herbe fleurie. Ni grillon.

Une vitre. Et moi.

Une vitre : c’est affreux pour un papillon ! Cette surface dure, lisse, menteuse, à travers laquelle on aperçoit un beau ciel inaccessible. Et un humain, c’est terrible. Si grand, si puissant, avec ces longs doigts habiles à saisir les ailes…

Il se débattait, affolé, impuissant, entre la vitre et le rideau, le rideau que déjà soulevaient les longs doigts. Un papillon a-t-il comme nous un pauvre cœur qui bat très vite quand vient la peur ? Je n’en sais rien : un savant le dirait peut-être. J’imagine simplement qu’un papillon qui a peur ressemble à nous autres en proie à la peur.

Il était beau. Je l’admirai une dernière fois. Je lui parlai : bien inutilement ! Mais c’était à toutes les peurs qu’il y a dans le monde que je m’adressais. Et je dis, en ouvrant la fenêtre : «Prends ton vol». O joie de sentir l’air frais du dehors et de trouver devant soi l’espace vide ! D’un coup d’ailes il se souleva, quitta la méchante vitre, et souple, léger, heureux, il s’en alla.

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Si l’on pouvait délivrer ainsi tous les captifs qu’il y a par le monde !

Si l’on pouvait écarter de l’obstacle dur contre quoi ils se meurtrissent les gens sortis de leur milieu vital ! Si l’on pouvait rendre la joie du plein air à ceux qui étouffent, esclaves de leurs passions, de leurs infirmités, de leur misère, de la volonté tyrannique d’autrui, de quelque crainte obsédante ! (de leur ordinateur ????) – Ouvrir la fenêtre pour eux, les voir s’échapper, monter…

 

Mais trop souvent on laisse le papillon se débattre, ou bien l’on saisit durement les pauvres ailes déjà fatiguées. C’est fini, le papillon se débat et meurt.

 

Et il y aura un peu de beauté, de bonheur et de liberté en moins sur la terre.