C’est en 1948, au moment de la Nakba que, dans une abominable terreur, la clé dans la poche, ils ont quitté leurs foyers dans la certitude d’y retourner. Le plus tôt possible. Non seulement, ils n’y sont jamais retournés mais d’autres aussi ont été expulsés en 1967, 1969,1973… et continuent jusqu’à aujourd’hui de se voir dépouiller de leurs biens. Ils sont devenus des réfugiés palestiniens disséminés dans les pays voisins : Jordanie, Liban, Syrie, Egypte… Pour se donner la force de supporter cette déchéance, autour du cou, sur une chaîne, ils ont gardé bien précieusement la clé de la maison. Dans bien des cas, ils sont morts en laissant en héritage la clé…
 
Leur nombre, selon les Nations unies, atteindrait les 4.700.000. Ils vivent dans des camps en Cisjordanie à Gaza, en Jordanie, au Liban, en Syrie avec un statut spécifique à chaque pays d’accueil. Une diaspora éparpillée dans des conditions souvent déplorables, maintenant d’une manière bien vivace la perennité de son statut, pour tenter de préserver ce fameux droit au retour. Malgré toutes les tentatives de ne pas laisser s’éteindre cette lueur d’espoir, les chances de retour s’amenuisent de jour en jour. Aujourd’hui, ils s’accrochent  au désir de reconnaissance morale et matérielle de la pernicieuse série d’injustices subies depuis la funeste date de 1948, moment de la création de l’état d’Israël. Même cet infime geste de reconnaissance de l’ampleur de la spoliation ne leur est pas rendu car contredirait la légende sioniste selon laquelle, Israël serait la terre sans peuple pour un peuple sans terre. Mensonge édifiant, quand on expulse 750.000 personnes devenues environ 4.500.000. 
 
Un  grand contingent de ces expulsés a trouvé refuge en Jordanie avec un accueil plus ou moins favorable leur garantissant la naturalisation ainsi que l’accès à toutes les fonctions ce qui explique partiellement le tragique septembre noir de 1970 où le roi Hussein de Jordanie s’en prend à la branche armée de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine), laquelle se transfère au Liban et constituera un terreau fertile de dissension entre les divers partis libanais pour constituer la pièce maîtresse de la guerre du Liban et pour servir d’exutoire aux règlements entre pays arabes. D’autres aussi ont trouvé refuge à proximité de chez eux sur les territoires devenus, Cisjordanie et Gaza.

   
Voulant récupérer la carte palestinienne, la Syrie quant à elle, a favorisé l’intégration des Palestiniens en évitant toutes sortes de discriminations à leur rencontre. Au nom de l’intangibilité des équilibres communautaires, au nom de la préservation du droit au retour, le sort qui leur est réservé au Liban est  plus rude : il se traduit par l’inaccessibilité au travail, l’inaccessibilité au logement, des conditions de vie socio-économiques particulièrement alarmantes. Manque de crédit de l’UNRWA aussi oblige. Des enclaves de misère.
Tous ces réfugiés qui n’ont ni voulu ni pu s’intégrer dans les pays d’accueil ont lourdement payé les frais, se trouvant aujourd’hui presque abandonnés par une direction dont les structures politiques, sociales dans les pays d’accueil faiblissent, se trouvant la proie de tiraillements entre factions palestiniennes (Fatah, Hamas)... Aussi suffit-il de faire miroiter le mirage d’un futur état palestinien, depuis les accords d’Oslo en 1993, pour que soit sacrifiée la question dramatique de ces réfugiés. Mais qu’a-t-on donc fait de la résolution 194 adoptée le 11 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies qui, suite au départ forcé de centaines de milliers de palestiniens stipule : "qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables" ?  Passée aux oubliettes !
Depuis l’invasion israélienne du Liban en 1982, se profile une tendance de départ de cette diaspora vers le Canada, l’Australie, la Suède. Il semblerait que pour absorber ces réfugiés, une politique volontariste d’accueil a été mise en place sous l’égide de certaines puissances occidentales.
Meurtri par la guerre, le Liban a perdu  200.000 personnes et plus d’un million d’exilés et compte le plus grand nombre de réfugiés palestiniens du monde arabe soit 400.000. Sceptique, quant à la volonté de la communauté internationale de prôner l’implantation des réfugiés dans les pays d’accueil, la proposition de loi, dans le courant du mois de juillet par Walid Joumblatt, président du parti socialiste progressiste, visant à accorder plus de droits sociaux et humanitaires aux réfugiés a provoqué un vif tollé dans la classe politique qui y voyait, à juste titre, le spectre d’une implantation rampante capable de rompre l’équilibre démographique sur lequel repose le tisu social et religieux. Hier, un amendement à la loi du travail a enfin été voté accordant ainsi aux 400.000 réfugiés sur une population d’environ 4.000.000, le droit d’exercer tous les métiers autorisés aux étrangers.
Le Liban, les Libanais ont payé et continuent de payer le plus lourd tribut dans ce conflit et l’état hébreu n’a toujours pas fini d’imposer sa loi dans la région