Dans le cadre de l’affaire Elf, au travers du salaire de sa secrétaire, Évelyne Duval, payée 16.000 francs par mois, du 1er juin 1993 au 31 mai 1994, par une filiale suisse de la société pétrolière Elf Aquitaine International, pour un montant total de 192.000 francs, Dominique Strauss-Khan avait été mis en examen pour « complicité et recel d’abus de biens sociaux.

De forts soupçons d’être intervenu personnellement pour la prise en charge d’une partie des rémunérations de sa secrétaire, employée de 1993 à 1997 par le Cercle de l’industrie, – association de lobbying co-fondée par Dominique Strauss-Kahn, Raymond Haïm Lévy, Président de Renault, et Maurice Lévy, patron de Publicis -, planaient sur le vice président, « à titre bénévole tout en bénéficiant d’un bureau, d’une secrétaire et de notes de frais », du think thank.

En outre, le groupe Elf, avait versé, en 1993, une subvention, – d’un montant toujours resté inconnu dans le cadre de la procédure -, au Cercle de l’Industrie auquel le groupe pétrolier n’appartenait pas encore. Ce « fait au chiffre versé gardé secret » permit aux avocats de Dominique Strauss-Kahn, Jean Veil et Lev Forster, de choisir leur axe de défense et de soutenir que le salaire d’Évelyne Duval, payé par Elf-Aquitaine, était « une sorte de subvention ou de cotisation donnée par avance. »

Le parquet de Paris, sans se poser de questions saugrenues, admit cette argumentation. En conséquence, le salaire d’Évelyne Duval ne put plus, dès lors, être considéré comme une « complicité et recel d’abus de biens sociaux » pour Dominique Strauss-Khan et comme un « abus de biens sociaux » pour Elf-Aquitaine, mais comme une dépense légitime pour le groupe pétrolier.

Le juge d’instruction, Eva Joly(1), en charge de cette affaire politico-financière, – qui avait éclaté en 1994-, aux multiples ramifications, –Affaire Bidermann, Affaire Dumas, Affaires des frégates de Taïwan liées aux Affaires Cléastream2, Affaire Thinet, Affaire de la maison du Dr Maillard n Affaire Ertoil et Affaire de la raffinerie de Leuna -, avait choisi de sortir l’affaire Duval-Dominique Strauss-Khan de son dossier « emplois fictifs d’Elf-Aquitaine International », et de lui accorder un traitement judiciaire plus rapide que celui réservé aux autres mis en examen. Une faveur critiquée, à mots couverts, par certains avocats. Et ce fut, tout naturellement, que le 2 Octobre 2001, elle prononçait, estimant, en définitive, que ses activités étaient licites, à défaut d’être morales, le « non lieu » en faveur de Dominique Strauss-Khan.

Il est vrai que ce digne personnage, malgré les instructions pénales à répétition qui le frappaient de plein fouet, – MNEF, Elf, Cassette Méry, Karl Lagerfeld…, sans omettre celles, bien que partie prenante, il était oublié : Affaire Bidermann, Affaires des frégates de Taïwan liées aux Affaires Cléastream2, Affaire Jean Peyrelevade et Crédit Lyonnais, Affaire Franck Ullman-Hamon. l’homme d’affaires connu pour avoir réalisé diverses interventions en Amérique latine pour le compte d’Israël, pour être actionnaire-fondateur du magazine Marianne de Jean-François Kahn et pour ses montages avec les filiales du Crédit lyonnais coûtant plusieurs dizaines de millions de francs au contribuable français… -, et une commission d’enquête parlementaire mettant en évidence ses méthodes peu orthodoxes, était une personnalité hautement respectable et un grand argentier au-dessus de tout soupçon et méritait des égards de la part de la justice..

Il est vrai qu’Elf Aquitaine International était une vache à lait pour nombre de responsables socialistes. Eric Ghebali, ancien secrétaire général de SOS-Racisme, membre du Conseil national du Parti socialiste et proche de Martine Aubry, était rémunéré par le pétrolier et avait perçu, au cours de l’année 1993, 15.000 francs par mois en Suisse. Mais, depuis 1989, l’ancien alter ego d’Harlem Désir, – bénéficiant lui, en outre, d’un emploi fictif à la Mutuelle Nationale des Étudiants de France – touchait aussi 30.000 francs par mois d’une autre filiale, française cette fois-ci, Elf-Impex. Enfin, Eric Ghebali avait à sa disposition une carte de crédit suisse d’Elf.

Et que parallèlement:

Il est vrai que Lionel Jospin, en tant que ministre de l’Éducation Nationale, de la Recherche et des Sports, du 12 mai 1988 au 22 juin 1988, puis ministre d’État de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, du 28 juin 1988 au 2 avril 1992, avait modifié par décret, le 31 mars 1992, le taux des remboursements effectués à la Mutuelle Nationale des Étudiants de France par la Sécurité sociale, transformant la Mutuelle en véritable pompe à finances pour le compte du Parti Socialiste. De plus, ce délicat et précieux ministre de l’Éducation Nationale, devenu, sous la cohabitation, du 2 juin 1997 au 6 mai 2002, un Premier Ministre exonéré de tous reproches, avait étendu les activités de la MNEF dans les campus pour détourner toujours plus d’argent. Dominique Strauss-Kahn, lui-même, avait reçu, sur la foi de factures antidatées, des émoluments considérables pour des prestations imaginaires.

– il est vrai aussi qu’entre 1990 et 1993, la Mutuelle Nationale des Étudiants de France avait versé 397.435 francs à Marie-France Lavarini, alors conseillère du ministre de l’éducation nationale, Lionel Jospin et que la génération de la gauche non communiste, – que certains surnommaient « la génération Mitterrand » -, pour le moins 19 physiques et 5 morales dont les députés Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Marie Le Guen, Julien Dray et les ex-rocardiens Manuel Valls, ex-porte-parole de Lionel Jospin à Matignon, Stéphane Fouks, – coprésident d’Euro RSCG C&O France et communicant de Dominique Strauss-Kahn -, ou Alain Bauer…, mais aussi des leaders étudiants des années 1990, des syndicats, – FO, CFDT – , et des associations proches du Parti Socialiste comme SOS-Racisme, avaient fait cracher « au bassinet » la Mutuelle Nationale des Étudiants de France et, pour nombre d’entre eux, parallèlement, Elf Aquitaine International….

Il est vrai, aussi, qu’à titre de vice président du Cercle de l’industrie « à titre bénévole tout en bénéficiant d’un bureau, d’une secrétaire et de notes de frais », Dominique Strauss-Kahn avait installé son étude d’avocat d’affaires dans les locaux même de l’association de lobbying qu’il avait co-fondée avec Raymond Haïm Lévy, et Maurice Lévy. Il y exerçait à titre de consultant, et/ou avocat d’affaires, auprès des patrons, – 48 des 50 plus grands patrons français -, membres du Cercle de l’Industrie. La Cogema, la Sofres .. et EDF, entre autres, lui versaient des émoluments exorbitants pour quelques conseils ou un mot transmis à un grand de ce monde. Cette activité peu contraignante lui assurait des revenus de plus de 2 millions de francs par an. Et il n’avait pas hésité à faire prendre en charge le salaire de sa secrétaire, – du Cercle de l’Industrie ou de son cabinet, guère possible de différencier -, par le groupe Elf…

Il est vrai que dès 1993, Dominique Strauss-Khan paradait au Forum de Davos ; qu’Anne Sinclair l’avait introduit au Siècle, l’association la plus mondaine de Paris ; qu’Antoine et Simone Veil l’avaient fait entrer au Club Vauban ; qu’en 2000, l’OTAN l’avait invité au Club de Bilderberg où il y avait retrouvé Pascal Lamy et Jean-Claude Trichet qui occupent de prestigieux fauteuils dans les institutions internationales ; qu’il donnait des cours dans les Universités de Stanford, – bastion des Républicains, de Condoleezza Rice et de la Hoover Institution vivier de l’administration Bush -, et de Casablanca, sans compter des conférences, ici et là, toujours royalement payées.

En parallèle à l’affaire Elf, en tant que ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur de 1991 à 1993, Dominique Strauss-Kahn s’était intéressé, – sans jamais avoir été inquiété dans le cours des procédures et des investigations menées par les juges d’instructions Eva Joly et Laurence Vichnievsky liées à ces deux affaires -, à plusieurs dossiers chers à l’équipe de Le Floch-Prigent(2) :

– celui du financement de l’industriel Maurice Bidermann, point de départ de l’instruction Elf(3) ;

– celui des ventes de frégates à Taiwann(4) desquelles Alfred Sirven, – connu pour avoir établi un gigantesque réseau de corruption et pour avoir détourné d’immenses sommes d’argent alors qu’il était numéro deux d’Elf Aquitaine -, espérait puiser d’importantes commissions.

Dans l’affaire de financement de l’industriel Maurice Biderman, – 787 millions de francs -, Dominique Strauss-Khan, ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur de l’époque, avait écrit deux lettres(5) :

– l’une adressée à Le Floch-Prigent, le 12 mars 1992, « Je vois avantage, écrivait ce dernier, à ce que votre groupe, – par l’intermédiaire de la Safirep ou d’une société de gestion de portefeuille -, maintienne à cette occasion le niveau de sa participation dans Bidermann SA. »

– le seconde, le 26 mars 1993, le félicitant de sa gestion et lui répétant que le gouvernement ferait tout pour le soutenir, à Maurice Bidermann, en ces termes : « Vous avez achevé la restructuration financière de votre filiale américaine. Celle-ci conduira à diminuer considérablement les frais financiers de la société aux Etats-Unis. Compte tenu à la fois des opérations de restructuration industrielle qui ont été conduites et de la tenue satisfaisante du marché américain de l’habillement,… un retour à l’équilibre du groupe est maintenant plausible…Malgré les mesures de rationalisation qui ont été prises, – en France -, et qui portent leurs fruits, un redressement total ne peut être espéré sans un renforcement des fonds propres de l’entreprise. C’est pourquoi, en liaison avec les investisseurs institutionnels français, parmi lesquels le Crédit National, un montage financier est actuellement à l’étude… J’ai saisi le ministre de l’Economie, M. Sapin, de ce dossier afin qu’il contribue… à dégager une solution à ce problème. »

Dans l’affaire des frégates de Taïwan, le juge Van Ruymbeke, le 01 Octobre 2008, avait été contraint de rendre une ordonnance de non-lieu, dans l’enquête sur les Frégates de Taïwan, qui signait la fin, tout en laissait planer de nombreux doutes, d’une des affaires les plus retentissantes sous la mandature présidentielle de François Mitterrand. Mais cette affaire trouve des ramifications, « étouffées par le milieu médiatique », dans celle de Cleastream2. En effet, dans l’émission « Esprits Libres », sur France 2 conçue et présentée par Guillaume Durand, du vendredi 9 mars 2007, Jean-Louis Gergorin, – co-auteur, avec Sophie Coignard, du livre « Rapacités » -, le « corbeau » de l’affaire Clearstream, avait déclaré avoir reçu des preuves de l’existence de comptes frauduleux appartenant à Dominique Strauss-Kahn.

Dans le cours de cette émission, Jean-Louis Gergorin y explique que « selon lui les services de renseignement d’au moins trois pays seraient intervenus dans cette affaire de listing de comptes de Clearstream, qui est liée à l’affaire des frégates de Taiwan, qui est une affaire d’Etat explosive dont le système médiatique français corrompu ne veut pas parler. Rappelons que l’affaire des frégates de Taiwan a déjà occasionné au moins cinq morts suspectes : noyades, suicides… »

Après y avoir affirmé que Jean-luc Lagardère avait été assassiné, il enfonce le clou : Son « informateur » lui a livré des informations sur l’existence de « comptes bancaires morts-vivants » appartenant à des personnalités. « Ces comptes morts-vivants sont des comptes clôturés par une personne de bonne foi, et qui sont en fait ensuite gardés en l’état par la banque, donc non clôturés, et utilisés par une tierce personne sous l’identité de la personne qui croit avoir clôturé son compte. Ces informations ont été vérifiées. Une des personnalités impliquées détenant un de ces comptes morts-vivants serait Dominique Strauss-Kahn… »

Et si, dès lors, l’affaire d’escroquerie internationale du Koweïtgate, – Christian Basano et Joseph Ferrayé en étant les victimes -, était aussi liée aux compte morts-vivants qui apparaissent dans l’affaire Cleastream2 ?


Notes.


(1) « Integrity Awards winners 2001 » : Eva Joly a été lauréate, pour le travail exceptionnel effectué dans l’affaire Elf, du prix de l’intégrité décerné, en 2001, par l’organisation non gouvernementale, –ou ONG -,Transparency International.

(2) « L’argent de poche de Le Floch-Prigent », Denis Demonpion, Le Point du 21 Septembre1996.

(3) « Les requins. Un réseau au coeur des affaires », Julien Caumer, Flammarion, 1999. Un livre foisonnant, bourré d’informations, et souvent passionnant.

(4) « Les Frégates de Taïwan, Mitterrand, Thonson-CSF, Roland Dumas, Andew Wang, commissions, rétros commissions, etc… », Blog Le Monde,fr, Réflexions et témoignages par A.Mirolo, le 15 juin 2011.

« La rocambolesque histoire des frégates », Jean Guisnel, Pascal Irastorza, Sophie Coignard, Michel Richard, Philippe Manière, Jean-Loup Reverier, Denis Demonpion. Le Point du 07 Février 1998.

« L’affaire des frégates de Taïwan va coûter cher aux contribuables français », Rfi du 09 Juin 2011. Dans cette affaire des frégates de Taïwan, « la cour d’appel de Paris a confirmé la sanction record infligée à Thales par une cour arbitrale chargée de trancher le litige que la justice française n’est pas parvenue à élucider. Le groupe de défense devra payer 630 millions d’euros à la marine taïwanaise pour les pots-de-vin versés il y a vingt ans pour un contrat de navire de guerre. Et c’est l’Etat français qui va prendre en charge, – les deux tiers seront couverts par le budget de l’Etat, soit 460 millions d’euros -, la plus grande partie de l’amende. »

« Les Frégates de Taïwan, de Mitterrand, un coût exorbitant. », El Dia dela Republica, du 09 Juin 2011.

(5) « Elf-Bidermann, L’Etat coupable », L’Express.du 01 Août 1996.

 

Suite de l’article : « Plus pourri que moi, je meurs… », Acte XI : Femmes, vieilles affaires et communicants 6

 

Précédents articles concernant le même sujet :

« Plus pourri que moi, je meurs… »

« Plus pourri que moi, je meurs… » Acte II : Les politiques, la justice et les think thanks 1.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte III : Les politiques, la justice et les think thanks 2.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte IV : Les politiques, la justice et les think thanks 3.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte V : Les politiques, la justice et les think thanks 4.

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte VI : Femmes, vieilles affaires et communicants 1

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte VII : Femmes, vieilles affaires et communicants 2

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte VIII : Femmes, vieilles affaires et communicants 3

« Plus pourri que moi, je meurs… », Acte IX : Femmes, vieilles affaires et communicants 4