La synagogue du quartier Fabric, à Timisoara, la grande ville autrefois austro-hungaro-serbe (pour résumer hâtivement) de l’actuelle Roumanie, est à l’abandon. À l’image de cette épave, peut-être une Olcit alors fabriquée sous licence Citroën, une Oltena (cela ne semble pas le cas, c’est sans doute une Dacia), de la fin des années 1970 ou 1980, la synagogue de Fabric n’est plus fréquentée. Ses vitraux sont brisés, les portes condamnées, les abords envahis de mauvaises herbes.
C’était l’une des trois grandes synagogues de Timisoara (une quatrième, plus petite, moins centrale, m’est parfois évoquée). Celle du centre-ville, proche de la place Unirii, est depuis quelques années en rénovation. Mais alors que l’ensemble austro-hongrois de la place Unirii fait l’objet d’une lourde rénovation, la grand synagogue du centre-ville tarde à retrouver son lustre de naguère. Antan, Timisoara était, tout comme Chisinau ou Bucarest ou d’autres grandes villes d’Europe centrale ou orientale, un important foyer juif.
La Turquie avait accueilli les Juifs de la péninsule ibérique (la première imprimerie d’Istanbul était celle de la duchesse de Naxos, une marrane portugaise) et Temesvar (Timisoara) fut ottomane de 1552 à 1715. La communauté ladinophone vint vivifier une implantation juive remontant au iiie siècle (si elle ne fut antérieure encore). Après la fin de la domination turque, les Juifs expulsés de Hongrie en 1367 et qui avaient gagné des royaumes ou contrées plus orientales, refluent vers l’occident. L’empire autrichien attire des intellectuels juifs au Banat et cet apport contribue, à partir de 1860, a créer une forte communauté qui peut financer, avec l’apport d’une aide internationale sensibilisée à la misère des Juifs roumains des campagnes et par des poussées violentes d’antisémitisme local, la construction des trois grandes synagogues (celle de la cité, du quartier Josefin, du quartier de Fabric).
L’influence austro-hongroise, les pogroms de la Russie tsariste, renforcèrent une communauté prospère jusqu’en 1943. Mais les légionnaires de la Garde de l’Archange saint Michel, devenue Garde de fer de Ion Antonescu, allié des nazis, allaient se livrer à des massacres et déporter des familles entières vers la Transnistrie (la région bessarabe limitrophe de l’actuelle République moldave, de l’Ukraine et de la Russie). Le stalinisme ne fait alors parfois pas trop de distinction entre les « Allemands » (en fait des descendants d’Alsaciens, Lorrains et Sarrois) et les Juifs germanophones et lorsque la Roumanie communiste se détache du « Grand frère soviétique », on fabriquera aussi un « complot juif » (purge du groupe Patrascanu en 1954, Dej liquidant, après avoir fait assassiner Stefan Foris, en 1952, Lucreciu Patrascanu et nombre d’intellectuels communistes juifs de sa tendance). Si les milices nazies de Croix fléchées hongroises et de la Garde de fer s’étaient livrées à des massacres, Antonescu avait déjà facilité l’émigration des Juifs de Roumanie vers Israël pour des raisons vénales (de même fera-t-il rapatrier des Juifs de Transnistrie lorsqu’il sentira le vent tourner en faveur des Alliés). Ceaucescu saura aussi monnayer le départ des Juifs de Roumanie, tout comme des « Allemands » (dont le « retour » était financé par l’Allemagne, dite alors de l’Ouest, en manque de main d’œuvre qualifiée), dans les années 1980. Ceux qui ont survécu aux purges quitteront un pays où ils ne sont plus souhaités et dont les populations commencent à manquer de tout.
Un certain révisionnisme roumain, avec pour chefs de file Ion Coja ou Tudor Voicu, parmi d’autres, ou encore Adrian Paunescu, a pris le relai, en version nationaliste plus ou moins anti-communiste (Constantin Mitea, très proche de Ceaucescu, publiait dans le journal de Paunescu, Totusi Iubirea), d’un révisionnisme communiste qui voulait que Ceauçescu ait protégé la communauté juive et que le communisme roumain avait combattu l’antisémitisme. Au Banat, où la communauté juive semble devenir numériquement inférieure à celle des catholiques bulgares (implantés depuis le dix-huitième siècle), il n’y a plus vraiment de Juifs à troquer contre des devises : les chefs de file de la communauté sont en majorité des vieillards. Accusés par les uns d’avoir introduit le capitalisme, par les autres (voire par les mêmes), d’avoir imposé le communisme pour détruire une identité roumaine forcément bucolique, rurale, terrienne, sylvestre, &c., les Juifs roumains n’intéressent plus sauf s’ils sont devenus de grands noms de la littérature étrangère, française notamment, morts de préférence. De même, la récente prix Nobel de littérature, Herta Müller, une Souabe du Banat, est revendiquée par les Valaches et les Transylvains roumanophones, voire par les Moldaves, en tant qu’une des grandes auteures roumaines. Ce qui fait un peu « farce », notamment aux yeux des Souabes.
Tourisme et revenus du tourisme obligent, c’est la place Unirii, où se dressent deux églises catholiques (grecque et « allemande », pour simplifier abusivement), et ses immeubles austro-hongrois, qui bénéficie des plus lourdes opérations de rénovation architecturale. Les synagogues peuvent donc attendre et la cathédrale orthodoxe autocéphale roumaine, de construction plus récente, n’exige pas de lourds travaux. Les priorités vont donc à l’ensemble le plus spectaculaire du moment. La roumanité orthodoxe, dans d’autres quartiers, pourra attendre…
Éric Besson, le révisionniste du « socialisme à la française », lance donc un débat sur l’identité nationale. De quoi les Françaises et les Français devraient-ils être fiers ? Des camps de Drancy et du Struthof, de celui des républicains espagnols à Gurs, de celui des harkis, le camp Joffre à Rivesaltes ? Non ? Ah bon ! On a préféré faire jouer au Breton Pierre-Jaquez Hélias (†1995), et à son Cheval d’orgueil, le rôle d’une Herta Müller, et de son L’Homme est un grand faisan sur terre (Der Mensch ist ein groβer Fasan auf der Welt) au Banat à présent roumain. Il figure dans la liste de la « bibliothèque » du nouveau site dédié à l’identité nationale française. Après le bonnet d’âne du bretonnant, le bonnet rouge des révoltés de 1675, le phrygien à cocarde tricolore ? Bah, le vent emportera, comme les feuilles jaunies et desséchées du pare-brise de l’épave de la synagogue de Fabric, ce débat, comme tant d’autres, aussi artificiels qu’instrumentalisés.
De Pierre-Jakez Hélias, on retiendra peut-être cette phrase : « Le visage du monde se farde de plus en plus. L’artifice l’envahit à mesure que l’homme s’en rend maître… ». Si l’homme est un grand faisan, Éric Besson n’en est qu’un petit. La synagogue du quartier Fabric lui survivra, c’est déjà cela de réconfortant.
[b]Bonsoir,
Les photographies sont-elles de vous ?
Par ailleurs, bravo pour votre article 😉 [/b]
Pour Benjamin,
Oui, faites au grand angulaire du Lumix DMC-LX3 (j’utilise aussi un K10 Pentax, après un Pentax LX argentique…, mais de plus en plus rarement).
En revanche, pour l’article sur la Casa de Clovni (Maison des Clowns), j’ai aussi utilisé des images d’archive de l’association. Seule la photo de Dominique (la première) et le petit montage sans grand intérêt (la seconde) sont de moi.
Merci pour votre appréciation.
[b]De rien, Jef 😉
En ce qui concerne la première photo de cet article, la voiture rouge située juste devant quand vous avez pris la photo n’a pas l’air d’être dans un très bel état ;D
Cordialement[/b]
LES-RELIGIONS-QUELLE QUE SOIE EST UNE INTRODUCTION A LA SPIRUTUALITES- et a l’unite de ce monde,la religions juive,l’islam les animiste toutes les religions ont leurs place dans ce vastes monde…boniface zebo correspt de press