Cette photo a été prise à Valencia (Valence, Espagne) fin novembre. On voit un homme sexagénaire ayant accroché à son cou une corde de pendu et qui maintient un panonceau proclamant : « La justicia es para todos ». Je n’ai pas été voir à leurs sièges si les quotidiens locaux (Las Provincias, Qué !) ont fait état de ses doléances. Leurs sites sont muets sur son cas. Mais une vidéo de lui sur place (face à l’ancien palais de justice de Valencia) a été déposée sur YouTube dès le 2 novembre 2009. Toute similitude avec des situations existantes ou ayant existé serait bien sûr fortuite et indépendante de la volonté des institutions judiciaires et des organes de presse de nos démocratiques pays…


Je lui ai dis que je comprenais mal le castillan, nous nous sommes serrés la main, j’ai ajouté ¡ànimo ! (courage !) et je suis reparti. Depuis 32 ans, il demande à être entendu et que ses arguments soient réellement reconnus. « Nous nous sommes retrouvés, moi et mes enfants totalement ruinés sans recours judiciaire, » conclut la pancarte. L’affaire n’a semble-t-il pas encore intéressé les organes de presse locale dont les sites n’en gardent à ce jour aucune trace. Sur YouTube, le 14 décembre 2009, la vidéo de son témoignage a été consultée seulement 29 fois.

 

Hier soir, j’ai rencontré Stephan Pascau, docteur ès lettres, auteur d’un remarquable Écrire et s’enfuir, dans l’ombre des Lumières – Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793) pour la collection des « Gueux littéraires » de l’éditeur Les points sur les i. Sa mère a été assassinée par son second conjoint, de nombreux démêlés judiciaires s’ensuivirent, car en première instance, selon Serge Pascau, l’expertise psychiatrique effectuée par Michel Dubel, expert renommé près la cour de cassation, avait lourdement pesé en faveur de l’accusé. Un nouveau procès a tenu compte des conclusions d’une seconde expertise (« Un collège d’experts l’a considéré responsable de ses actes au moment des faits et déclaré accessible à une sanction pénale, » avait-il confié à La Dépêche du Midi) et l’assassin, Eugène Ricaud, avait été cette fois condamné. Mais la suite est d’une complexité judiciaire dont Stephan Pascau n’arrive pas à se dépêtrer, l’héritage de la maison de sa mère lui est « confisqué » à la défaveur d’une insolite argutie notariale, &c. Il a été contacté par d’autres personnes ayant pâti d’expertises diligentées par Michel Dubec (récemment condamné, en première instance, à trois mois avec sursis d’interdiction d’exercer par le Conseil de l’Ordre des médecins). La plupart se sont découragés, ayant tenté de multiples démarches.

 

Et puis, on voit aussi, sur la Toile, le type de supplique reproduit ci-dessous. Elle émane de Brigitte Brami, condamnée pour la seconde fois à plus d’un an de détention pour harcèlement à l’encontre de Michel Dubec. Après un premier appel, elle avait vu sa peine réduite à huit mois, dont six effectués à Fleury-Mérogis ; elle a interjeté appel du second jugement et attend une convocation pour enfin comparaître ; pour le moment, elle se soustrait aux poursuites…

 

« J’ai avant tout besoin d’argent mais aussi :

Pourquoi ai-je si froid ?

Pourquoi me recherche-t-on au fait ?

J’ai simplement voulu combattre mes crises de spasmophilie il y a 14 ans en allant chez Dubec.

Pourquoi ai-je si peur de retourner en prison ?

Pourquoi est-ce que je pleure en marchant ?

Pourquoi est-ce que personne ne peut vraiment m’aider ?

Pourquoi cette prise de conscience si tardive de la saloperie du monde ?

Pourquoi je n’ai plus envie de vivre ?

Pourquoi ai-je dû quitter mon quartier, mes voisins, mes habitudes et mon studio ?

Pourquoi ai-je dû abandonner ma chienne ?

Pourquoi je compte mes sous comme une clocharde pour payer des hôtels sordides ?

Pourquoi mon affaire parfois intéresse internautes et associations mais que ma situation concrète se dégrade de jour en jour ?

Pourquoi je me sens si lasse ?

Pourquoi les lettres recommandées avec AR pleuvent-elles ?

Pourquoi ce décalage entre l’innocente que tous les pores de ma peau crient que je suis et la condamnation qu’on a décidé à mon encontre ?

Pourquoi des flics ont joué les shérifs en débarquant chez ma mère de 80 ans en menaçant de défoncer la porte ?

Pourquoi Marie-Thérèse n’est plus là pour me comprendre et me soutenir ?

Comment je vais faire pour payer l’hôtel demain ?

Pourquoi même mon frère qui m’a tant soutenue vient d’abdiquer violemment ?

Pourquoi tout le monde trouve ma situation très injuste mais tout le monde reste impuissant ?

Je ne comprends plus rien, c’est quoi ça ?

Aidez-moi ! »

 

Mais le cas est « complexe », l’autorité de la chose jugée pèse plus lourd d’un côté de la balance, le cas est difficile à exposer. Alors, on s’éloigne. On ne comprend pas, ou on comprend trop bien et on renonce, ou on s’abstient de s’exposer à comprendre…

 

Des associations féministes ont soutenu Brigitte Brami, certaines – très peu – tentent encore de lui apporter, non pas des moyens de se soustraire à l’action judiciaire, mais qu’elle soit entendue. Peut-être que la majorité de ces associations féministes se satisfait d’une si lourde peine qui pourrait faire jurisprudence et servir la cause des femmes harcelées ? On tente de trouver des explications. Ou pas, ou plus…

 

Ou on se donne bonne conscience et on croit qu’en ayant tendu la main une fois, rapidement, à Juan Blanquez Roman, l’homme au nœud coulissant de la photo, on est quitte, avec soi-même si ce n’est avec lui et tant et tant d’autres…