Dans leur ouvrage, « Les Gourous de la Com’. Trente ans de manipulations politiques et économiques », paru aux Éditions La Découverte, Aurore Gorius et Michaël Moreau plongent et s’immergent dans l’univers glauque des communicants. Leur constat est implacable. « Ils vivent… », écrivent-ils, « …dans l’ombre des puissants, mais ils exercent eux-mêmes un pouvoir et une influence largement ignorés du grand public. Les conseillers en communication règnent aujourd’hui dans le paysage politique comme dans celui des affaires : ils contrôlent l’image des gouvernants comme celle des grands patrons, ils manipulent les journalistes et l’opinion, maniant l’intox et sachant empêcher la parution d’articles de presse malveillants. Désormais, ils participent également aux décisions stratégiques des politiques comme des groupes du CAC 40, et prennent part aux grandes batailles économiques dont le capitalisme français a le secret. » Et les auteurs y démontrent, sans concession, comment, en trente ans, de l’avènement à la Présidence de la République, en Mai 1981, de François Mitterrand aux années Sarkozy, se sont construits de gigantesques réseaux d’influence qui agissent, en coulisses, pour des intérêts privés.


Leurs méthodes, un système opaque et un pouvoir d’influence occulte, reposent, essentiellement, sur les connivences extra-démocratiques, les échanges de bons procédés, les réseaux, la consanguinité, l’artifice, l’entrisme, la voracité, l’influence, le lobbying, le copinage, les arrangements entre amis en tous milieux du politique au judiciaire en passant par ceux de la finance, des think-thanks, – véritable cour des miracles où tout le monde politico-financièro-journalistico-juridoco-judiciaire se retrouve avec le but avoué d’y acquérir le pouvoir, de faire jouer les relations, de profiter des réseaux propres à chacun et de chercher, par tous moyens fussent-ils illicites, à arranger les affaires -, et des sociétés secrètes, parfois les menaces, la brutalité et… la censure. Et si hier encore, les assises du journalisme étaient l’investigation, noyées dans un déficit démocratique manifeste, elles ont laissé place à un journalisme de validation fort lucratif pour celles et ceux qui le pratique.


Dans ce milieu fermé, Stéphane Fouks s’impose en maître incontesté et incontestable. « Rocardien » capté par la puissance du co-créateur du « Cercle de l’Industrie », c’est un Strauss-kahnien indéniable, irréductible et insécable d’autant plus que son protégé, à titre de Directeur Général de l’Institution, lui a ouvert les portes du Fonds Monétaire International. Sa société EuroRSCG C&O, une machine de guerre dans le monde du conseil et de la communication faisant partie du Groupe Havas, – certains avancent du Groupe Bolloré ? -, du réseau Euro RSCG Worldwide et du réseau mondial AMO, s’est ainsi muée en communicant officiel du FMI tout en restant conseiller occulte de la personne privée qui en détient les rênes. Cela est si vrai que, dès le 16 Mai 2011, Stéphane Fouks, Gilles Finchelstein, Anne Hommel et Ramzy Khiroun se sont envolés vers les États-Unis pour se ruer au secours d’un particulier « accusé de viol. » A cet effet, le journaliste de « 24heuresactu.com » se demandait « Est-ce au FMI de payer des consultants de haut vol pour » la « communication personnelle(1) » de Dominique Strauss-Kahn ?


Mais le journaliste rajoute : « Le FMI n’a pas à le protéger dans cette situation, aussi malheureuse soit-elle : d’ailleurs il n’a pas d’immunité diplomatique(2) pour cette affaire, et un communiqué du Fonds précisait que ces éléments restaient relatifs à la vie privée de Dominique Strauss Kahn. » A lire le dernier rapport du Bureau indépendant d’évaluation de l’institution publié le 20 Mai 2011 et dressé à partir d’un questionnaire remis aux autorités financières et monétaires des pays membres ainsi qu’aux économistes travaillant au Fonds Monétaire International, et d’une réalisation d’une campagne d’entretiens individuels, il en ressort que, parmi les sept cent quatorze économistes du Fonds Monétaire International ayant répondu à l’enquête, « 62% se sont très fréquemment ou assez fréquemment sentis contraints d’aligner leurs recherches et leurs conclusions sur les positions du FMI. Les entretiens ont confirmé cette tendance : plus de la moitié des employés ont déclaré qu’ils avaient eux-mêmes vécu ou connu des cas où les résultats avaient été ajustés à ce qui était perçu comme le point de vue institutionnel sur le sujet », toutes les questions peuvent se poser sur le déroulement, à l’automne 2008, de l’Affaire Piroska Nagy et sur son rendu : « Dominique Strauss-Kahn blanchi. »


Cette « Affaire d’abus de pouvoir » a été déclenchée suite à une intervention de l’époux cocufié, Mario Blejer, qui avait, en Juillet 2008, découvert les faits – Dominique Strauss-Kahn avait écrit un nombre conséquent de courriels et de SMS, s’apparentant à un harcèlement sexuel, à Piroska Nagy -, exprimé sa colère à Dominique Strauss Kahn et réclamé, auprès du représentant russe, Aleksei Mozhin, une enquête du Fonds Monétaire International sur le comportement licencieux, de Décembre 2007 à Janvier 2008, – soit à Washington au siège de l’institution, soit à Davos en Suisse dans le cadre d’un Forum économique mondial -, de son Directeur Général. Décrétée, après avoir « eu écho de certaines allégations cet été(3) », – Août 2008 – , par le doyen Shakour Shaalan, représentant l’Égypte et d’autres pays arabes au Conseil d’Administration du Fonds Monétaire International, une enquête interne, a été tout d’abord instruite. Le 02 septembre 2008, celle-ci a été confiée à un Conseil externe, la société d’avocats international de plus de 1.450 avocats « Morgan, Lewis & Bockius LLP », pour mener « une enquête et déterminer la validité de ces allégations. » Les enquêteurs ont eu pour mission exclusive de savoir si Dominique Strauss-Kahn aurait favorisé l’économiste hongroise ou si, au contraire, il l’aurait poussée vers la porte avec des émoluments gratifiants.


Dans cette « affaire de mœurs », quatre éléments ont joué un rôle primordial dans le blanchiment de Dominique Strauss-Kahn :

– Afin de limiter l’ampleur d’un inévitable scandale faisant écho à une affaire similaire qui s’était produite en Mai 2007, – l’ex-Directeur Général de la Banque Mondiale ayant indûment assuré l’avancement de Shaha Riza, une collaboratrice avec laquelle il entretenait une liaison -, et qui s’était traduite par la démission forcée de celui qui avait été initialement nommé pour assainir les pratiques de gestion de l’institution, le Fonds Monétaire International ne pouvait pas se permettre, étant le malvenu au motif que l’institution concentrait ses efforts sur un soutien appuyé aux pays les plus touchés par la crise financière, qu’éclate un scandale de l’envergure de celui, pour népotisme, qui avait frappé la banque Mondiale.

– Déjà présente au sein du Fonds Monétaire International comme conseil de l’institution pour l’Europe et l’Afrique, la société EuroRSCG C&O, une société de communicants « s’occupant des intérêts » de Dominique Strauss-Kahn et embauchée par l’ex-Directeur Général, après sa nomination en 2007, a eu tout loisir, bien que rémunérée par l’organisme mondial, – avec la Banque Mondiale une institution du système des Nations Unies -. d’appliquer ses méthodes. Ses membres travaillant quasiment à plein temps, à très gros salaires et « faux frais », emmenés par Stéphane Fouks à la réputation sulfureuse de commerçant « capable de vendre une télé à un aveugle », pratiquant le « management en râteau », ont pu faire jouer, – tout particulièrement Gilles Finchelstein directeur des études d’Euro RSCG Worldwide, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, membre des thinks thanks Le Siècle, Groupe Bilderberg et Trilatérale -, leurs relations et mettre en œuvre, – Ramzi Khiroun le démineur de crise et porte-parole parallèle du groupe Lagardère, et Anne Hommel, chargée de faire passer aux patrons de presse et aux médias les messages politiques des gros annonceurs -, avec leur savoir faire es-matière pour obtenir le blanchiment de leur « patron. »

– Le cabinet extérieur d’avocats international, Morgan, Lewis & Bockius, qui a travaillé quasi deux mois sur l’affaire et achevé son rapport le 25 octobre a entendu Piroska Nagy pendant près de six heures mais pas. une seule fois.. Dominique Strauss-Kahn. En France, c’est le journal Libération(3) qui désamorce « la bombe » en écrivant « Les auditions que nous avons menées, ainsi que les autres documents que nous avions examinés montraient que la relation entre eux était consensuelle. » et, faisant un amalgame entre Robert J. Smith, avocat, et une source anonyme, rajoutant « Les mails prouvaient que Piroska Nagy avait bien manifesté, elle aussi, de l’intérêt pour cette relation avec Dominique Strauss-Kahn. Les deux amants avaient notamment utilisé des pseudonymes, montrant qu’ils étaient tous deux intéressés à poursuivre, et cacher, leur relation. » En fait, le cabinet d’avocats international, Morgan, Lewis & Bockius, aurait dû communiquer les courriels et les SMS, signe intrinsèque d’un harcèlement sexuel, au Metropolitan Police Department, à Washington, ce qu’il n’a pas fait.

– Enfin, le 20 octobre 2008, avant que le rapport ne soit rendu par le cabinet extérieur d’avocats, Piroska Nagy a écrit une lettre, dans laquelle elle s’indigne au fait que sa relation, avec Dominique Strauss-Kahn, soit considérée « consensuelle », d’une part, et, d’autre part, qu’il n’y a pas eu d’enquête spécifique sur les « abus de pouvoir » commis par le directeur du Fonds Monétaire International. Dans cette lettre, elle y a écrit : « Je pense que M. Strauss-Kahn a abusé de sa position dans sa façon de parvenir jusqu’à moi. Je vous ai expliqué en détail comment il m’a convoquée plusieurs fois pour en venir à me faire des suggestions inappropriées. Malgré ma longue vie professionnelle, je n’étais pas préparée à des avances du directeur général du Fonds Monétaire International… », Piroska Nagy la concluant par « Je crains que cet homme ait un problème pouvant le rendre peu adapté à la direction d’une institution où des femmes travaillent sous ses ordres. » Tout comme les courriels et les SMS, le cabinet d’avocats international, Morgan, Lewis & Bockius, aurait dû communiquer la lettre au Metropolitan Police Department, à Washington, ce qu’il n’a pas fait. Au différent, le cabinet d’avocats l’a classée sans suite…


Certes les Strauss-Kahn idolâtres argueront que vingt-huit personnes avaient été interrogées au Fonds Monétaire International et rien n’en était ressorti étayant les rumeurs de donjuanisme, de « drague lourde », de « frasques » ou de « la complexité de la vie sexuelle » de Dominique Strauss-Kahn. Ils en oublieront, volontairement, de faire état que :

– Au moins deux autres affaires de « drague lourde », de la part de l’ex-Directeur Général du Fonds Monétaire International, ont été étouffées ;

– Le 18 Octobre 2008, le Wall Street Journal a porté l’affaire Piroska Nagy gardée très secrète, – seuls 5 membres du conseil d’administration du Fonds Monétaire International étant informés de l’affaire en cours, sur les 24 le composant -, par la première fois depuis le début des investigations, sur la place publique.

– Dans sa lettre du 20 Octobre 2008, Piroska Nagy y avoue : « J’aurai été damnée si je le faisais et maudite si je ne le faisais pas… » et un cadre du Fonds Monétaire International a explicité que « Strauss-Kahn a commencé à harceler Nagy, peu après qu’il soit devenu Directeur Général du Fonds Monétaire International… et l’enquête du conseil d’administration du Fonds Monétaire International a ignoré ses allégations d’abus de pouvoir… »


Coupable ou non coupable ?

 

Mais, pour éviter un scandale qui aurait ébranlé les assises du Fonds Monétaire International en pleine crise financière de 2008, Dominique Strauss-Kahn a été blanchi. Et Christine Lagarde qui en est le nouveau Directeur général, rouvrira-t-elle une nouvelle enquête qui s’impose car Dominique Strauss-Kahn, avec « l’Affaire Piroska Nagy », y a fait preuve de néopotisme, d’une part, et, d’autre part, déposera-t-elle  plainte, en nom du Fonds Monétaire International, à l’encontre de Dominique Strauss-Kahn qui a employé, pour sa propre défense dans une affaire relevant du privé, une société de communicants rémunérée à très gros salaire et à « frais payés » par le Fonds Monétaire International(4), ce qui est un délit considéré comme « détournement de biens et fonds publics » et un « enrichissement personnel » ?


Notes.


(1) « DSK : Stéphane Fouks et EuroRSCG derrière la thèse du complot ? », 24 heures actu,com du 16 mai 2011 : « Est-ce au FMI de payer des consultants de haut vol pour sa communication personnelle ? Certainement pas. Le FMI n’a pas à le protéger dans cette situation, aussi malheureuse soit-elle : d’ailleurs il n’a pas d’immunité diplomatique pour cette affaire, et un communiqué du Fonds précisait que ces éléments restaient relatifs à la vie privée de DSK. Ce n’est pas le FMI qui payera ses avocats, ni lui qui doit payer sa communication de crise. » Et « Plus généralement, le monde de la communication s’interroge : depuis combien de temps pourrait fonctionner cette facturation au FMI pour les besoins privés de l’homme ? »

(2) « La tentation de l’immunité de DSK », L’Express avec AFP, du 17 Juin 2011 : « Dominique Strauss-Kahn assure qu’il bénéficie de l’immunité diplomatique. Prié de vider ses poches, de tout poser sur la table, il… indique qu’il a un passeport diplomatique. Où est-il ?, demande » le détective de la Police de New-York « Diwan Maharaj. J’ai un second passeport, répond Dominique Strauss-Kahn. »

(3) « Le FMI enquête sur Dominique Strauss-Kahn », Libération du 18 Octobre 2008.

(4) « Euro-RSCG : Comment faire passer un homme de droite pour un socialiste ou l’inquiétant pouvoir des communicants », Les chroniques de Luc Torreele, MediaBeNews du 26 Mai 2011 : « C’est l’agence de communication Euro-RSCG, – groupe Bolloré -, qui était à la manœuvre. Cette agence a obtenu la communication du FMI pour l’Europe et l’Afrique… Outre Stéphane Fouks, le patron d’Euro-RSCG, trois personnes semblent avoir travaillé à plein temps, et à très gros salaires et « faux frais » pour Dominique Strauss-Kahn : Ramzi Khiroun, Gilles Finchestein et Anne Hommel… De même une entreprise n’a pas le droit de servir gratuitement les ambitions d’un homme en abusant de ses biens sociaux… »

 

Suite de l’article : « Plus pourri que moi, je meurs… », Acte XVI : Politiques, justice et communicants 5

 

Précédents articles concernant le même sujet :

« Plus pourri que moi, je meurs… »

« Plus pourri que moi, je meurs… » Acte II : Les politiques, la justice et les think thanks 1.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte III : Les politiques, la justice et les think thanks 2.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte IV : Les politiques, la justice et les think thanks 3.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte V : Les politiques, la justice et les think thanks 4.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte VI : Femmes, vieilles affaires et communicants 1

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte VII : Femmes, vieilles affaires et communicants 2

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte VIII : Femmes, vieilles affaires et communicants 3

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte IX : Femmes, vieilles affaires et communicants 4

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte X : Femmes, vieilles affaires et communicants 5

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte XI : Femmes, vieilles affaires et communicants 6

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte XII : Politiques, justice et communicants 1

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte XIII : Politiques, justice et communicants 2

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte XIV : Politiques, justice et communicants 3