Les femmes sont de plus en plus présentes dans la police nationale, mais leurs carrières stagnent trop souvent. Un rapport d’un syndicat des commissaires de la police nationale l’établit. Mais les solutions invoquées pour modifier cet état de fait sont-elles, pour nécessaires qu’elles soient, suffisantes ?

Une auteure qui débute un rapport en citant Henri de Nettesheim et Poullain de la Barre ne saurait être négligée.
C’est le cas de Sylvie Feucher, secrétaire générale du SCPN (Synd. Nat. de la police nat.), qui pose la question : « la police nationale est-elle toujours un métier d’homme ? ».

Oui, numériquement, un tiers de l’effectif seulement, beaucoup moins dans la hiérarchie, y compris la syndicale.
Non, puisqu’on les voit de plus en plus présentes sur le terrain, surjouant parfois les bravaches ou, au contraire, plus attentives aux demandes des citoyens ou sachant apaiser des situations de tension.

Je sais, la phrase qui précède est caricaturale.
D’abord parce que pifométrique, tout comme peut l’être l’appréhension du rôle des magistrates du parquet, certaines jouant systématiquement les Fouquier Tinville, d’autres se révélant beaucoup plus sensibles aux intérêts globaux de la société dont elles sont censées représenter les intérêts.

Elle est d’autant plus déplacée que le rapport de Sylvie Feucher n’aborde absolument pas cet aspect très subjectif.
Syndicaliste, l’auteure s’intéresse surtout aux possibilités de promotion des policières et aux freins les restreignant.

L’évolution des résultats des concours d’admission – externes – révèle qu’à tous les échelons, les jeunes femmes (gardiennes de la paix, officiers et commissaires), globalement –c’est très variable selon les régions pour le concours de base –sont plutôt bien représentées. La parité est atteinte pour le corps des personnels techniques et scientifiques, ce qui ne se vérifie que difficilement pour les personnels administratifs (fautes de données centralisées). En revanche, le nombre des admissibles femmes dépassant celui des hommes, les jurys semblent écrêter le nombre des admises, soit de manière non controversée (épreuves sportives ou techniques), soit lors du grand oral. Cela se serait aggravé en 2010 avec 62 % d’admis contre 38 % d’admises.

C’est lors des concours internes et en examinant les nominations au choix que la prédominance masculine s’affirme. Raison invoquée : « les femmes cherchent toujours à préserver le difficile équilibre entre vie professionnelle, grossesses et éducation des enfants. ». Bizarrement, les contraintes pesant sur les magistrates (ne citons que les permanences dominicales) ne conduisent pas à des résultats identiques : les femmes sont surreprésentées tant dans les concours externes qu’internes.

Plus on s’élève dans la hiérarchie, moins les femmes sont bien représentées. Cela découle aussi de la pratique insidieuse de ne pas nommer des femmes dans des postes favorisant une promotion rapide ou jusqu’à des échelons de très haut niveau.

Conclusion du rapport : « aux rares personnes qui ne verraient dans cette étude qu’un affichage féministe, nous rappelons que les hommes commissaires, tout comme les femmes commissaires, sont également concernés par la nécessité de trouver un équilibre entre travail et vie privée… ». Ce qui vaut pour tous les secteurs d’activité, dans la fonction publique comme dans le privé.

Ce rapport « laisse sur sa faim » en ce qui se rapporte au style de commandement des femmes et des hommes dans la police en général (et la question des CRS n’est pas abordée du tout). D’autre part, il n’aborde pas du tout les aspirations des hommes à trouver l’équilibre invoqué. La question des motivations des hommes et des femmes à s’orienter vers une carrière dans la police n’est pas non plus examinée (les hommes aspireraient-ils à devenir des « commissaire Cordier », toujours sur la brèche, les femmes motivées davantage par la garantie de l’emploi pérenne sans tomber dans la routine ?).

Il n’est pas trop non plus question de la représentation des femmes dans les syndicats (hors instances paritaires : représentantes du personnel des les commissions administratives ou les comités d’hygiène). Parole de policier : « il y a deux manières de monter très rapidement en grade : à titre posthume ou syndical. ». La question des origines sociales des policières n’est pas non plus vraiment ne serait-ce qu’effleurée.

Il y a eu pourtant, en 2007, l’étude de Geniève Pruvost, Profession : policier ; Sexe : fémininin (éds de la Maison des Siences de l’homme). Il y a de rares mais belles réussites, comme celle d’Yvette Bertrand, intégrant la police voici plus de trente ans et devenue cheffe de la criminelle. À présent (postérieur au rapport, mais les faits étaient connus lors de sa rédaction), le cas de Sihem Souid (auteure d’Omerta dans la police), sanctionnée pour manquement au devoir de réserve (18 mois d’exclusion sans salaire, dont six avec sursis le 26 juillet dernier en dépit d’une décision judiciaire du 18 mars). L’action syndicale ne se borne pas à réclamer des crèches et obtenir que l’accès à des postes à temps partiel soit facilité.

Néanmoins, pour aride qu’il soit et parcellaire, ce rapport gagne à être consulté. On en retrouvera l’intégralité notamment ici (sur le site du SCPN). Une étude portant sur les polices municipales serait aussi la bienvenue…